Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Otages italiens en Irak

«Libérez les deux Simona!»

Manifestation à Bagdad pour la libération des deux otages italiennes. 

		(Photo: AFP)
Manifestation à Bagdad pour la libération des deux otages italiennes.
(Photo: AFP)
Des dizaines de milliers d’Italiens ont manifesté vendredi soir à Rome, tandis que des veillées étaient organisées dans de nombreuses villes du pays, pour demander la libération des deux travailleuses humanitaires retenues en otages depuis mardi 7 septembre, date de leur enlèvement à Bagdad dans les bureaux de leur organisation, en compagnie de deux de leurs collègues irakiens, dont une autre femme. Rome poursuit ses contacts pour tenter d’obtenir leur libération alors qu’un ultimatum de 24 heures, non-authentifié, a été lancé aux autorités.

Les manifestants romains ont défilé, bougies et drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel à la main, en signe de paix alors qu’un ultimatum de 24 heures était lancé aux autorités italiennes. Dans un message non-authentifié lancé sur le réseau Internet, le groupe des Partisans d’al-Zawahiri (Ansar al-Zawahiri, du nom du bras droit d’Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri) réclame «la libération des musulmanes emprisonnées en Irak en échange d’informations sur le sort des otages». Faute d’une réponse sous 24 heures, le communiqué affirme que «le peuple italien ne connaîtra jamais le sort réservé» aux deux employées de l’ONG Un pont pour Bagdad, spécialisée dans la scolarisation des enfants.

Déjà traumatisée par l’assassinat du reporter Enzo Baldoni, il y a une quinzaine de jours, l’opinion publique italienne est à nouveau sous le choc. Celle-ci est majoritairement opposée à la participation de ses soldats à la coalition militaire conduite par Washington et les événements ont conforté cette tendance. Mais, dans l’épreuve, les Italiens se concentrent sur l’essentiel et écartent leurs différends pour jouer la carte de l’unité nationale. L’opposition de gauche, hostile à la participation de Rome à la guerre en Irak, a apporté son soutien aux efforts du gouvernement.

Revendications surprenantes

Accusées de ne pas avoir mis tout en œuvre pour sauver la vie du journaliste, cette fois les autorités italiennes se sont lancées dans une stratégie de contacts tous azimuts. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a multiplié les rencontres et reçu notamment le soutien de plusieurs représentants de pays de la Ligue arabe, ainsi que de son homologue jordanien. Il a également dépêché au Proche-Orient la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Margherita Boniver s’est rendue au Caire, à Beyrouth et à Amman et était attendue à Damas et Sanaa ce week-end. D’autre part, en dépit du caractère surprenant de l’exigence des ravisseurs, Rome n’a pas fermé la porte et s’est déclaré prêt à entamer des démarches en faveur de la libération d’éventuels prisonniers irakiens injustement détenus.

Vendredi, le président irakien entamait à Rome une tournée en Europe. Ghazi al-Yaouar s’est engagé auprès de Silvio Berlusconi à faire son possible pour obtenir la libération des deux Simona. Interrogé sur la fiabilité du message diffusé par l’Internet, au nom du groupe Ansar al-Zawahiri, il a déclaré sa «perplexité».

Par ailleurs, plusieurs dirigeants influents arabes et musulmans ont pris la parole, en Italie et à l’étranger, pour soutenir l’initiative italienne. Un appel, auquel s’est associé le théologien et imam irakien Jawad al-Khalissi, a été enregistré lors de la prière de vendredi à la grande mosquée de Rome en vue de sa diffusion sur des télévisions arabes. Un appel à la libération des deux otages français et leur chauffeur (23e jour de détention) et des deux italiennes a également été lancé à Doha par le dignitaire musulman sunnite cheikh Youssef al-Qardaoui, alors qu’à Beyrouth le mouvement chiite Hezbollah appelait lui aussi à relâcher les captifs.

L’œuvre de connaisseurs

Pour le moment, les services italiens continuent de s’interroger sur les auteurs de l’enlèvement de leurs deux ressortissantes et sur la question de savoir si «cette demande émane d’un groupe effectivement représentatif». Le quotidien Corriere della Sera formule l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’anciens agents des services spéciaux de Saddam Hussein. Le coordinateur démissionnaire des ONG en Irak, Jean-Dominique Bunel, a souligné vendredi, à son retour à Paris, le caractère inédit de l’enlèvement d’humanitaires et de trois femmes en même temps. Il a estimé que c’était l’œuvre de «connaisseurs».

Dans un entretien publié vendredi par le grand hebdomadaire italien conservateur Panorama, le chef de la diplomatie italienne a indiqué que la politique étrangère de son pays ne serait pas affectée par les événements. «Non, il n’y aura aucune mutation de notre politique étrangère. Dans un moment de nouveau chantage, il est évident que le gouvernement italien ne changera pas de voie», déclare Franco Frattini. Quant à la présence des quelque 3000 militaires et gendarmes italiens déployés en Irak, le ministre a répondu que l’Italie «reste car le gouvernement irakien le lui demande».



par Georges  Abou

Article publié le 11/09/2004 Dernière mise à jour le 11/09/2004 à 12:42 TU