Egyptologie
Un pharaon à Paris
Nouvel Empire, XVIIIe dynastie
Thèbes ouest, temple funéraire d’Aÿ et Horemheb
Le Caire, Musée égyptien
© IMA / Photo : Philippe Maillard
XXIe dynastie, sépulture de Psousennès Ier
Le Caire, Musée égyptien
© Ph. Sherif Sonbol
Puissance, opulence, mystère, rayonnement: une trentaine de pièces, prêtées par le musée égyptien du Caire, 90 provenant du musée du Louvre, et plus de 80 autres -issues d’autres musées nationaux, ou bien encore du British Museum de Londres ou du musée de Philadelphie- illustrent le rôle joué par le pharaon «qui, [dans l’Egypte ancienne], règne sans partage sur un immense territoire unifié». «La puissance pharaonique, explique Christiane Ziegler, [joue] un rôle essentiel dans la pensée égyptienne, qui replace l’homme dans la grande marche de l’univers. La société toute entière s’articule autour de la figure charismatique du souverain qui est l’héritier des dieux, l’intercesseur entre les mondes terrestre et divin». Le visiteur est guidé par de grands panneaux explicatifs et pédagogiques: «les Egyptiens, ne sont guère attachés aux événements qui constituent la trame de l’Histoire, considérés comme de simples incidents d’une existence humaine éphémère».
Au-delà de l’événementiel, ce qui compte donc c’est la pérennité: traversant le temps, le pharaon garde de façon immuable les mêmes attributs symboliques de sa double nature, et ses mêmes fonctions de grand ordonnateur. Le pharaon est à la tête d’une administration efficace comme en témoigne les documents comptables, des papyrus, par exemple, recensant «les livraisons de blé et de dattes faites par les équipes du Grenier central». Il est également garant de la défense: les bas-reliefs représentent «Pharaon terrassant ses ennemis», combattant victorieux capable d’empoigner d’une seule main tous les cheveux des ennemis. Un calcaire peint, en provenance du Caire, montre aussi le pharaon sous l’aspect d’un lion dévorant ses ennemis.
D’essence divine, le pharaon n’en est pas moins hommeAncien Empire, IVe dynastie
Le Caire, Musée égyptien
© IMA / Ph. Philippe Maillard © IMA / Ph. Philippe Maillard
Ils furent 400 souverains, doués d’une aura surnaturelle, à se succéder pendant 31 dynasties. Ils laissèrent dans l'histoire des noms qui ont marqué l'imaginaire, comme Khéops, Khéphren, Akhénaton, Toutânkhamon, Ramsès. Appelé aussi «fils de Rê» (le soleil), ou «Horus vivant sur terre», le pharaon «ne meurt pas, il s’envole vers le ciel, il rejoint le monde souterrain. Ses destinées sont multiples, mais le but ultime est le même: prendre place parmi les dieux», explique Christiane Ziegler. A aucun moment, en Egypte, le vocable «pharaon» n’a servi de titre au souverain. «Pharaon», de l’égyptien «per-aâ», la grande maison, est une figure qui a façonné l’histoire de l’Antiquité: après avoir désigné le palais, le terme a fini par se confondre avec la personne du roi, «un peu comme on parle aujourd’hui de la Maison Blanche ou de l’Elysée, pour désigner à la fois la résidence, la fonction présidentielle et le président lui-même», explique Christiane Ziegler.
L’exposition a regroupé quelques spécimen des attributs de ce monarque délégué des dieux . L’«uraeus», le cobra femelle, dressé sur la tête du pharaon, est symbole de sa force à la fois destructrice et protectrice; le «némès», qu’aucun autre homme que le roi n’a le droit de porter, est un cache-perruque en étoffe rayée et empesée qui couvre le front et qui passe derrière les oreilles; la couronne bleue a la forme d’un casque orné de garnitures métalliques, et le sceptre, en bois ou en faïence, ainsi que le crochet font également partie de sa panoplie. Délégué des dieux, le «pharaon est le premier prêtre du royaume», connaissant les rites pour apaiser les puissances de l’au-delà. Toute une salle de l’exposition est consacrée au temple. Le pilier d’un temple de Karnak, représentant Akhénaton dans l’attitude du dieu Osiris, a été prêté par le musée égyptien du Caire, rappelant que religion et politique sont intimement mêlés. Lorsque le pharaon officie dans un temple, le roi représente la totalité de ses sujets, et même de l’humanité.
Tell el-Amarna, Palais Sud (Marou-Aton) Le Caire, Musée égyptien
© Ph. Sherif Sonbol
Le visiteur entre à la cour, il est invité à découvrir l’étiquette stricte, et à pénétrer dans l’intimité de la famille royale. Une splendide peinture, provenant du palais d’Amarna, représente un «envol de canards des marais au-dessus des roseaux»; elle témoigne de l’importance de l’eau et de la verdure dans cette région aride, et des décors fastueux qui recouvraient les murs des palais royaux, situés au cœur de magnifiques jardins. Certes, il reste peu de choses de ces bâtiments de brique crue, qui n’ont pas résisté au temps; mais les fouilles archéologiques de la vallée du Nil, et les vestiges des chambres funéraires des pyramides ont révélé quelques témoignages du passé. Dans un dédale éclairé d’une lumière tamisée, les colliers et les bracelets en or et pierres semi-précieuses de la reine Lâhhétep, le diadème et les énormes boucles d’oreille de la reine Taousert, divers accessoires -cuillers à fard, vases et étuis à khôl- sont exposés de manière sobre et élégante dans les vitrines. Une chambre est reconstituée à partir de quelques mobiliers retrouvés: un lit, un coffre, un repose-tête, un siège de latrines. Statues et bas-reliefs illustrent la vie de cour, et une vitrine est consacrée au harem, rappelant que ce fils des dieux n’en était pas moins homme.
par Dominique Raizon
Article publié le 14/10/2004 Dernière mise à jour le 14/10/2004 à 16:05 TU