Djibouti
De Paris à Washington, la lutte contre le terrorisme passe par Djibouti
(Photo: AFP)
Un forfait annuel de 30 millions d’euros se substitue aux quelque 18 millions d’euros de recettes fiscales et de contributions financières diverses générées par les Forces françaises à Djibouti (FFDJ) et comprenant notamment une taxe sur les produits d’importation ou un impôt sur les salaires des personnels. Outre cette généreuse révision à la hausse de la manne française, le Trésor public djiboutien pourra compter sur la réduction de ses dépenses de santé avec, en particulier, dix millions d’euros investis par Paris dans un hôpital militaire. Mais au total, selon les autorités militaires françaises, chaque année, la présence française rapporterait entre 150 et 170 millions d'euros à Djibouti. La coopération civile et l'aide publique au développement représenteraient une enveloppe annuelle de 25 millions d'euros tandis que l’aide militaire bilatérale pourrait elle-aussi être multipliée par deux et atteindre 10 millions d’euros annuels. En outre, avec leurs seules dépenses personnelles, les soldats-consommateurs représenteraient un marché annuel d’environ 40 millions d’euros pour l’économie djiboutienne.
Pour le moment, l’armée française héberge (au camp Lemonier notamment) les soldats américains dépêchés sur place en 2002 pour prêter main forte en Irak. Cela n’empêche pas Washington de verser des «dédommagements» à Djibouti, place-forte de la lutte occidentale contre le terrorisme. Principale base militaire française en Afrique, Djibouti est en effet devenu pour les Américains l’exception africaine qui confirme la règle «dictée par les impératifs de [leur] politique de lutte contre le terrorisme», comme l’explique la secrétaire américaine adjointe à la Défense chargée des Affaires africaines, Theresa Whelan. En Afrique, précise-t-elle, Washington se contentera comme par le passé de missions militaires à durée déterminée, sauf à Djibouti justement où ses troupes, ses forces spéciales et ses instructeurs «ont encore du travail à faire». Le terrorisme en est la cible principale. Les soldats américains pourraient également former sur place certaines armées africaines à sa répression. Washington organise en tout cas une présence militaire permanente à Djibouti où Paris songe à étendre ses installations militaires.
Entraînement et interventions rapides
Michèle Alliot-Marie a discuté de l’extension des infrastructures militaires avec les autorités djiboutiennes. Une quinzaine d’hectares supplémentaires sont nécessaires pour parquer trois appareils stratégiques et créer une plate-forme de transit d’une capacité de mille hommes. «La France a plusieurs intérêts» à Djibouti, explique la ministre de la Défense. Les «forces pré-positionnées nous permettent d'intervenir très vite dans la zone et dans l'ensemble de l'Afrique en cas de crise. Or l'intervention rapide est un concept stratégique essentiel pour essayer d'enrayer une crise avant qu'elle s'étende et dégénère», rappelle-t-elle, précisant que Djibouti est aussi «un lieu d'entraînement intéressant et important pour nos forces. C'est une base importante dans la lutte contre le terrorisme, y compris dans le cadre de la partie maritime d'Enduring Freedom», l'opération internationale antiterroriste à laquelle la France participe aux côtés des Américains. Le port en eau profonde de la capitale est d’ailleurs en cours d’agrandissement.
A Djibouti, Michèle Alliot-Marie s’est fait présenter des unités des forces spéciales françaises affectées à «des missions de renseignement la plupart du temps». Certaines sont en particulier engagées depuis 2003 en Afghanistan dans la traque d’Oussama Ben Laden. A ce sujet, selon la ministre française: «un certain nombre de renseignements ont permis de le situer approximativement, il n'est pas arrêté, nous pouvons dire que la mission continue». Pour sa part, Ismaël Omar Guelleh, le président djiboutien, ne cache pas sa satisfaction vis-à-vis du très bon payeur français. «Nos relations sont au beau fixe, une relation presque familiale parce que nous sommes très attachés à la langue française et nous nous sentons le porte-drapeau de la langue française dans notre région», se réjouit le président de l’ancienne colonie française, où flotte la bannière de l’indépendance depuis 1977.
«Les Américains sont nos partenaires comme les Français sont nos partenaires. S'il faut accorder des facilités, aux uns et aux autres, nous n'hésitons pas», se défend Omar Guelleh, soucieux de ne pas passer pour le marchand qui renchérit à l’apparition du client américain. De son côté, la ministre française de la Défense justifie la présence militaire française à Djibouti, comme un garde-fou à usage également intérieur, «une façon de prévenir des tentations ou des utilisations de ces populations par des mouvements terroristes». A cet égard, les très gourmandes autorités djiboutiennes disposent désormais d’un pactole suffisant pour éviter à la misère de border le lit du terrorisme à Djibouti. Voué aux armées occidentales comme d’autres Etats le sont aux casinos ou aux pavillons de complaisance, Djibouti voit en tout cas se confirmer sa vocation de garnison.
par Monique Mas
Article publié le 09/07/2004 Dernière mise à jour le 09/07/2004 à 15:08 TU