Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Le Hamas fait le dos rond

Abdelaziz al-Rantissi le 23 mars 2004, au lendemain de l'assassinat de Cheikh Ahmad Yassine, le fondateur du Hamas.  

		(Photo: Pochez/RFI)
Abdelaziz al-Rantissi le 23 mars 2004, au lendemain de l'assassinat de Cheikh Ahmad Yassine, le fondateur du Hamas.
(Photo: Pochez/RFI)
Après l’assassinat de son leader le cheikh Ahmed Yassine le 22 mars dernier, puis de son successeur Abdel Aziz Al-Rantissi le 17 avril, le Hamas avait promis aux Israélien une réponse sanglante. Or jusqu’à présent, le mouvement islamiste n’a pas mis à exécution sa vengeance, suscitant ainsi des interrogations sur sa capacité à frapper l’Etat hébreu. Certains experts sécuritaires avancent que le Hamas connaîtrait des problèmes logistiques, notamment en termes d’explosifs disponibles. Les stocks seraient plus difficiles à reconstituer.

De notre envoyé spécial à Gaza

L’organisation islamiste a subi des coups sévères de la part d’Israël, qui non seulement a décapité la tête de la direction intérieure, mais a aussi liquidé de nombreux cadres intermédiaires et découvert une dizaine de tunnels dans la région de Rafah servant à l’approvisionnement en armement. La construction du mur en Cisjordanie et les mesures de sécurité ultra renforcées en Israël ont aussi limité la capacité d’opérer du Hamas à l’intérieur de la «ligne verte». «Il est actuellement incapable de mener une opération de grande envergure en Israël», assure Ziyad Abou Amer, député palestinien à Gaza.

«Le mouvement a été clairement désorganisé par les opérations israéliennes, ajoute de son côté un officier des services de renseignement palestinien à Gaza. Certains de ses membres ont peur et se cachent. Ils préparent peut-être des opérations pour plus tard, mais actuellement ils ne nous posent pas de véritables problèmes sur le terrain». Et de poursuivre: «aujourd’hui, le Hamas doit s’allier à d’autres groupes armés pour monter une opération importante. Le Jihad islamique, relativement épargné par Israël, est plus opérationnel en ce moment»

A Gaza, la popularité du Hamas reste bien établie grâce à son réseau d’associations caritatives et de mosquées, mais la population n’hésite plus à critiquer les tirs de missiles Qassam en Israël qui n’ont aucun impact militaire mais qui en revanche provoquent des représailles massives de l’Etat hébreu, notamment à Beit Hanoun dans le nord de la bande de Gaza, où de nombreuses cultures, oliveraies et orangeraies ont été détruites au bulldozer.

La direction extérieure renforcée

Dans ce contexte de reflux temporaire, «le Hamas est en phase de réorganisation et de réévaluation de la situation, analyse un officiel de l’Autorité palestinienne. Il a pris des coups de massue sur la tête et cherche désormais à rentrer dans le jeu politique. Pragmatique, il souhaite calmer le jeu». Les islamistes participent d’ailleurs au dialogue national palestinien et se sont déclaré de nouveau favorables à une participation aux  instances de l’OLP. «Le Hamas ne jouera pas la politique du pire si Israël se retire de Gaza, estime ce même officiel palestinien. Mais à chaque fois que le mouvement se montre conciliant, Sharon le frappe durement et le provoque car il a besoin d’un ennemi pour justifier sa politique agressive».

Sur le plan organisationnel, le Hamas n’a pas publiquement nommé de successeur à Abdel Aziz Al-Rantissi pour des raisons de sécurité. Simplement, Sami Abou Zouhri, ancien responsable de la branche étudiante du mouvement à l’Université islamique de Gaza, fait office de porte-parole. Les membres de la direction intérieure sont eux désormais extrêmement prudents et discrets, craignant d’être liquidés à leur tour par l’armée israélienne.

Résultat de cet affaiblissement, c’est la direction extérieure du Hamas, dont les principales figures sont Khaled Méchal, Moussa Abou Marzouk et Mohammed Nazzal, qui a renforcé son influence sur l’organisation. Banquier du mouvement et président du Bureau politique, Khaled Méchal navigue entre Beyrouth, Damas et les pays du Golfe à la recherche de soutiens financiers et politiques. Conscient des risques d’assassinat, le dispositif sécuritaire le protégeant a été renforcé ces derniers mois.

«Khaled Meechal n’apparaît plus en public et lorsqu’il se déplace il utilise un convoi leurre de plusieurs voitures, explique un avocat jordanien proche du mouvement. A Damas, le Hamas a abandonné son QG du camp du Yarmouk pour de nouveaux bureaux installés dans le quartier de Domar. Le mouvement a aussi acheté plusieurs maisons à Damas pour héberger ses leaders qui ne dorment jamais sous le même toit». Selon cet avocat, la direction extérieure avait envoyé des avertissements à Abdel Aziz Al-Rantissi, le mettant en garde contre les préparatifs d’assassinats de la part des Israéliens le visant. Mais il n’en a pas tenu compte.



par Christian  Chesnot

Article publié le 17/07/2004 Dernière mise à jour le 22/07/2004 à 15:21 TU