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Otages italiens en Irak

Le gouvernement italien change de ton

Ce <i>Carabiniere</i> tient les photos de Simona Torretta et de Simona Pari, kidnappées en Irak. 

		(Photo: AFP)
Ce Carabiniere tient les photos de Simona Torretta et de Simona Pari, kidnappées en Irak.
(Photo: AFP)
L’enlèvement mardi en plein Bagdad de deux Italiennes travaillant pour une ONG humanitaire a provoqué un électrochoc en Italie. Très critiqué pour sa gestion des crises précédentes, Silvio Berlusconi a cette fois regagné Rome précipitamment et convoqué les leaders de l’opposition.
Manifestants devant le siège du gouvernement italien, à Rome. 

		(Photo: AFP)
Manifestants devant le siège du gouvernement italien, à Rome.
(Photo: AFP)

Deux semaines après l'exécution du journaliste pacifiste, Enzo Baldoni ( 56 ans) revendiqué par le groupe se faisant appeler «l'Armée islamique en Irak» et six mois après l'enlèvement de quatre gardiens de sécurité, dont l'un d'entre eux, Fabrizzio Quatrocchi a été tué, l'Italie est à nouveau sous le choc.
Mardi, deux Italiennes, une Irakienne et un Irakien, ont été enlevés en plein jour, dans le centre de Bagdad, au siège de l'organisation humanitaire Un ponte per Bagdad, (Un pont pour Bagdad) pour laquelle travaillaient Simona Toretta et Simona Pari, toutes deux agées de 29 ans. Le commando, qui était composé d'une vingtaine d'hommes armés s'est montré extrêmement déterminé. «L'opération s'est déroulée en moins de cinq minutes», assure un témoin.

Ce rapt a été revendiqué, mercredi matin, par le groupe Ansar El Zawahri -à travers un site islamique- accompagné de ce message: «C'est la première de nos attaques contre l'Italie». Mais selon plusieurs experts, dont l'avocat égyptien Montassera Al Zayat, défenseur des intégristes armés égyptiens, cette revendication ne serait pas crédible.
Quoi qu'il en soit et compte tenu de la rapidité avec laquelle Enzo Baldoni a été tué -moins de 48 heures après l'ultimatum du groupe islamique qui exigeait le retrait des troupes italiennes en Irak- la préoccupation de toute la classe politique italienne est extrêmement palpable.

Très sensibilisée par l'immense mobilisation de la France toute entière, gauche et droite estiment que, cette fois-ci, l'union du pays est une condition sine qua non pour répondre aux menaces des terroristes.
Pour la première fois d'ailleurs, le gouvernement de Silvio Berlusconi a convoqué au Palazzo Chigi, le «matignon italien», tous les représentants des forces de l'opposition et même ceux du parti de la Refondation communiste, qui s'est montré le plus intransigeant dans son opposition à la présence italienne en Irak (2800 policiers et carabiniers). Aucun des partis de centre-gauche n'a refusé cette invitation, ce qui, là encore, constitue une première.

ll faut dire que les uns comme les autres sont conscients des erreurs qui ont pu être commises dans la gestion du cas d'Enzo Baldoni. Les autorités italiennes n'ont pas immédiatement pris la menace des terroristes au sérieux, d'autant que la cassette vidéo diffusée par la chaîne Al Jazira montrait Enzo Baldoni en bonne santé, détendu, presque souriant... Une erreur d'évaluation très grave qui a provoqué de nombreux retards dans la mobilisation du gouvernement.

Des marges de manœuvre étroites

Silvio Berlusconi n'a même pas jugé utile d'interrompre ses vacances en Sardaigne et les partis de l'opposition ont montré une certaine «mollesse». Cesare Salvi, un des hommes forts du principal parti de l'opposition, les Démocrates de gauche  l'a implicitement reconnu en déclarant récemment, à la chaîne Sky TV: «Il faut dire que cela s'est passé durant les vacances, en plein mois d'août». Des paroles qui se passent de tout commentaire. Quant au père d'Enzo Baldoni, il a lancé un véritable «J'accuse!» au gouvernement italien, lui reprochant de n'avoir «rien fait ou presque» pour sauver la vie de son fils. 

Dans ce contexte et face à une opinion publique majoritairement pacifiste et très frappée par les événements dramatiques qui se sont succédé au fil des dernières semaines -l'enlèvement des deux journalistes français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, l'exécution en Irak de douze Népalais, la prise d'otages la plus meurtrière de l'histoire, en Ossetie du Nord-  Rome se retrouve dans une position franchement délicate.

Comment sauver ces deux jeunes italiennes pacifistes, qui ont en commun une même passion pour l'Irak et une même envie d'aider un peuple en souffrance, en particulier les enfants, sans perdre la face ? Contrairement à ce qui s'est produit pour les cas précédents, et influencé par les multiples efforts déployés par la diplomatie française mais aussi les communautés musulmanes, Silvio Berlusconi s'est bien gardé -du moins pour le moment- d'utiliser un ton autoritaire. Il entend avant tout suivre ce que la presse italienne appelle « le modèle Chirac» en démontrant la capacité de dialogue et de mobilisation de son gouvernement.

Mais, même si changement de cap peut être salué positivement, les marges de manœuvre demeurent étroites et le modèle français semble difficilement reproductible. D'autant que Silvio Berlusconi s'est dit prêt à tous types de négociations... sauf au retrait du contingent italien en Irak.
Il va donc devoir faire face aux nombreuses voix qui ne manqueront pas de s'élever pour réclamer le retour en Italie des troupes déployées à Nassirya, «le seul vrai geste possible, courageux pour stopper l'horreur de la guerre et du terrorisme», selon le secrétaire du parti de la Refondation communiste (PCDI), Oliviero Diliberto.
En outre les associations pacifistes annoncent une mobilisation massive pour solliciter la libération des otages en Irak et elles ont déjà demandé la solidarité d'autres pays dans le monde entier pour que les places et les rues des villes se remplissent des désormais célèbres «drapeaux de la paix» aux couleurs de l'arc-en-ciel.


par Anne  Le Nir

Article publié le 08/09/2004 Dernière mise à jour le 08/09/2004 à 13:40 TU

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Jean-Marie Benjamin

Prêtre, auteur

«Tarek Aziz m'avait dit : ce que nous organisons ce sont des commandos autonomes de défense du territoire... parce que nous ne pouvons rien faire contre l'attaque américaine. Quand ils auront occupé notre pays, c'est là où la résistance s'organisera.»

[08/09/2004]

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