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Hongrie

La gauche retrouve le pouvoir

Le second tour des législatives hongroises a confirmé le succès des socialistes qui ont battu de peu le premier ministre conservateur sortant Viktor Orban, mais qui n’obtiennent pas la majorité absolue au parlement.
De notre correspondante à Budapest

Une foule en liesse, réunie dans le parc-musée du millénaire, scrute les écrans géants. Beaucoup de jeunes parmi les supporters de la Fidesz (Jeunes démocrates), parti du Premier ministre sortant, qui trépignent de joie et applaudissent en hurlant : «Hungaria !», comme s’ils assistaient à un match de foot. Mais la joie sera de courte durée. Viktor Orban, fringant Premier ministre, vient annoncer que la droite a frôlé la victoire. Malgré son très bon score, les deux partis de gauche sont toutefois les seuls à pouvoir former un gouvernement. «Nous étions beaucoup, mais pas assez. La majorité des Hongrois a choisi un monde socialiste» déclare-t-il d’une voix calme, annonçant qu’il a téléphoné à son rival, Péter Medgyessy, candidat socialiste, pour le féliciter.

On ne s’attendait pas à ce que Viktor Orban tire sa révérence aussi facilement. Le leader populiste s’était battu comme un lion entre les deux tours, appelant notamment les Hongrois à manifester pour «sauver la nation de la barbarie communiste» et du «grand capital». Le ton extrémiste avait effrayé ; Viktor Orban, qui n’a pas hésité à flirter avec les méthodes d’extrême-droite ces quatre dernières années, mijotait-il d’appeler la rue à sa rescousse et de préparer une contestation des résultats du deuxième tour ? De source diplomatique, il aurait aussitôt reçu un appel de Washington, l’enjoignant de respecter la voix des urnes.

Majorité relative au parlement

Ce qu’il a fait, brisant la vague de tension perceptible dans tout le pays. Dès qu’Orban a parlé, la foule clame sa joie devant le siège du parti socialiste. C’est une soirée presque estivale, une brise tiède flotte sur la grande tente installée place de la république, où sautent les bouchons de champagne. Mais l’atmosphère est plus sereine que triomphale, car les socialistes n’ont pas la majorité absolue. Ils ont 178 sièges dans le nouveau parlement, soit dix de moins que la droite. Grâce aux 20 sièges obtenus par leur allié, le petit parti libéral, ils pourront cependant gouverner, s’appuyant sur une courte majorité de cinq sièges.

Péter Medgyessy, 59 ans, sera donc le prochain Premier ministre. Le candidat des socialistes est un expert financier, ancien banquier et ancien ministre. A la fin des années 80, il fut membre du cercle des communistes réformateurs qui poussèrent le pays vers l’économie de marché et vers les élections libres. Il fut notamment le principal artisan de la réforme du système des impôts. Ce technocrate à l’allure raffinée a aussi dirigé la filiale hongroise du groupe bancaire Paribas.

Les Hongrois ont choisi un Premier ministre dont le ton modéré tranche résolument sur le style populiste de son prédécesseur. «Nous sommes la force tranquille» a été son slogan de campagne. L’homme est peu porté aux discours de tribun et son style courtois, où perce parfois l’humour, lui donne l’apparence d’un grand bourgeois. Parfaitement francophone, Péter Medgyessy est né en 1942 à Budapest dans une famille originaire de Transylvanie (aujourd’hui en Roumanie) et parle également le roumain. Il incarne un socialisme libéral et s’il entend poursuivre la politique sociale du gouvernement sortant et augmenter les salaires des enseignants et des infirmières, il souhaite aussi réformer le système de santé publique, dans un état de délabrement avancé.

Péter Medgyessy souhaite restaurer l’indépendance du parlement et des média publics, mis à mal par l’autoritarisme de Viktor Orban. Il veut aussi lancer une opération «mains propres» pour lutter contre la corruption, endémique en Hongrie. En le portant au pouvoir, les électeurs ont choisi un gestionnaire plus qu’un politique, et signifié leur lassitude des combats idéologiques de la droite.



par Florence  La Bruyère

Article publié le 23/04/2002