Portugal
Dissoudre ou nommer ?

(Photo: AFP)
Aux fonctions de Premier ministre, José Manuel Durão Barroso a préféré celles de président de la Commission européenne pour les cinq prochaines années. En quittant lundi 5 juillet officiellement le poste qu’il occupait depuis le 17 mars 2002, il laisse un pays en crise et un président contraint de trouver prématurément un successeur. La démission de Barroso ouvre la voix à une nouvelle donne en matière de politique et pourrait bien aboutir à la fin d’une cohabitation. Les socialistes pourraient en effet revenir sur le devant de la scène politique si Jorge Sampaio choisissait d’organiser des élections législatives anticipées.
A la suite du départ prématuré de Barroso dont le mandat devait s’achever en 2006, le Parti Social Démocrate (PSD, droite) a dû se réorganiser rapidement. C’est au maire de Lisbonne, Pedro Santana Lopes, que revient la présidence du Parti Social Démocrate en remplacement de Durão Barroso. A ce titre, il est naturellement pressenti pour le poste de chef du gouvernement en cas de nomination par le Président. Mais ce nouveau leader ne semble pas faire l’unanimité au sein de la population portugaise. Le pays a besoin d’un Premier ministre charismatique, capable de redresser la situation économique du pays, quelque peu délabrée. Taux de chômage en hausse, taux de croissance en baisse, rappel à l’ordre par la Commission pour le non respect des critères du Pacte de stabilité et de croissance en matière de déficit, les indicateurs ne trompent pas.
Alors que la stratégie du président n’est toujours pas connue, deux camps se dessinent clairement. D’un côté, ceux qui souhaitent la dissolution et l’organisation anticipée d’élections législatives. De l’autre, ceux qui préfèrent la nomination d’un Premier ministre en attendant les prochaines législatives prévues pour 2006. Jorge Sampaio peut donc choisir de dissoudre ou non l’Assemblée. Mais pour ne pas faire entorse à la constitution portugaise, le président est obligé de respecter un certain nombre d’étapes, quelle que soit sa décision finale. En premier lieu, il doit nommer préalablement un Premier ministre. Celui-ci établit son propre gouvernement. Enfin, ce gouvernement doit soumettre son programme au vote de l’Assemblée nationale. Même si l’établissement de ce nouveau gouvernement peut être de très courte durée, le président ne peut dissoudre l’assemblée que s’il existe un gouvernement effectif en place. Cependant, la constitution n’oblige en rien le président à choisir un Premier ministre au sein du PSD. Il est en droit de choisir un Premier ministre d’une autre formation s’il juge que cela est nécessaire.
Les alternatives de Sampaio
Jorge Sampaio peut choisir un chef de gouvernement au sein du parti du Premier ministre démissionnaire: le PSD. Dans ce cas, la cohabitation reste maintenue. Cependant, ce choix risque de se heurter au mécontentement de la population portugaise. Celle-ci est en effet en mesure de contester la légitimité politique de cette action, la nomination du nouveau ministre ne résultant pas du suffrage universel. De plus, le déclin du parti de la coalition gouvernementale aux dernières élections européennes n’encourage pas dans cette voix. Le Parti socialiste a en effet obtenu 44,52% des voix contre 33,25% à la coalition gouvernementale.
A l’inverse, si le président choisit un Premier ministre d’une formation différente, on peut craindre la grogne des membres du PSD. Certes, c’est grâce à l’alliance avec le Parti Populaire (CDS-PP, droite) que le PSD a pu obtenir la majorité à l’Assemblée nationale en 2002. Mais il a tout de même remporté les élections législatives. C’est donc au sein même du parti qu’il faut choisir le successeur de Barroso.
Ces deux alternatives souffrent toutefois d’un manque de légitimité politique. Ceci n’étant pas sans conséquences: manque de crédibilité du nouveau chef du gouvernement, risque d’entretenir un climat social dégradé et de conforter la crise politique actuelle. La troisième voix qui s’offre donc à Jorge Sampaio est celle de la dissolution de l’Assemblée, suivie d’élections législatives anticipées. Sans attribuer à cette dernière solution des vertus miracles, elle semble la plus adéquate pour l’intérêt de la nation.
Les jours à venir vont donc être déterminants pour le pays. Tout se joue actuellement entre les mains du président. La nomination d’un Premier ministre semble de toute évidence une première démarche inévitable. Reste à savoir si Jorge Sampaio choisira de s’arrêter là.
par Clémence Aubert
Article publié le 09/07/2004 Dernière mise à jour le 09/07/2004 à 10:45 TU