Église catholique
Le Vatican dénonce le «fondamentalisme laïciste» en Europe
(Photo: AFP)
Les longs et délicats débats durant la rédaction du texte de la future Constitution européenne, que les chefs d’État et de gouvernement viendront signer à Rome le 29 octobre prochain, avaient déjà, sur la question religieuse, suscité le mécontentement des autorités vaticanes. Le Pape en personne était intervenu à plusieurs reprises pour demander que soit insérée une mention faisant référence aux «racines chrétiennes de l’Europe». Une requête rejetée notamment par la France et la Belgique, résolues à faire prévaloir une vision «laïque» de la nouvelle Charte. Une vision «laïciste», tenait-on à préciser à Rome.
Mais depuis quelques jours, le ton s’est durci. À mettre le feu aux poudres, l’audition la semaine dernière du futur commissaire européen Rocco Buttiglione, catholique conservateur et proche ami de Jean-Paul II. Ses propos sur l’homosexualité («un péché») et la place des femmes dans la société («sous la protection de leur mari») ont soulevé une vive polémique au Parlement de Strasbourg. Au point de mettre en cause sa nomination elle-même. «Mes propos ont été mal interprétés», s’est-il défendu, se déclarant victime «d’une nouvelle orthodoxie, d’une nouvelle inquisition, mais antichrétienne cette fois». Une explication indirectement reprise par le numéro deux du Vatican, le cardinal Sodano, secrétaire d’État, qui déclarait le 15 octobre: «ce n’est pas la première fois que les catholiques, les chrétiens, les hommes d’église se trouvent confrontés à des problèmes de ce genre et en danger d’être victimes d’isolement et de discriminations».
Deuxième sujet brûlant: l’Espagne de Zapatero. Depuis son arrivée au pouvoir, en mars, le gouvernement socialiste a mis en chantier certaines réformes qui font grincer la hiérarchie catholique. Notamment, la légalisation du mariage des homosexuels ainsi que leur possibilité d’adopter des enfants. L’épiscopat espagnol a protesté à plusieurs reprises. Pour les responsables du Vatican, le contentieux ibérique ne serait en fait qu’un des multiples exemples de marginalisation de l’identité chrétienne.
«Le laïcisme, religion d’État»
Preuve en est, les déclarations retentissantes prononcées lundi par le Cardinal Renato Martino, responsable du Conseil pontifical Justice et Paix. Ancien représentant du Saint-Siège à l’ONU, le cardinal a parlé de «puissants lobbies culturels, économiques et politiques, mus essentiellement par des préjugés contre tout ce qui est chrétien». Il a dénoncé ces «nouvelles inquisitions pleines d’argent et d’arrogance» qui mettent l’Église catholique au banc des accusés et mettent en œuvre tous les moyens pour réduire les chrétiens au silence: «de l’intimidation au mépris publique, de la discrimination culturelle à la marginalisation». Sollicité par les journalistes, le cardinal Martino n’a pas souhaité illustrer son propos par des exemples précis.
Toutefois, ses sentiments sont partagés par un autre cardinal de la Curie, l’espagnol Julian Herranz, responsables des textes législatifs qui dans une interview au quotidien Il Giornale affirmait ce mardi: «On assiste à une confusion entre la laïcité de l’État et le laïcisme (…) La laïcité est une valeur à sauvegarder, mais il y a une tentative de faire du laïcisme une religion d’État» qui risque selon lui de menacer la liberté religieuse. Face à des épiscopats souvent en difficulté dans leur propre pays, le Vatican monte ainsi au créneau sur un des thèmes les plus brûlants de l’actualité: la place du religieux et du politique. Un thème qui dépasse largement le seul cadre de l’Europe.
par Laurent Morino
Article publié le 19/10/2004 Dernière mise à jour le 19/10/2004 à 15:16 TU