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Irak

Otages: pression accrue sur les alliés de Washington

Les autorités philippines ont décidé d'avancer le retrait de leur contingent d'Irak pour sauver la vie d'Angelo de la Cruz, détenu par un groupe terroriste. 

		(Photo: AFP)
Les autorités philippines ont décidé d'avancer le retrait de leur contingent d'Irak pour sauver la vie d'Angelo de la Cruz, détenu par un groupe terroriste.
(Photo: AFP)
Très médiatisées, les prises d’otages occidentaux sont un moyen de pression important pour la guérilla irakienne plus que jamais déterminée à déstabiliser le nouveau pouvoir installé par les Américains à Bagdad. Un civil bulgare a été exécuté mardi par un groupe terroriste lié à la nébuleuse islamiste d’Oussama Ben Laden, al-Qaïda. Refusant de céder au chantage de ce mouvement qui se réclame d’Abou Moussab al-Zarqaoui -l’homme le plus recherché d’Irak dont la tête a été mise à prix 25 millions de dollars- les autorités de Sofia ont annoncé qu’elle maintiendrait leur contingent en Irak. A Manille, la présidente Gloria Aroyo a en revanche décidé d’accélérer le départ de la petite cinquantaine de soldats philippins qui font partie de la force multinationale dans l’espoir d’épargner la vie d’un civil aux mains de la guérilla qui menace de l’exécuter.

Action de guérilla ou crime organisé, aucune prise d’otages étrangers mais aussi irakiens –ils sont de plus en plus nombreux à tomber entre les mains de groupes armés même s’ils ne font pas la une des médias étrangers– ne ressemble à une autre. L’insécurité dans laquelle est plongé l’Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein a largement favorisé ces enlèvements de civils qui doivent leur survie soit au hasard –l’Américain Thomas Hamill avait réussi à échapper à ses ravisseurs– soit à la capacité de leurs proches à réunir la rançon réclamée par les preneurs d’otages. C’est le cas pour la centaine d’Irakiens qui ont été enlevés ces dernières semaines. Ce sera sans doute le cas également pour l’otage égyptien entre les mains d’un groupe qui a exigé un million de dollars à son employeur saoudien pour le libérer mais qui pourrait se contenter de 15 000 dollars. Aucune menace de mort n’a d’ailleurs été prononcé contre lui.

La situation est en revanche souvent sans espoir pour les Occidentaux, citoyens de pays membres de la force multinationale sous commandement américain, tombés entre les mains de la guérilla irakienne et plus particulièrement entre celles du groupe Tawhid wal Jihad –Unification et guerre sainte– du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui. Ce mouvement, principal responsable aux yeux des Américains du chaos qui règne en Irak, a déjà revendiqué la décapitation d’un entrepreneur américain de 26 ans, Nicholas Berg, et l’assassinat d’un traducteur sud-coréen de 33 ans, Kim Sun Il. Il est également soupçonné d’être à l’origine de l’enlèvement de trois otages italiens, dont l’un avait été exécuté. Ce groupe affirme aujourd’hui être responsable de la mort d’un des deux civils bulgares qu’il détient. Son exécution a, tout comme les deux précédentes, été filmée et transmise aux médias.

Manille cède au chantage

Avec ces prises d’otage, le groupe Tawhid wal Jihad semble poursuivre deux objectifs : déstabiliser le pouvoir irakien en participant activement à l’insécurité qui règne dans le pays et aussi affaiblir la coalition des pays qui participent à la force multinationale dirigée par les Américains. Les attentats du 11 mars à Madrid, qui ont largement contribué au départ des troupes espagnoles d’Irak, ne sont, à ce titre, sans doute pas étrangers à ce qui semble être une stratégie développée par ce mouvement terroriste. Et si le groupe d’Abou Moussab al-Zarqaoui a froidement exécuté Nicholas Berg parce qu’il était avant tout américain, il a agi différemment avec l’otage sud-coréen en exigeant notamment de Séoul le retrait de ses troupes. Il avait également réclamé de la population italienne qu’elle manifeste contre la politique de Silvio Bersluconi pour garantir la vie sauve à deux otages italiens. La situation semble en revanche plus aléatoire dans le cas du prisonnier bulgare dans la mesure où la revendication de ses ravisseurs n’avait que très peu de chances d’aboutir. Ils réclamaient ni plus ni moins la libération de tous les prisonniers irakiens aux mains des Américains.  

Stratégie mûrement réfléchie ou pas, personne ne peut aujourd’hui affirmer avec précision à quoi obéissent les prises d’otages étrangers en Irak. Quoi qu’il en soit la Bulgarie a refusé de céder à la pression de la guérilla en annonçant qu’elle maintiendrait en Irak son contingent de quelque 470 hommes malgré la décapitation d’un de ses ressortissants. «Nous estimons que notre pays doit continuer à contribuer à la reconstruction, à la stabilisation et au développement démocratique de l’Irak, conformément à ses engagements internationaux découlant des résolutions des Nations unies», a notamment affirmé le président bulgare. Avant le conflit en Irak, quelque 54% de la population s’étaient pourtant prononcés contre une participation bulgare à la coalition menée par les Etats-Unis.

Mais si dans le cas de la Bulgarie le chantage exercé par les preneurs d’otages n’a pas pris, il n’en est pas de même pour les Philippines qui ne participent pourtant à la force multinationale qu’à hauteur d’une cinquantaine de soldats. Après des jours d’atermoiements, Manille a en effet décidé d’accélérer leur retrait initialement prévu pour le 20 août prochain afin de sauver la vie d’un de ses ressortissants pris en otage. «A ce jour, notre contingent a diminué de 51 à 43 hommes», a annoncé le ministère des Affaires étrangères peu après l’annonce de l’exécution de l’otage bulgare, cédant à la principale revendication des terroristes. Les Philippines –dont plus de 3 000 ressortissants travaillent actuellement en Irak, ce qui pourrait expliquer leur décision de se retirer– pourraient cependant payer le prix fort pour leur désengagement. Principal allié des Etats-Unis dans le Sud-Est asiatique dans la lutte contre le terrorisme, le pays risque en effet une détérioration de ses relations avec Washington. Un porte-parole de l’ambassade américaine à Manille a d’ores et déjà dénoncé la décision philippine en soulignant qu’elle «envoyait un mauvais signal» aux terroristes.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/07/2004 Dernière mise à jour le 14/07/2004 à 15:56 TU