Irak
Chantage aux otages
(Photo : AFP)
Enlèvement et meurtre des étrangers sont devenus la nouvelle arme des résistants irakiens contre la présence des troupes étrangères dans leur pays. Et pour la première fois des ravisseurs ont mis à exécution leur menace. Un des quatre otages italiens détenus par un groupuscule appelé «Brigade verte» a été tué le 14 avril. Les ravisseurs auraient envoyé une cassette vidéo de l’exécution à la chaîne Al-Jazira, mais la télévision qatarienne s’est abstenue de la diffuser. Un communiqué du même groupe précise que cette exécution fait suite aux déclarations de Silvio Berlusconi, le chef du gouvernement italien, qui déclarait que «le retrait des troupes italiennes n’est pas sujet à négociation». La même menace plane sur les autres Italiens si «un engagement de retrait des troupes italiennes selon un calendrier précis» n’est pas annoncé, précise le communique de «la Brigade verte».
«Nous ne devons certainement pas retirer nos troupes d’Irak parce qu’une quelconque brigade d’assassins nous le demande», a déclaré Francesco Rutelli, leader de l’opposition de centre-gauche. Ce meurtre a mis en veilleuse les rivalités politiques en Italie, mais le soutien au gouvernement n’est pas inconditionnel. Le plus important groupe d’opposition exige du gouvernement Berlusconi qu’il fasse pression pour que l’autorité administrative de l’Irak passe réellement aux mains de l’ONU. Selon l’opposition il appartiendra par la suite à l’ONU de veiller au transfert des pouvoirs aux Irakiens au plus tard le 30 juin prochain. Cette date serait, selon elle, la limite de la présence des militaires italiens en Irak. Le ministre des Affaires étrangères, Franco Frattani, devant les députés, a fait remarquer que cet objectif était partagé par son gouvernement. Mais les Verts et le parti Communiste exigent le retrait immédiat des troupes italiennes d’Irak. A la demande des Etats-Unis, 3 000 soldats italiens sont présents en Irak.
Les Russes partent, les Japonais restentPar ailleurs, les trois otages japonais qui avaient été enlevés le 8 avril dernier ont été libérés sains et saufs et remis au Comité des oulémas musulmans (sunnite) à Bagdad. Les ravisseurs avaient menacé de tuer les otages si les autorités nippones n’accédaient pas à leur demande de retrait des troupes japonaises d’Irak et d’envoi d’un émissaire dans la ville sunnite de Falloujah, assiégée par les forces américaines. La ministre des Affaires étrangères, Yoriko Kawaguchi, a annulé son voyage en Europe, pour suivre de près l’évolution de la situation. Mais à cette bonne nouvelle pour la diplomatie nipponne s’ajoute un autre enlèvement, encore non confirmé, de deux ressortissants japonais. La première médiation avait permis l’ajournement des exécutions prévues par les ravisseurs. En remerciant toutes les parties qui sont intervenues pour obtenir une issue heureuse, Yoriko Kawaguchi a néanmoins déclaré que «prendre des otages est impardonnable. Nous ne céderons pas à de telles actions. Nous resterons fermes», a-t-elle conclu. Le gouvernement japonais a dépêché en Irak 550 soldats.
Il ne se passe plus un jour sans annonce d’enlèvement d’étrangers ou de libération d’otages. Le journaliste français Alexandre Jordanov de l’agence CAPA a été kidnappé le 11 avril et libéré mercredi dans le courant de l’après-midi. Cinq Ukrainiens et trois Russes enlevés le 12 avril ont été libérés le 14 à Bagdad. Sept ouvriers chinois ont connu le même sort, alors que dix Sud-Coréens ont été enlevés seulement pendant quelques heures. Mais on est toujours sans nouvelles de nombreux otages, Tchèques, Canadiens et Américains.
L’Iran qui joue un rôle important dans les médiations entre les groupes religieux et les forces d’occupation a enregistré sa première victime de la guérilla urbaine de Bagdad. Le premier secrétaire de l’ambassade d’Iran a été tué par des hommes armés, alors qu’il circulait à bord de son véhicule à proximité de l’ambassade.
Se sentant menacés par cette insécurité généralisée, les ressortissants russes ont, dans leur grande majorité, accepté de quitter l’Irak. Le ministère russe des Situations d’urgence a déjà affrété trois avions Iliouchine pour assurer l’évacuation des personnes. La quasi-totalité du personnel de la société Technopromexport, 376 personnes, n’a pas rejoint son lieu de travail à quelque 60 km de Bagdad. La société s’occupe de la construction d’une centrale thermoélectrique. Un personnel réduit résidera à Oman pour le suivi des activités de l’entreprise qui sont, pour l’instant, gelées affirment les autorités russes. L’évacuation des ressortissants russes et de l’ancienne Communauté des Etats indépendants (ex-URSS), prendra plusieurs jours, parce qu’ils sont plus d’un millier à travailler en Irak. Tous ne sont pas candidats au départ, comme ceux de la société Interenergoservis qui ne sont 25 à faire leurs valises sur les 365 que compte l’entreprise.
Le départ massif des entreprises russes est coup dur pour l’industrie et la reconstruction en Irak, parce que ses installations et équipement ont été réalisés par l’URSS. «L’alimentation en électricité en Irak dépend principalement des Russes qui travaillent sur plusieurs centrales? Nos équipements sont vieux et ont été construits par l’ex-URSS. Seuls les Russes sont capables de les réhabiliter», a déclaré un responsable de la Fédération irakienne des industries.
par Didier Samson
Article publié le 15/04/2004 Dernière mise à jour le 15/04/2004 à 17:16 TU