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Recherche scientifique

La France s’intéresse aux pays du Sud

Le site de l'exposition Sciences au Sud, sur le parvis de la Grande halle de la Villette à Paris. 

		(Photo : DR)
Le site de l'exposition Sciences au Sud, sur le parvis de la Grande halle de la Villette à Paris.
(Photo : DR)
Du 12 octobre au 15 novembre 2004, l’exposition Sciences au Sud, présentée sur le parvis de la Grande halle de la Villette à Paris, entend sensibiliser le public à quelques-uns des enjeux majeurs de la recherche française dans les pays du Sud.

Quatre grandes tentes, imprimées de photos, accueillent le visiteur. La scénographie est originale, et symbolique, car cette exposition pédagogique est conçue pour être itinérante: proposée pour la première fois au public parisien à l’occasion de la 13ème édition de la Fête de la science, elle voyagera ensuite en Europe, en Afrique, en Amérique latine et en Asie, traduite en anglais, en espagnol, et en portugais. Ce nomadisme imposait des structures légères pour s’adapter à de multiples lieux comme des centres culturels, des murs d’école ou la place d’un village.

Ici une photo de femmes qui collectent de l’eau trouble dans un marigot à l’aide de calebasses, là un enfant qui hisse le bras pour poser une opération à la craie blanche sur le tableau noir de l’école; à droite, une photo de terre aride, ravagée par une déforestation sauvage jouxte, à gauche, une forêt luxuriante et généreuse sur le fond de laquelle se détachent deux bicyclettes, débordantes de fruits d’un rouge lumineux: symbole éloquent d’une nature prodigue qui nourrit ceux qui la respectent; ailleurs des photos artistiques de maïs en gros plan ou de prises de vue aériennes. Grâce à plus de quarante photos, prises par les chercheurs eux-mêmes sur le terrain, il s’agit d’amener le spectateur à comprendre à quel service, et pour qui, l’Institut de recherche et développement (IRD) fournit ses compétences.

Pourquoi avoir choisi la photo comme support ? Philippe Chevalier, chercheur nutritionniste, déclare: la photo est un «support d’enseignement, c’est aussi un moyen de communication directe avec les populations analphabètes et un médium pour faire passer une impression, un sentiment et montrer la réalité du Sud»; Bernard Mougenot, pédologue, considère lui que la photo est aussi un outil pour le chercheur : «l’image n’est pas toujours du consommable ou du jetable. Elle sert aussi de référence pour les recherches ultérieures». Il rejoint les propos d’Elizabeth Deliry-Antheaume pour qui: «tout part du regard, tout part de l’image qui n’aide pas la recherche mais qui est au cœur de la recherche elle-même». Première étape de la recherche: observer. Première étape de l’exposition pour le visiteur : regarder.

Quatre grandes thématiques

Les quatre grandes thématiques abordées sont: «se nourrir», «soigner», «prévenir», «vivre ensemble». Présentée à la manière d’une encyclopédie géante qui se lirait à partir de photos et de textes de très grand format, le visiteur est invité à découvrir non seulement la diversité des questions, mais également à prendre conscience de leurs enjeux pour l’avenir des pays et de l’humanité. Dans chaque tente, les trois pôles de la mission de l’IRD sont représentés: recherche, expertise, formation. Le soutien apporté par la direction générale de la Coopération internationale et du Développement du ministère des Affaires étrangères souligne les liens étroits que doivent entretenir la recherche scientifique et les politiciens pour la mise en place des programmes de développement car il est impossible de lutter si on n’a pas identifié les causes et les facteurs des évolutions en cause. 

Loin des clichés misérabilistes, ce sont donc des photographies de paysages, des populations et des cultures du Sud qui ont été choisies pour à la fois formuler et illustrer les problématiques. Quelque soit leur discipline, biologistes, géologues, océanographes, géographes, sociologues ou démographes partagent tous une même conviction: la création, le partage, et la circulation des savoirs sont facteurs de progrès dans l’intérêt de tous, mais pour chercher il faut savoir s’interroger. Parmi quelques grandes questions types abordées: les agriculteurs sont-ils de bons gardiens de la biodiversité ? Peut-on à la fois développer l’agriculture et conserver les forêts tropicales ? Sait-on soigner les maladies de l’eau ? Comment ouvrir les hôpitaux aux plus démunis ? La malnutrition est-elle une cause ou une conséquence de la pauvreté ? Peut-on lutter efficacement contre l’érosion des sols ? Les récifs coraliens sont-ils condamnés à disparaître ? Quelle est l’ampleur des migrations du Sud vers le Nord ? Comment vivre face aux risques de la ville ?

<EM>Victoire sur la cécité des rivières. </EM>Par le biais d'une exposition photo, cet hélicoptère à l'allure d'un énorme insecte aux yeux latéraux. 

		(Photo : IRD/Bernard Philippon)
Victoire sur la cécité des rivières. Par le biais d'une exposition photo, cet hélicoptère à l'allure d'un énorme insecte aux yeux latéraux.
(Photo : IRD/Bernard Philippon)

Pour chaque discipline, plusieurs étapes

L’exposition, très didactique, se sert des photos pour souligner que le premier travail des chercheurs est, à la base, toujours très empirique: par exemple, une photo représente un hélicoptère posé sur un cours d’eau, les portes ouvertes, il a l’allure d’un énorme insecte aux yeux latéraux; au-dessus, un titre: «Victoire sur la cécité des rivières»; et, sur le côté, un panneau explique que les scientifiques missionnés sur le terrain ont, en faisant une analyse minutieuse de l’environnement, orienté leurs recherches sur la qualité de l’eau. Puis, les biologistes ont identifié les agents responsables de graves maladies oculaires dont sont victimes certaines populations africaines: ce sont de minuscules moucherons noirs qui se reproduisent dans le courant des rivières d’Afrique, dont la piqûre transmet à l’homme un ver microscopique, qui engendre parfois une cécité irréversible. Plus loin, les clichés d’éprouvettes, et de cellules grossies en macro rappellent l’étape de l’analyse, tandis que celui de populations qui tendent le bras au médecin, lors d’une campagne de vaccination, marque l’étape d’une solution pour éradiquer le problème.

Et un faisceau d’expertises pour cerner un seul problème

Des photos aux graphes, des images par satellite aux échantillons prélevés et analysés, des données classées aux statistiques: il faut ordonner, classer, décoder, donner du sens aux images, évaluer, comparer. Le travail scientifique met à contribution une large palette de disciplines, toutes complémentaires, pour cerner les problèmes avant de trouver des solutions. La pauvreté, pointée comme un problème majeur, est matérialisée par la photo d’un bidonville croupissant sous les immondices, la surpopulation de certains pays africains par le cliché de portraits réunis en grappe, et qui se bousculent devant l’objectif. Un chiffre accroche: en 2007, la terre comptera 4 milliards de citadins. Les panneaux soulignent l’inégalité des répartitions et des concentrations urbaines, l’expansion démographique souvent anarchique, la paupérisation galopante des pays du Sud, la difficulté à gérer, aménager et équiper les villes. Bref, la réduction de la pauvreté, premier objectif des programmes de l’IRD en faveur du développement des pays du Sud, est un enjeu qui nous concerne tous. Sous la même tente, plusieurs aspects du problème sont évoqués dans le souci de montrer qu’un faisceau d’analyses et d’expertises est nécessaire pour appréhender le problème dans sa globalité.

A travers cet exemple, on mesure qu’au-delà de la collecte du corpus d’étude, du recensement des données, des analyses, des déductions, et des conclusions, d’autres étapes sont nécessaires; car, une fois les travaux d’investigation et d’analyse effectués, il s’agit surtout d’améliorer les conditions de vie. Indissociable du progrès, intervient alors la nécessaire éducation des populations concernées. Une lutte sans merci est engagée par exemple contre le sida. Plus de quarante millions de personnes dans le monde sont infectées par le virus; c’est la première cause de mortalité chez les adultes de 15 à 49 ans, et 95% des victimes sont originaires des pays du Sud: sociologues et anthropologues unissent leurs efforts aux côtés des virologues, biologistes, cliniciens, médecins, car il s’agit d’éviter les comportements à risque pour endiguer la transmission. Pour améliorer le dialogue, les informations sont données aussi sous forme imagée accessible au plus grand nombre. L’exposition a le mérite de rappeler que le mot «science» n’est pas seulement synonyme de «laboratoires d’analyse», et qu’il rime avec «études de terrain» et «sciences humaines».


par Dominique  Raizon

Article publié le 13/10/2004 Dernière mise à jour le 13/10/2004 à 10:41 TU

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