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Pinochet reperd son immunité

Des proches de victimes du régime de Pinochet célèbrent la décision de la Cour suprême de lever l'immunité de l'ancien dictateur. 

		(Photo : AFP)
Des proches de victimes du régime de Pinochet célèbrent la décision de la Cour suprême de lever l'immunité de l'ancien dictateur.
(Photo : AFP)
La Cour suprême a voté jeudi par neuf voix contre huit la levée de l’immunité d’Augusto Pinochet que lui confère son statut d’ancien président de la République. L’ancien dictateur avait déjà connu la même situation judiciaire voilà trois ans, ses avocats obtenant alors l’abandon des poursuites en raison de son fragile état de santé mentale. Et ils ont l’intention de suivre la même stratégie pour sauver leur client d'un procès.

C’est cette fois dans l’affaire du Plan Condor qu’Augusto Pinochet est poursuivi par la justice de son pays. La Cour suprême a décidé hier de priver l’ancien dictateur de l’immunité dont il continue à jouir en tant qu’ancien président de la République, confirmant ainsi une décision de la Cour d’appel de Santiago adoptée au mois de mai. Le Plan Condor désigne un programme de répression mis en place par plusieurs dictatures sud-américaines pour pourchasser et éliminer physiquement les opposants politiques. Et le régime dictatorial chilien aurait joué un rôle central dans cette structure, l’ancien chef de la police politique chilienne, le général en retraite Manuel Contreras, étant notamment accusé d’avoir été l’un de ses piliers.

Voilà trois ans, l’ancien dictateur chilien avait déjà perdu une immunité judiciaire, celle que lui conférait à l’époque son poste de sénateur à vie. Le magistrat chilien Juan Guzman avait obtenu que les juges de la Cour suprême acceptent sa demande de levée afin qu’il puisse continuer à enquêter sur le dossier de la « Caravane de la mort », une affaire qui concerne l’élimination d’environ soixante-dix opposants sur le territoire chilien dans les semaines qui ont suivi le coup d’Etat perpétré le 11 septembre 1973. Le juge avait par la suite réussi à interroger Augusto Pinochet, puis l’avait mis en examen dans cette affaire. Mais il avait ensuite dû cesser toute poursuite contre l’ancien dictateur chilien en raison de son état de santé mentale. La défense de Pinochet avait en effet obtenu que des examens de santé soient réalisés, leurs résultats démontrant que l’octogénaire ne pouvait pas supporter une procédure en raison de ses facultés mentales détériorées. Vivement contesté à l’époque par certains spécialistes, et notamment par l’un des experts chargé d’examiner Pinochet, ce diagnostic avait ensuite amené la cour d’appel de Santiago, puis la Cour suprême, à cesser définitivement en juillet 2002 les poursuites engagées contre Pinochet dans le dossier de «la Caravane de la mort ».

L’interview de trop

Augusto Pinochet vivait depuis une paisible vie de retraité, n’ayant eu d’autre choix que celui de renoncer à sa fonction de sénateur à vie. Eloigné de la vie politique et protégé par son immunité d’ancien président, il partageait son temps entre ses différentes résidences secondaires, protégé par une armée de garde du corps, d’avocats et de fidèles politiques bien décidés à lui éviter toute nouvelle mésaventure. Après de longs mois de mutisme, Pinochet a cependant commis l’erreur de vouloir revenir sur le devant de la scène médiatique. Alors que le pays commémorait le trentième anniversaire du Coup d’Etat, le quotidien La Tercera publiait en septembre dernier une longue interview réalisée quelques mois auparavant dans laquelle l’ancien dictateur s’en prenait notamment vivement à la justice de son pays. Et il s’offrait deux mois plus tard une nouvelle provocation, une chaîne de Miami diffusant le jour de son 88e anniversaire une longue interview dans laquelle il niait notamment toute responsabilité dans les nombreux crimes pendant la dictature.

Cette dernière interview a joué un rôle déterminant dans la décision de la Cour suprême. Comme l’ancien dictateur semble tout à fait capable de donner de longues interviews et de se souvenir de faits anciens, les magistrats de cette institution ont estimé qu’ils pouvaient également répondre aux questions du juge Guzman, une nouvelle fois à l’origine de cette levée d’immunité. Mais ils ont également estimé que de nouvelles expertises médicales pourraient être nécessaires. Et les avocats de l’ancien dictateur ne devraient donc pas tarder à mettre en avant l'état de santé délabré de leur client pour tenter de le sortir de ce mauvais pas. L’un d’entre eux, Pablo Rodriguez, a d’ailleurs déjà déclaré que l’affaire serait classée «tôt ou tard pour raisons médicales». Les victimes espèrent, elles, que le scénario ne se répètera pas et souhaitent que l’ancien dictateur soit mis en examen le plus rapidement possible, le temps restant le principal obstacle d’un procès encore fort hypothétique.



par Olivier  Bras

Article publié le 27/08/2004 Dernière mise à jour le 27/08/2004 à 13:38 TU

Audio

Isabelle Ropert

Membre des familles qui se battent depuis plusieurs années pour qu'Augusto Pinochet soit jugé

«C'est une sentence qui est très importante car elle confirme que Pinochet n'a pas une démence sénile»

[27/08/2004]

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