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Serbie

Extrême droite en hausse, majorité improbable

Le Parti radical serbe fait figure de grand vainqueur des élections législatives de dimanche puisque cette formation d’extrême droite recueille 27,7% des suffrages. Pourtant, les Radicaux ne devraient pas être en mesure de former le futur gouvernement et aucune majorité claire ne se dégage.
De notre envoyé spécial à Belgrade.

Tomislav Nikolic, le chef de file du Parti radical, a revendiqué dès dimanche soir la victoire et réclamé le poste de Premier ministre. Pourtant, les Radicaux ne devraient obtenir que 82 sièges sur les 250 que compte le futur parlement. Leurs alliés naturels, les Socialistes de l’ancien maître de Belgrade Slobodan Milosevic, n’obtiennent que 7,6% et pourraient compter sur 21 mandats parlementaires. Ces deux formations sont donc bien loin de disposer de la majorité nécessaire pour gouverner le pays.

Symboliquement, Slobodan Milosevic et Vojislav Seselj, le chef historique du Parti radical, tous deux incarcérés dans la prison internationale de Scheveningen et en instance de jugement devant le Tribunal pénal international, viennent d’obtenir une nouvelle légitimité, même si les deux hommes ne pourront bien sûr pas siéger dans le futur parlement. Leurs mandats parlementaires devraient être attribués à d’autres représentants de leurs partis respectifs. Tomislav Nikolic, qui se contente du titre de vice-président du Parti radical, assurait que Vojislav Seselj suivait les résultats à la télévision et qu’il était, dimanche soir, «l’homme le plus heureux du monde».

Le camp réformateur paie au prix fort ses divisions. Le Parti démocratique de Serbie (DSS), de l’ancien Président yougoslave Vojislav Kostunica, obtient, avec 18% des voix, un score bien inférieur à ses espérances, tout comme le groupe G17+, un regroupement d’experts qui s’était récemment transformé en parti politique. Ce dernier n’obtient que 11,4% des suffrages, derrière le Parti démocratique (DS) de l’ancien Premier ministre assassiné Zoran Djindjic, crédité de 12,7% des voix. Ensemble, ces trois formations obtiendraient 124 sièges, manquant de peu la majorité absolue.

Cependant, un accord entre ces trois formations, autrefois unies dans la lutte contre le régime de Milosevic, sera difficile à obtenir. Durant la campagne, Vojislav Kostunica avait exclu toute perspective d’entente avec le Parti démocratique, actuellement au pouvoir.

Un monarchiste en position d’arbitre

On s’attend néanmoins à ce que les diplomates occidentaux multiplient les pressions pour arracher un accord et la formation d’un gouvernement de coalition, qui devrait également inclure le Mouvement serbe du renouveau (SPO) de l’écrivain Vuk Draskovic, qui constitue la grande surprise du scrutin.

Opposant résolu à Slobodan Milosevic dans les années 1990, avant de se rallier à celui-ci quelques mois avant les bombardements de l’OTAN du printemps 1999, Vuk Draskovic fait un retour inattendu sur la scène politique serbe. En 2000, il avait refusé de rejoindre la coalition de l’Opposition démocratique de Serbie (DOS) et son parti avait été laminé. Avec 8% des suffrages et 23 sièges, le SPO se retrouve désormais en position d’arbitre. Dimanche soir, Vuk Draskovic a catégoriquement exclu toute alliance avec les «forces anti-européennes de l’ancien régime», c’est-à-dire avec les Radicaux et les Socialistes.

La Serbie pourrait donc s’orienter vers la formation d’une très vaste coalition, qui regrouperait le DSS, le DS, le G17+ et le SPO. Ces formations ont cependant des positions totalement divergentes sur des questions essentielles comme la coopération avec le TPI, les réformes économiques et les privatisations, l’avenir du Kosovo ou les relations entre la Serbie et le Monténégro. Vuk Draskovic a mené campagne contre les privatisations, qui sont au contraire l’objectif prioritaire du G17+. Monarchiste convaincu, Vuk Draskovic explique cependant qu’il ne fera pas de la proclamation d’une monarchie constitutionnelle une condition à la conclusion d’une entente gouvernementale.

Des tractations difficiles vont donc commencer, et il est probable que l’Europe mette son poids dans la balance pour obtenir la formation d’une vaste coalition. Cependant, cet éventuel gouvernement ne disposerait d’aucune cohérence politique, et certains analystes prévoient déjà la convocation rapide de nouvelles élections. La Serbie, qui depuis un an n’est pas capable d’élire un président de la République doit cependant surmonter cette crise politique et institutionnelle si elle veut poursuivre les indispensables réformes amorcées depuis la chute de Milosevic, il y a trois ans.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 29/12/2003