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Proche-Orient

Arafat sous la pression des siens

Soumis à de fortes pressions, Yasser Arafat refuse toujours de partager le pouvoir. 

		(Photo : AFP)
Soumis à de fortes pressions, Yasser Arafat refuse toujours de partager le pouvoir.
(Photo : AFP)
Le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a signé mercredi un décret visant à unifier la douzaine de services secrets palestiniens en trois départements: la sécurité nationale, la sécurité générale et les renseignements. Réclamée le week-end dernier par la rue et depuis des mois par la communauté internationale, cette réforme, que certains ont d’ores et déjà qualifié de «poudre aux yeux», n’a pas pour autant mis fin à la grave crise politique que traverse l’Autorité palestinienne. Le vieux raïs, qui a refusé la démission samedi de son Premier ministre, Ahmed Qoreï, est soumis à une forte pression de la part des députés palestiniens qui ont appelé à la formation d’un nouveau gouvernement avec des pouvoirs élargis en matière de sécurité.

Démissionnera ou démissionnera pas ? Si la réponse à cette question est apparemment claire dans l’esprit du Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï qui a officiellement réaffirmé au président Arafat sa volonté de quitter le gouvernement, elle ne semble toutefois pas aller de soi pour le chef de l’Autorité palestinienne qui a refusé de prendre en considération cette démission. Et si certains observateurs y ont vu une manœuvre politicienne destinée à arracher une parcelle de pouvoir au vieux raïs, Ahmed Qoreï n’en reste pas moins isolé aujourd’hui sur la scène politique palestinienne. Les députés lui ont en effet infligé un camouflet mercredi en adoptant à une majorité écrasante – un rapport parlementaire très critique sur sa gestion des affaires depuis sa nomination en octobre dernier. Sur 52 élus présents, 44 ont voté pour, 4 contre et 4 se sont abstenus. Ils lui reprochent notamment d’avoir failli à sa tache sécuritaire, spécialement dans la bande de Gaza, seul territoire où l’Autorité palestinienne exerce un contrôle puisque l’armée israélienne a pratiquement réoccupé toute la Cisjordanie. Ils le rendent ainsi responsables des troubles qui y ont éclatés à la fin de la semaine dernière. «Il est évident que la principale raison du chaos sécuritaire –l’inaction des services de sécurité et les infractions à la loi– est le manque de directives claires qu’ils ont reçues pour effectuer leur mission», indique notamment le rapport. 

Dans ce contexte, les députés palestiniens ont demandé au président Arafat d’accepter la démission de son Premier ministre. Ils ont également appelé à la création d’un nouveau gouvernement «capable d’assumer ses responsabilités», une allusion à peine voilée à doter ce futur cabinet de prérogatives importantes en matière de sécurité. Visiblement déterminé à faire aboutir ses revendications, le Conseil législatif palestinien (CLP, parlement) a très vite formé un comité, composé de quatorze élus, chargé de rencontrer le président Yasser Arafat pour discuter de ce qu’il convient de faire pour mettre un terme à cette crise politique. «La mission de ce comité sera de dialoguer avec Yasser Arafat afin de parvenir à appliquer les décisions du CLP» concernant le pouvoir exécutif, a ainsi indiqué Ahmad Aboul Nasr, le secrétaire du Parlement palestinien. «Nous lui demandons également d'approuver la publication d’ une dizaine de lois adoptées par le parlement et qui n'ont pas encore été promulguées» a-t-il également ajouté. Concernant le décret réformant les services de sécurité palestiniens que le président Arafat à signé mercredi, le comité a l’intention de demander que soient clairement définies «les prérogatives et les structures de ces services, à travers un texte législatif qui fixe et encadre leur mission».

 
L’appel du Hamas

Mais malgré cette pression des députés palestiniens, le vieux raïs ne semble pas prêt à lâcher du lest. Il a une nouvelle fois confirmé jeudi son Premier ministre dans ses fonctions. «Le président Arafat maintient sa position et il a demandé à Ahmad Qoreï de conserver ses fonctions et de procéder à d'importants changements au sein de son cabinet en vue de le renforcer», a notamment indiqué un de ses porte-parole. Mais cette obstination du président palestinien risque toutefois de se heurter aux revendications de certains activistes déterminés à en découdre, s’il le faut dans la rue, pour faire aboutir leurs revendications. Les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa –un groupe armé lié au Fatah de Yasser Arafat qui a pris la tête ces derniers jours des manifestations contre la corruption– se sont ainsi déclarées déterminées à poursuivre leur combat contre la corruption au sein de l'Autorité palestinienne avec la même vigueur que leur combat contre Israël. «Notre tâche première est de combattre la corruption et les corrompus de la même manière que nous combattons l'ennemi israélien», ont-ils notamment affirmé dans un communiqué. «Nous n'aimons pas faire justice nous-mêmes mais la direction palestinienne ignore notre sort et reste sourde à nos souffrances», ajoute ce document qui exhorte Yasser Arafat «symbole de notre lutte, à demander rapidement et sérieusement des comptes à ceux qui sont corrompus».

La situation est à ce point dégradée dans les territoires et les risques d’affrontements interpalestiniens tellement pris au sérieux que les islamistes du Hamas, qui étaient restés jusque-là plutôt discrets, ont exhorté le chef de l’Autorité palestinienne à tout mettre en œuvre pour circonscrire le chaos sécuritaire actuel. Dans un appel téléphonique pratiquement sans précédent, le chef suprême de ce mouvement radical, Khaled Mechaal, basé à Damas, a «fait part de ses inquiétudes quant à la mauvaise situation dans les territoires et des dangers qu’elle représente pour le peuple palestinien». Une fois n’est pas coutume l’homme fort du Hamas a appelé à un dialogue interpalestinien pour, affirme-t-il, «résoudre ces différends, le recours aux armes ne devant se faire que contre le seul ennemi sioniste».

Soumis à une forte pression de la part des siens, Yasser Arafat saura-t-il retrouver son rôle de rassembleur ? Un rôle que seul semble aujourd’hui pouvoir lui garantir un partage du pouvoir.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/07/2004 Dernière mise à jour le 22/07/2004 à 15:13 TU