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Proche-Orient

Mohammed Dahlan, l’homme qui rêve de conquérir Gaza

Brouillé avec Arafat, Mohammed Dahlan n'a pas pour autant coupé les ponts avec «le vieux». 

		(Photo : AFP)
Brouillé avec Arafat, Mohammed Dahlan n'a pas pour autant coupé les ponts avec «le vieux».
(Photo : AFP)
Dévoré d’ambition, on lui prête la volonté de devenir le « roi » de Gaza. Alors que le territoire sombre dans l’anarchie et les luttes inter-palestiniennes, Mohammed Dahlan, dit « Abou Fadi », prépare son avenir politique. « Nous avons échoué à faire la guerre, nous avons échoué à faire la paix, déclarait-il récemment au New York Times (…) Nous sommes à la croisée des chemins : soit c’est l’Etat palestinien indépendant, soit c’est la Somalie ! ». Lui se verrait bien dans la peau de l’homme providentiel.

De notre envoyé spécial à Gaza.

A 43 ans, Mohammed Dahlan, réfugié de Khan Younès, fourbit ses armes depuis qu’il se situe en marge de l’Autorité palestinienne et prépare son retour sur la scène politique. Celui que les Palestiniens appellent «Abou Fadi» ne manque pas d’atouts pour la suite. Du temps où il était le chef redouté de la puissante Sécurité préventive à Gaza, il a conservé des contacts très étroits avec les Israéliens et les Américains. Il a même participé aux négociations avortées de Camp David en 2000. Brouillé avec Arafat, il n’a pas pour autant coupé les ponts avec le « vieux ». Américains et Israéliens comptent sur lui, en cas d’évacuation de la bande de Gaza d’ici la fin 2005.

«Depuis qu’il n‘est plus ministre, Mohammed Dahlan cultive dans l’ombre ses réseaux et étend son influence», analyse un diplomate. «Il n’a pas d’allié au sein de la vieille garde du Fatah, mis à part Abou Mazen. Même si la rue palestinienne n’a pas oublié son rôle dans les années 90 et sa répression acharnée des islamistes, il apparaît aujourd’hui comme une personnalité à laquelle elle pourrait se raccrocher», conclut cette même source.

Ne pas apparaître comme un homme trop lié aux Américains et aux Israéliens

Dans son fief du sud de la bande de Gaza, Mohammed Dahlan pratique ouvertement un clientélisme digne d’un politicien madré ratissant sa circonscription électorale. «Il est proche de la population. Si quelqu’un a besoin de la moindre aide personnelle, il y répond favorablement sans hésiter», explique un officiel de l’Autorité palestinienne. Cultivant son image de bienfaiteur social, il a le projet de construire un hôpital. Sa femme, elle, dirige une ONG qui reçoit des financements de l’Union européenne.

Mohammed Dahlan recrute surtout auprès des jeunes qui sortent de l’université avec leur diplôme en poche mais sans aucun avenir. «Il leur accorde un soutien financier, parfois un travail», affirme un membre des services de renseignement, qui ajoute que l’ex-patron de la Sécurité préventive cajole aussi les chefs de tribus et de clans. Il est présent à la plupart des rendez-vous sociaux.

Au fil des ans, l’homme s’est constitué un « trésor de guerre » pour financer ses ambitions politiques. «Encore maintenant, il fait beaucoup d’affaires avec les Israéliens», prétend un diplomate à Gaza. C’est aussi son point faible. « Les gens connaissent ses combines, et savent qu’il est aussi corrompu que la plupart des membres de l’Autorité palestinienne» , poursuit-il

Inconnu en Cisjordanie, il a de nombreux ennemis dans son camp

Mais Mohammed Dahlan n’en à cure. Avec aplomb, il endosse le rôle du «chevalier blanc». «Il parle un langage simple aux gens, note un officiel palestinien. Il stigmatise la corruption et l’absence de transparence dans la gestion de l’Autorité. Il joue aussi sur le clivage intérieur/extérieur. «Depuis 10 ans, répète-il, nous les gens de l’intérieur, nous avons fait de grands sacrifices humains, à quoi ont-t-ils servi ?»

Peut-il prétendre à un destin national ? Tout dépendra des circonstances et à sa capacité de ne pas apparaître comme un homme trop lié aux Américains et aux Israéliens. Il a aussi de nombreux ennemis, notamment la plupart des services de sécurité lui sont hostiles (Force 17, «moukhabarats», police, renseignements militaires, etc.). Surtout, il n’a aucun relais en Cisjordanie où il est inconnu. Mais d’aventure, si la situation sécuritaire continuait de se détériorer dans la bande de Gaza, Mohammed Dahlan deviendrait à coup sûr incontournable.



par Christian  Chesnot

Article publié le 24/07/2004 Dernière mise à jour le 24/07/2004 à 13:08 TU