Allemagne
Bras de fer en perspective chez Volkswagen
(Photo: AFP)
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Alors que les manifestations se répètent tous les lundis depuis fin juillet en Allemagne contre la réforme de l’indemnisation du chômage, le nom de Peter Hartz, directeur du personnel du groupe automobile Volkswagen fait à nouveau l’actualité. Membre d’une commission gouvernementale chargée de réfléchir à la réforme du marché du travail, Peter Hartz est conspué de manière hebdomadaire dans les rassemblements qui se propagent de l’Allemagne de l’Est, ex-RDA, vers les régions plus riches de l’Ouest. On lui attribue la paternité de ce volet «Hartz IV» de la réorganisation du marché du travail qui prévoit notamment une fusion des aides sociales et des allocations de chômage de longue durée qui se traduira par une réduction des prestations pour un grand nombre de bénéficiaires, dont beaucoup de chômeurs des régions désindustrialisées d’Allemagne de l’Est. Pour l’instant le gouvernement de Gerhard Schröder ne faiblit pas et continue de prévoir la mise en ouvre de la réforme en janvier 2005.
Mais Peter Hartz vient également de faire parler de lui en tant que directeur des ressources humaines de Volkswagen, en présentant les propositions de la direction qu’il défendra le 15 septembre à l’ouverture des négociations avec les représentants du personnel pour le renouvellement de l’accord salarial qui prévaut dans le groupe pour ses 103 000 employés.
La réputation de consensus social de l’entreprise risque de pâtir si l’on en croit le contenu de ces premières propositions. L’objectif est de réduire les coûts de personnel de 30% d’ici 2011, soit deux milliards d’euros, afin de rivaliser avec des constructeurs plus compétitifs en Europe et en Asie. Volkswagen connaît des difficultés en raison de ses prix élevés et son bénéfice net a chuté de 35% au premier semestre.
Pour parvenir à son but le constructeur allemand envisage dès à présent un gel des salaires pour deux ans et une augmentation de la durée du travail, qualifiée d’assouplissement dans la gestion des heures supplémentaires. Ainsi les primes versées jusqu’ici pour heures supplémentaires au-delà de 35 heures ne le seront plus qu’à partir de 40 heures. La direction souhaite aussi mettre en concurrence interne les six sites de production situés en Allemagne en favorisant ceux qui accepteraient de travailler plus lors du lancement de nouveaux modèles. Enfin, il est question de faire passer la part variable du salaire en fonction des résultats de l’entreprise de 4% actuellement à 30% à terme.
Message d’austéritéFace à cette base de départ le syndicat IG Metall s’insurge contre des propositions «irréalistes et excessives» et avance, de son côté, une augmentation de salaire de 4% et la garantie de l’emploi pendant dix ans aux 103 000 salariés du groupe en Allemagne. Etant donné l’éloignement des positions avant l’ouverture des négociations, le bras de fer entre la direction et le puissant syndicat de l’automobile s’annonce corsé.
Les prétentions du groupe Volkswagen s’inscrivent dans un climat général en Allemagne, mais aussi ailleurs en Europe, d’augmentation du temps de travail et de lutte contre la concurrence des pays à faible protection sociale et salariale. Cela s’accompagne souvent d’un «chantage à l’emploi» d’où la difficulté grandissante des organisations syndicales à faire entendre leur voix. Déjà, il y a un mois, le conflit chez DaimlerChrysler s’est soldé par un recul d’IG Metall, la direction ayant obtenu 500 millions d’euros d’économies sur les salaires en garantissant des emplois. Certains salariés ont également accepté un passage de 35 à 40 heures hebdomadaires.
Les patrons de l’automobile avancent que, selon les chiffres de l’Association des constructeurs allemands VDA, un salarié de l’automobile gagne en moyenne 33 euros de l’heure en Allemagne, contre 28,6 euros au Japon, 27,4 euros aux Etats-Unis, 22,6 euros en France, et beaucoup moins dans les pays d’Europe de l’Est nouvellement entrés dans l’Union européenne.
Les salariés allemands semblent avoir compris le message d’austérité et cela n’est pas sans conséquence économique. Les conjoncturistes soulignent que la demande intérieure reste trop faible pour alimenter une reprise économique basée quasi exclusivement sur les exportations. En 2005 la croissance pourrait de ce fait être plus limitée que souhaité. En effet les allégements fiscaux décidés par le gouvernement, qui devaient améliorer le revenu donc la consommation des ménages, seront largement annulés par l’augmentation de l’assurance santé, la baisse des allocations chômage et un relèvement des taxes sur le tabac.
par Francine Quentin
Article publié le 24/08/2004 Dernière mise à jour le 24/08/2004 à 12:54 TU