Hongrie
Le septième art prend un coup de jeune
Les jeunes cinéastes hongrois décoiffent. Ils ont 30 ans, sont bourrés de talent et leurs premiers films font un tabac. Sorti le 20 novembre dernier, le film Kontroll a dépassé les 150 000 entrées. Jamais une production hongroise n’avait atteint, en aussi peu de temps, un chiffre record. D’ordinaire ce sont les productions hollywoodiennes qui font recette. Depuis dix ans, elles représentent plus de 90 % des entrées.
De notre correspondante à Budapest
Kontroll, comédie aux allures de thriller qui se déroule dans le métro de Budapest, est le premier film d’Antal Nimrod, 30 ans. Ce western urbain qui illustre sur un mode burlesque la lutte entre le bien et le mal, met en scène les bons (les contrôleurs), les brutes (les passagers) et un mystérieux assassin qui pousse ses victimes sur les rails. Issus de la rue, payés à la prime, les contrôleurs y essuient les sarcasmes, voire les coups des fraudeurs. Le film n’est pas loin de la réalité car, en Hongrie, on fraude sans vergogne et l’on se moque volontiers des contrôleurs. Celui qui refuse de payer l’amende est considéré comme un homme, un vrai.
Antall Nimrod renvoie aux Hongrois un miroir critique d’eux même, avec une ironie mordante. Accompagnée de l’excellente musique du groupe rock Néo, Kontroll est «la comédie noire la plus réussie depuis dix ans», estime le critique Gergely Bikacsi. «La nouvelle génération s’ouvre au public et se tourne vers les films de genre. C’est une nouveauté en Hongrie où les cinquante dernières années ont été dominées par l’esthétisme pur. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de faire de "beaux films". Il est légitime de penser au public, d’autant que l’Etat a récemment décidé de soutenir le 7e art», observe de son côté György Palos, dont le film «Frankie et la dolce vita» a été primé au Festival de Biarritz (FIPA) en 2001. Pour que le cinéma hongrois survive à la concurrence occidentale, les pouvoirs publics se sont en effet engagés à tripler leur aide à l’industrie d’ici 2006, dans une loi votée en décembre 2003.
Nouvelle vague
Les réalisateurs de demain ont conscience que leurs films ne pourront survivre s’ils s’adressent exclusivement au public hongrois. Une «nouvelle vague» est-elle née ? Oui, dans le sens où les jeunes cinéastes partagent un passé commun et jouent souvent un petit rôle, dans les films des copains. Ils sortent de la prestigieuse Ecole de Budapest, où enseignent les grands maîtres qui les «coachent» dans la réalisation de leur film de fin d’études. Ce soutien technique et artistique porte aujourd’hui tous ses fruits, en propulsant les jeunes talents à l’avant-scène.
Toutefois, on ne trouve guère de style ou de thème commun à ces nouveaux auteurs. Leur quête est individualiste. Ainsi Szabolcs Hajdu, 31ans, est un conteur aux accents surréalistes. Après une première œuvre très remarquée, il vient de sortir un deuxième long métrage, Tamara. L’action se déroule en Transylvanie, province roumaine où vit une forte communauté magyare. Dans une jolie ferme, au milieu de montagnes boisées, règne l’harmonie. L’arrivée d’une jeune femme sophistiquée venue de la ville bouleverse ce microcosme. Simple et minimaliste, Tamara séduit par sa fraîcheur, par la qualité de la photographie, ainsi que par la drôlerie de la narration. Ce sont en effet les animaux de la ferme qui racontent, chacun dans leur «langue». Le cochon parle «cochon», les poules parlent «poule», le cheval a son dialecte propre et tout cela est traduit dans un hongrois de fortune.
Benedek Fliegauf, 29 ans, fait, lui, figure d’outsider puisqu’il n’a aucun diplôme et a appris le cinéma sur le tas. Après un premier film primé au festival de Berlin (section Forum), Fliegauf confirme l’originalité de son talent dans un deuxième long métrage, Dealer. Avec de longs plans-séquence, et une bande son extrêmement travaillée, il y filme la vie d’un marchand de drogue dans une mégapole intemporelle, matrice froide et désincarnée d’une société post-moderne. Avant même leur sortie prochaine sur les écrans, les films de Hajdu et de Fliegauf ont été salués par la critique. Les productions hollywoodiennes n’ont qu’à bien se tenir…
Kontroll, comédie aux allures de thriller qui se déroule dans le métro de Budapest, est le premier film d’Antal Nimrod, 30 ans. Ce western urbain qui illustre sur un mode burlesque la lutte entre le bien et le mal, met en scène les bons (les contrôleurs), les brutes (les passagers) et un mystérieux assassin qui pousse ses victimes sur les rails. Issus de la rue, payés à la prime, les contrôleurs y essuient les sarcasmes, voire les coups des fraudeurs. Le film n’est pas loin de la réalité car, en Hongrie, on fraude sans vergogne et l’on se moque volontiers des contrôleurs. Celui qui refuse de payer l’amende est considéré comme un homme, un vrai.
Antall Nimrod renvoie aux Hongrois un miroir critique d’eux même, avec une ironie mordante. Accompagnée de l’excellente musique du groupe rock Néo, Kontroll est «la comédie noire la plus réussie depuis dix ans», estime le critique Gergely Bikacsi. «La nouvelle génération s’ouvre au public et se tourne vers les films de genre. C’est une nouveauté en Hongrie où les cinquante dernières années ont été dominées par l’esthétisme pur. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de faire de "beaux films". Il est légitime de penser au public, d’autant que l’Etat a récemment décidé de soutenir le 7e art», observe de son côté György Palos, dont le film «Frankie et la dolce vita» a été primé au Festival de Biarritz (FIPA) en 2001. Pour que le cinéma hongrois survive à la concurrence occidentale, les pouvoirs publics se sont en effet engagés à tripler leur aide à l’industrie d’ici 2006, dans une loi votée en décembre 2003.
Nouvelle vague
Les réalisateurs de demain ont conscience que leurs films ne pourront survivre s’ils s’adressent exclusivement au public hongrois. Une «nouvelle vague» est-elle née ? Oui, dans le sens où les jeunes cinéastes partagent un passé commun et jouent souvent un petit rôle, dans les films des copains. Ils sortent de la prestigieuse Ecole de Budapest, où enseignent les grands maîtres qui les «coachent» dans la réalisation de leur film de fin d’études. Ce soutien technique et artistique porte aujourd’hui tous ses fruits, en propulsant les jeunes talents à l’avant-scène.
Toutefois, on ne trouve guère de style ou de thème commun à ces nouveaux auteurs. Leur quête est individualiste. Ainsi Szabolcs Hajdu, 31ans, est un conteur aux accents surréalistes. Après une première œuvre très remarquée, il vient de sortir un deuxième long métrage, Tamara. L’action se déroule en Transylvanie, province roumaine où vit une forte communauté magyare. Dans une jolie ferme, au milieu de montagnes boisées, règne l’harmonie. L’arrivée d’une jeune femme sophistiquée venue de la ville bouleverse ce microcosme. Simple et minimaliste, Tamara séduit par sa fraîcheur, par la qualité de la photographie, ainsi que par la drôlerie de la narration. Ce sont en effet les animaux de la ferme qui racontent, chacun dans leur «langue». Le cochon parle «cochon», les poules parlent «poule», le cheval a son dialecte propre et tout cela est traduit dans un hongrois de fortune.
Benedek Fliegauf, 29 ans, fait, lui, figure d’outsider puisqu’il n’a aucun diplôme et a appris le cinéma sur le tas. Après un premier film primé au festival de Berlin (section Forum), Fliegauf confirme l’originalité de son talent dans un deuxième long métrage, Dealer. Avec de longs plans-séquence, et une bande son extrêmement travaillée, il y filme la vie d’un marchand de drogue dans une mégapole intemporelle, matrice froide et désincarnée d’une société post-moderne. Avant même leur sortie prochaine sur les écrans, les films de Hajdu et de Fliegauf ont été salués par la critique. Les productions hollywoodiennes n’ont qu’à bien se tenir…
par Florence La Bruyère
Article publié le 21/02/2004