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Union européenne

Première réunion de la future Commission

Le président Barroso s'est livré à un savant équilibre dans l'attribution des portefeuilles aux 24 commissaires européens. 

		Photo : AFP
Le président Barroso s'est livré à un savant équilibre dans l'attribution des portefeuilles aux 24 commissaires européens.
Photo : AFP
Ce vendredi a eu lieu à Bruxelles la première réunion de travail de la future Commission européenne. Comptant 25 membres pour la première fois de son histoire, elle doit remplacer le 1er novembre prochain le collège actuellement dirigé par l'italien Romano Prodi.

N'étant pas encore en fonction, la future commission présidée par le Portugais José Manuel Durão Barroso n'a pas pris de décision politique. Elle a tenu une réunion informelle destinée à ébaucher le cadre de travail de ses cinq ans de mandat.

Pour poser le décor, le cadre de travail de la future commission, ce sera d'abord son nouveau siège, le Berlaymont, un bâtiment du centre du quartier européen de Bruxelles vide depuis dix ans pour rénovation et désamiantage. Ceci est plus important qu'il n'y paraît, car dans l'idée de José Manuel Durão Barroso, cet immeuble permettra de réunir sous un même toit en permanence les bureaux des vingt-cinq commissaires, qui étaient pour l'instant éparpillés dans les différents services dont ils avaient la charge.

La décision de les regrouper reflète bien la volonté du futur chef de la commission d'être un président dirigiste, ce que son prédécesseur Romano Prodi n’a pas pu ou pas voulu faire. José Manuel Durão Barroso a clairement affiché sa volonté de faire fonctionner la commission comme un collège véritable dans lequel tous les commissaires seront pleinement impliqués dans chacune des décisions et non plus seulement responsable de leur domaine de compétence spécifique, une tendance relativement marquée dans la commission actuelle.

Avec vingt-cinq commissaires, certains avaient pu craindre une dilution des responsabilités, une tendance qu'une direction forte devrait empêcher. Voilà pour le décor et le cadre de travail général de la commission. Mais ce cadre de travail de la nouvelle commission européenne, c'est aussi un code de conduite des commissaires.

Cette idée a été élaborée lors de la mise en place de la commission sortante, après les déboires survenus en 1999 au collège présidé par le Luxembourgeois Jacques Santer, une situation qui avait entraîné sa chute. De nombreuses règles de transparence ont donc été mises en place il y a cinq ans.

Cela n'a évidemment pas empêché les accusations de mauvaise gestion, mais cela a tout de même créé les conditions d'une certaine transparence ou permis de gérer les conflits d'intérêts. Entre autres règles destinées par exemple à éviter les influences nationales, le cabinet de chaque commissaire dont compter au moins trois nationalités différentes.

Dans la nouvelle Commission européenne, chaque État membre dispose d'un commissaire et un seul, alors que les plus grands pays, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Allemagne et France avaient jusqu'à présent deux commissaires. Ils perdent donc tous automatiquement de l'influence à la commission, même si les commissaires sont censés en quelque sorte oublier leur nationalité en arrivant à Bruxelles et défendre avant tout l'intérêt général de l'Union.

Diluer l’influence des grands pays

Dans l'attribution des portefeuilles, il y a toutefois ce qu'on pourrait appeler une vraie perte d'influence pour l'Allemagne et la France. Les commissaires allemands avaient pour l'instant la responsabilité du budget et surtout du gros dossier de l'élargissement.  Désormais, le commissaire Günther Verheugen devra se contenter de l'industrie, une compétence qu'on pourrait qualifier de moyenne importance en regard des espoirs allemands de décrocher un poste de super-commissaire à l'économie. C'est surtout vrai pour la France dont le commissaire sera responsable du transport, ce qui n'est pas le maroquin le plus prestigieux alors que les commissaires français géraient jusqu'ici la politique régionale et le commerce extérieur de l'Union.

C'est en tout cas perçu comme une perte d'influence par ces grands pays, même si José Manuel Durão Barroso le nie en avançant qu'il a, par exemple, désigné le commissaire français et le commissaire allemand à deux des cinq postes de vice-présidents (des postes relativement honorifiques) et qu'il affirme vouloir s'appuyer sur le moteur franco-allemand pour faire avancer l'Europe, mais ce tandem franco-allemand semble tout de même mis un peu sur la touche par l'orientation libérale que la composition de la commission laisse percevoir. Parmi les portefeuilles qui ont changé de main, il y a entre autres celui du commerce extérieur géré actuellement par le français Pascal Lamy qui s'est illustré dans la défense des intérêts européens face aux États-Unis.

Son remplacement par le britannique Peter Mandelson peut être pris comme le signe d'une orientation plus atlantiste de la commission. L'importance des portefeuilles accordés à certains nouveaux membres, largement pro-américains comme la Pologne en est aussi un signe. De même, c'est la Néerlandaise Neelie Kroes, connue pour son libéralisme, qui a hérité du poste stratégique de la concurrence.

En fait José Manuel Durão Barroso, libéral lui-même, semble avoir voulu diluer l'influence des grands pays afin d'avoir une commission plus facile à tenir en main, mais il aura peut-être des difficultés à mettre en oeuvre ses orientations s'il se met à dos certaines capitales comme Paris ou Berlin. Il a affiché par exemple son intention de relancer la stratégie dite de Lisbonne destinée à relancer la compétitivité de l'Union.

Romano Prodi, malgré ses efforts dans ce sens, s'était lui-même déjà heurté au manque de volonté des états membres qui détiennent les clés de la politique économique. Ne pas avoir l'appui de Paris et Berlin pourrait être un véritable handicap pour le nouveau président de la Commission José Manuel Durão Barroso.

par Pierre  Benazet

Article publié le 20/08/2004 Dernière mise à jour le 20/08/2004 à 14:11 TU