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Hongrie

Le quartier juif de Budapest en péril

Malgré une façade en mauvais état, la bâtisse Art nouveau témoignait de la richesse de l'architecture du début du XXe siècle. 

		Photo: Istvan Javor
Malgré une façade en mauvais état, la bâtisse Art nouveau témoignait de la richesse de l'architecture du début du XXe siècle.
Photo: Istvan Javor
Riche en architecture éclectique et Art nouveau, le centre historique de Budapest, qui abrite le quartier juif, est menacé par les promoteurs. L'association Ovas se mobilise pour le sauver.

Eventrée par les démolisseurs, l'imposante bâtisse Art nouveau n'est plus. Au coeur d'Erzsébetvaros, le quartier juif historique de Budapest, les bulldozers ont eu raison de l'édifice vendu par la municipalité à des promoteurs. Située rue Hollo, la maison était l'ancienne demeure d'un orfèvre, Lipot Fleischmann. Malgré une façade en mauvais état, elle témoignait de la richesse de l'architecture du début du siècle : balcons aux ferronneries délicatement ouvragées en forme de losange, et fenêtres en arc de cercle aux huisseries d'époque.

Sa destruction n'est qu'un exemple de l'urbanisme sauvage qui sévit partout mais menace particulièrement le quartier juif. Pas une rue où pioches, marteaux et bétonneuses ne s'activent sans relâche. La ville a eu la chance de survivre aux bombardements de la deuxième guerre mondiale qui ont presque complètement détruit Varsovie. «Aujourd'hui le vieux Budapest est en train de mourir», estime l'architecte György Szegö.

Au début du XXe siècle, Erzsébetvaros abritait trois synagogues pour une importante communauté : dans ses rues étroites, on croisait des fourreurs et des orfèvres, ainsi que des artisans, libraires, et banquiers qui construisirent à tour de bras. «Cette partie est extrêmement riche en architecture du XIXe et XXe siècles, avec des demeures de style éclectique, néo-classique et Art nouveau. Quelques unes sont classées, mais c'est tout le quartier, unique par sa mixité et son harmonie architecturale, qui mérite de l'être», affirme l'architecte Anna Perczel qui, dès 1996, avait tiré la sonnette d'alarme et répertorié dans la zone pas moins de 97 bâtiments historiques à protéger. Suite à l'étude de l'architecte, l'Office des Monuments historiques a alors commencé à recenser les immeubles dignes d'être classés. Toutefois, manquant d'argent et de personnel compétent certains fonctionnaires approuvant parfois la destruction d'édifices au lieu de les classer l'Office n'a toujours pas achevé sa tâche.

Pour l'écrivain György Konrad, qui grandit dans cet arrondissement, le problème principal est que la mairie de Budapest n'a aucun pouvoir. C'est un effet pervers de la démocratie : «Après 1989, on a voulu rompre avec le centralisme propre au communisme et on a décentralisé au maximum. On a doté les municipalités d'arrondissement de tous les pouvoirs et elles font ce qu'elles veulent», explique-t-il. Résultat, ni droit de préemption de la mairie de la capitale, ni plan global d'urbanisme. Et les municipalités, propriétaires de la plupart des vieux immeubles anciens, sont tentées d'expulser les locataires, de les reloger ailleurs et de vendre aux promoteurs.


Interieur de la bâtisse. 

		Photo : Istvan Javor
Interieur de la bâtisse.
Photo : Istvan Javor

En consultant sur Internet les projets de développement urbain (1), on constate d'ailleurs que la maison de l'orfèvre avait le malheur de se trouver en plein dans l'axe d'une affligeante rue piétonnière et d'un complexe immobilier... «30% de ce patrimoine architectural pourrait être détruit selon les plans d'urbanisme, dont le Mikveh, l'unique bain rituel juif existant encore à Budapest» s'inquiète Anna Perczel. Pourtant, toute la zone est classée zone protégée par l'Unesco depuis 2002.

Indigné, le cinéaste Istvan Javor vient de créer une association, Ovas ! (proteste et protège) (2). «Des milliers de juifs sont morts dans le ghetto ; toucher à ces maisons alors qu'elles pourraient être restaurées, c'est insulter leur mémoire». Ovas, qui souhaite faire classer toute la zone, a lancé une pétition et a sommé l'Office des Monuments historiques de sauver ce qu'elle considère comme un patrimoine «européen». Premier succès : l'Office a décidé de geler les permis de détruire et de construire pendant un an. Mais cela ne remet pas en cause les contrats signés. Dans l'immédiat, une vingtaine d'immeubles sont en péril.


par Florence  La Bruyère

Article publié le 03/07/2004 Dernière mise à jour le 03/07/2004 à 14:02 TU

(1) Plans de développement du quartier : www.erzsebetvaros.hu
(2) ovas@mailbox.hu