Mauritanie

Nouakchott sous les criquets

Après avoir ravagé les cultures du Maghreb, les criquets pèlerins déferlent sur Nouakchott.
(Photo : AFP)

Des millions de criquets pèlerins ont envahi mercredi vers midi (heure locale) la capitale de la Mauritanie. Ces gigantesques essaims de criquets provenant des Etats du Maghreb s’attaquent maintenant aux Etats du Sahel. Le 18 juillet dernier, le gouvernement mauritanien avait lancé «un appel urgent à l’aide internationale pour faire face à un début de menace généralisée du territoire». Cette invasion, sûrement la plus importante depuis une quinzaine d’années, pourrait être catastrophique pour le pays.

«La quasi totalité des quartiers du centre-ville est infestée par les criquets pèlerins» a constaté le correspondant de l’AFP à Nouakchott. «Les insectes ont commencé à assombrir le ciel de la ville en milieu de journée et attaquent maintenant les jardins maraîchers, les arbres fruitiers et les espaces verts», continue-t-il.

Selon Annie Mourad, acridologue à la FAO, l’origine de ce phénomène est due à «des pluies, pendant plus de six mois bien réparties dans le temps et dans l’espace qui ont assuré une couverture végétale à la reproduction du criquet». Ces insectes, qui se déplacent en essaims, ravagent tout sur leur passage. Ils peuvent regrouper jusqu’à 80 millions d’insectes au kilomètre carré et peuvent effectuer jusqu’à 130 kilomètres par jour. Un criquet pèlerin adulte peut manger chaque jour l’équivalent de son poids soit environ deux grammes. En quelques minutes, un nuage d’insectes peut détruire un champs entier. Devant ces chiffres impressionnants, on comprend mieux l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui peut se dérouler. Les agriculteurs qui viennent tout juste de planter leurs semences, s’inquiètent de voir ruiner leur campagne agricole. Le directeur du centre anti-acridien de Mauritanie, Mohamed Ould Babah reconnaît que «les services de lutte sont totalement débordés».

Contributions insuffisantes

La lutte contre ces acridiens avaient pourtant été prise très au sérieux par les différents Etats touchés et par la communauté internationale. Les neuf pays victimes pour l’instant de cette prolifération, à savoir l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie se sont réunis le 27 juillet dernier à Alger pour mettre en place un plan de lutte contre le criquet pèlerin. Ce plan d’urgence prévoit d’envoyer des équipes d’intervention, du matériel de lutte anti-acridien, dont des véhicules et des pesticides des pays du Maghreb vers les pays du Sahel. Ces derniers étant moins bien préparés qu’eux pour ce combat. Le Maroc va notamment envoyer deux équipes d’intervention avec six véhicules et 50 000 litres de pesticides en Mauritanie.

La FAO a lancé, par l’intermédiaire de son représentant Joseph Tchikaya présent à Alger lui aussi, un appel pressant à la communauté internationale pour «une urgente et conséquente aide à la campagne anti-acridienne. Les contributions confirmées ou promises par les bailleurs de fonds restent en-deçà des espérances et ne peuvent pas pour le moment couvrir les besoins». Jusqu’ici 9 millions de dollars ont été octroyés par la FAO et les bailleurs de fonds – l’Espagne, les Etats-Unis, l’Union européenne, la Corée du sud, l’Italie et la Norvège. Dix millions ont encore été promis. Mais ces sommes risquent d’être insuffisantes. La dernière invasion de criquet en 1987-89 avait coûté 300 millions de dollars à la communauté internationale. On est encore loin du compte.

par Pauline  Stasi

Article publié le 05/08/2004 Dernière mise à jour le 07/09/2004 à 13:06 TU