Election présidentielle américaine
Blogues à part
Si les événements tragiques du 11 septembre et la guerre en Irak ont marqué l’avènement des blogues (blogs en anglais contraction de weblog), aujourd’hui ce sont les élections américaines qui retiennent leur attention. Apparus à la fin des années 1990, ces carnets ou journaux personnels en ligne - mêlant informations et points de vue personnels- sont devenus un véritable phénomène sur la Toile, permettant aux internautes de publier au jour le jour leurs pérégrinations sur le Net ou de commenter en toute liberté l’actualité.
Depuis quelques mois, c’est la campagne présidentielle américaine qui a la côte auprès de la communauté des blogueurs. Une véritable flopée de sites interactifs impossible à comptabiliser tant ils sont nombreux. Parmi ces diaristes (auteurs de journaux intimes) d’un nouveau genre qui publient chaque jour leurs réflexions personnelles sur la vie politique américaine, se trouvent aussi bien des observateurs de salon que des journalistes professionnels qui écrivent leur propre sélection d’informations et non celle décidée par un rédacteur en chef.
En fouillant bien sur la Toile, on découvre des blogues très réussis, dont on apprécie le contenu. La plupart du temps, on les doit à des professionnels de l’écrit, de nombreux journalistes américains sont en effet des blogueurs. Parmi eux, Andrew Sullivan, éditorialiste à The New Republic et au Time et Christopher Lydon, un ex-membre de l’équipe du New York Times postent régulièrement leurs billets sur le Net. De son côté, le reporter du magazine Newsweek, Howard Fineman a choisi d’écrire ses commentaires sur le blogue d’un grand site web, celui de la chaîne MSNnbc. Moins connus outre-Atlantique mais tout aussi percutants les blogues des journalistes français, Pascal Riché et Fabrice Rousselot, tous deux du quotidien Libération. Le premier, correspondant à Washington et le second, correspondant à New-York ont mis en ligne leur carnet de campagne sur leur blogue.
Le premier blogueur : Matt Drudge
Il n’y a pas que les journalistes chevronnés à investir la blogosphère. De nombreuses pages sont également réalisées par des contributeurs non professionnels. Et les Américains fatigués des médias traditionnels réservent un bon accueil à ces sites interactifs très vivants qui commentent les élections en toute liberté. Riches en liens et passionnés par leur sujet, le blogue de Matt Welch et celui de Moulitsas Zuniga dailykos.com. valent le détour. Certains blogueurs sortent même des scoops qui font le délice des internautes. Sur gopusa.com, Bobby Eberle, un ingénieur originaire d’Houston, sans expérience journalistique a mis en ligne l’interview exclusive de Karl Rove, un conseilleur politique de George Bush. Certaines affaires ayant défrayé la chronique n’ont été exposées au grand jour que grâce à la résistance des blogueurs. C’est notamment ce qui a coûté au parlementaire républicain Trent Lott, la direction de son parti au Sénat, pour avoir tenu des propos racistes lors d’une soirée. C'est également un blogueur Matt Drudge qui a sorti la fameuse affaire Monica Lewinsky.
Les commentaires et les analyses ne se veulent pas exhaustives, mais marchent souvent au coup de cœur. L’avocat new-yorkais Tom Burka revient de manière humoristique dans son blog tomburka.com sur le soutien apporté par la mayonnaise Hellman à Kerry, mari de l’héritière du ketchup Heinz. Tout aussi attendu les billets de Michael Moore, le réalisateur militant du film Fahreinheit 9/11 donne sur son blogue michaelmoore.com des munitions pour voter contre Bush, des contributions également accessibles en français sur le blogue uzine.net
Les deux candidats ont investi les blogues
Les professionnels de la politique ont commencé à prendre conscience du phénomène. A tel point que pour la première fois dans une campagne présidentielle américaine, des blogueurs ont été autorisés pour la première fois à couvrir la convention du Parti démocrate qui s’est tenue fin juillet à Boston. Un statut quasi-officiel puisque 35 personnes ont été accréditées en tant que blogueurs sur les 200 qui ont demandé un laisser-passer, sans compter la trentaine de journalistes écrivant leurs comptes-rendus électroniques pour le compte des journaux et télévisions classiques. Un blogue collectif permettait de suivre au jour le jour la totalité des billets de ces blogueurs accrédités. De son côté, le très sérieux Wall Street Journal qui a intégré en ligne des blogues dans ses fils d’actualité, leur a consacré une page spéciale.
L’élection se joue également sur la blogosphère. Pour faire passer des idées de manière plus informelle et débattre avec des milliers d’internautes, les deux candidats ont également investi des blogues en plus de leurs traditionnels sites de campagne. Howard Dean, candidat malheureux à l’investiture démocrate aux présidentielles a été le premier à animer sa pré-campagne en s’appuyant sur un blogue. Le Parti démocrate a choisi de confier à Eric Schnure, un ancien collaborateur de l’ex-vice-président Al Gore le soin de rédiger le blogue officiel de la campagne démocrate.
Les républicains qui ont également leur blogue officiel, vont également accueillir des blogueurs à leur convention nationale qui se déroulera à New-York fin août. Certains de ces sites auront-ils une influence sur l’élection du 2 novembre ? Oui, affirme le conservateur, Bruce Rheinstein qui a animé le site ombudsgod.com. «On peut influencer les élections, en mobilisant des gens par Internet et l’on peut avoir un impact sur l’opinion publique, notamment sur les électeurs indépendants qui hésitent à voter démocrate ou républicain». Pour Michael Turk, un responsable des médias électroniques dans l’équipe de campagne de George W.Bush, «les blogues constituent un bon outil de communication parce qu’ils encouragent les gens à parler de politique».
Reste que certains blogueurs n’hésitent pas à afficher sur le Net leur dédain pour ces carnets officiels de campagne, estimant qu’ils sont pour l’essentiel de la propagande. Moulitsas Zuniga sur dailykos.com n’hésite pas à fustiger les blogues de Bush et Kerry : «Ils sont si prudents qu’ils préfèrent ne rien dire plutôt que dire quelque chose d’intéressant».
par Myriam Berber
Article publié le 12/08/2004 Dernière mise à jour le 12/08/2004 à 11:13 TU
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