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Union européenne

Le Traité constitutionnel signé à Rome

Ultimes préparatifs. 

		(photo : AFP)
Ultimes préparatifs.
(photo : AFP)
Rome, la Ville Eternelle, s’apprête à recevoir vendredi 29 chefs d’Etat et de gouvernement pour la signature du Traité constitutionnel de l’Union européenne, 47 ans après la signature du Traité de Rome.

De notre correspondante à Rome.

L’ambiance autour du Capitole, qui fut le centre politique et religieux de la Rome antique, est celle des grands moments historiques. Elle évoque d’ailleurs les derniers préparatifs avant les cérémonies du jubilé de l’an 2000. Ouvriers, techniciens et restaurateurs sont à l’œuvre pour achever la mise en beauté du lieu qui doit accueillir les «Chefs de l’Europe». De la Piazza del Campidoglio, dessinée par Michel-Ange, au centre de laquelle trône la copie de la statue de Marc Aurèle, à la cour du Palais des conservateurs, dont les façades ont retrouvé leur couleur originelle (un ocre vanillé de toute beauté) chacun s’active pour peaufiner les moindres détails.

C’est au premier étage du palais des Conservateurs que se situe la salle des Horaces et des Curiaces. Elle doit son nom à l’une des fresques représentant la fin du combat entre les frères Horaces, champions de Rome, et leurs ennemis, les frères Curiaces. Un combat immortalisé par la tragédie de Corneille. C’est là, et au milieu d’autres tableaux qui rappellent des événements fondateurs de la Rome Antique, «l’enlèvement des Sabines» ou «Romulus traçant les limites inaugurales de la Roma Quadrata» que les «pères fondateurs» de l’Europe unie, se retrouvèrent à six le 25 mars 1957*, pour signer les traités qui instituèrent la Communauté européenne (Cee) et la Communauté européenne pour l’énergie atomique (Euratom).

Dans cette salle, où chaque fenêtre s’ouvre sur le fabuleux paysage des toits et des terrasses de Rome ombrés de pins parasols et ponctués de coupoles et campaniles, 25 chefs d’Etats et de Gouvernement** signeront ce 29 octobre le Traité constitutionnel de l’Union Européenne. Une cérémonie qui marquera la première étape d’un parcours -s’annonçant aussi houleux qu’incertain compte tenu des nombreuses controverses au sein de différents pays - et qui devrait aboutir à la ratification du nouveau traité européen par chaque Etat membre, d’ici à son entrée en vigueur en 2007.

Une signature à 10 millions d’euros

Cette première étape fera en tous cas de Rome une véritable «Caput Mundi». C’est pourquoi tout a été étudié, à la loupe, pour saluer l’événement. De la mise en scène pour la retransmission télévisée de la cérémonie en mondovision, dirigée par Franco Zeffirelli, jusqu’au précieux stylo-plume hollandais qui sera remis à chaque chef d’Etat, avec une inscription en latin en hommage à la Ville de Rome, en passant par les tailleurs des hôtesses conçus par le styliste Valentino à la demande du chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, «afin de mettre en lumière la créativité italienne».

Pour émerveiller la grande famille de l’Europe l’Italie a dépensé 10 millions d’euros. De la scénographie aux spectacles, grandeur et raffinement seront donc à l’ordre du jour.

Un concert sera donné jeudi soir au théâtre de l’Opéra tandis qu’un feu d’artifice achèvera ce rendez-vous historique dans le jardin des Orangers, sur la colline de l’Aventin. Bien sûr une part de rêve sera consacrée à la gastronomie italienne, illustrée par les grands chefs à travers des buffets ou banquets offerts sur les plus belles terrasses de la Capitale, dont celle de l’Hôtel Forum qui domine les ruines du forum romain. La plus enchanteresse des pages de l’histoire romaine à ciel ouvert.

Pour la sécurité, en liaison permanente avec le ministre de l’intérieur, le maire de Rome, Walter Veltroni et le chef de la protection civile, Guido Bertolaso, aguerri depuis le jubilé, ont mis au point tous les plans nécessaires au bon déroulement de ce rendez-vous. Aucun avion ne pourra survoler la ville. Grâce à un décret ad hoc de la Présidence du Conseil, les 2 000 employés de la municipalité seront en vacances du 28 au 30 pour permettre la fermeture de tous les bureaux. Policiers en civil et tireurs d’élite seront repartis dans des endroits stratégiques tandis que l’accès au cœur la capitale sera interdit à la circulation à partir de jeudi soir.

L’ignorance du texte

Et les Romains dans tout ça ? Rodés aux bouleversements, assez fréquents dans une ville comme Rome, notamment en raison de la présence du pape, ils acceptent avec résignation les limitations qui leurs seront imposées dans leurs déplacements, en ces derniers jours d’octobre. Mais force est de constater que la majorité de la population ignore le texte de la Constitution européenne et ne sait donc pas ce qu’il sera amené à changer dans l’aventure communautaire.

Pour pallier ce manque, un spot télévisé, concocté par la Présidence du Conseil italien et expliquant les grandes lignes de la Constitution, est diffusé plusieurs fois par jour sur toutes les chaînes nationales. L’Italie pourrait d’ailleurs être le premier pays à ratifier le nouveau Traité européen. Un décret sera signé quelques heures après la cérémonie de Rome, selon le chef de la diplomatie, Franco Frattini. Cette ratification devra ensuite être approuvée par voie parlementaire.

Toutefois, comme dans d’autres pays, il n’y a pas d’unanimité. Au sein de la majorité, la Ligue du Nord, parti fédéraliste aux accents racistes et xénophobes, s’oppose au Traité européen car «il limite la souveraineté du pays». Ce parti souhaiterait la promulgation d’une loi constitutionnelle pour organiser un référendum populaire. Il faut savoir, en effet, que la constitution italienne ne prévoit pas l’organisation de référendum pour l’approbation des traités internationaux.

Flatter l’orgueil de Berlusconi

A gauche, c’est essentiellement le parti de la Refondation communiste qui s’oppose à ce nouveau Traité, lui reprochant d’être «trop libéral et sans âme». En revanche, le principal parti de l’opposition, les Démocrates de gauche, estime qu’il est important que le parlement italien soit le premier à ratifier le Traité. Un souhait qui ne peut que flatter dans son orgueil, incommensurable, Silvio Berlusconi, à qui l’on doit reconnaître au moins un mérite : il est parvenu à faire accepter à ses partenaires de l’UE que la constitution européenne soit signée au même endroit que le traité de Rome, en 1957.

Silvio Berlusconi voulait être certain de figurer en bonne place dans tous les livres d’histoire. Ce sera chose faite. Pour autant, il ne parviendra sans doute pas à dissiper les gros nuages provenant de Bruxelles, après la décision du président de la commission, M. Barroso, de reporter le vote du parlement européen pour remanier son équipe. Cette décision est étroitement liée au cas de Rocco Buttiglione, pressenti comme commissaire chargé de la justice qui, avec son anathème contre les homosexuels et ces propos sur la famille «qui existe pour permettre à la femme d’avoir des enfants» est à l’origine d’une crise sans précèdent dans l’histoire communautaire entre la Commission et les députés de Strasbourg. Or, pour le moment, le gouvernement italien a décidé de maintenir la candidature de M. Buttiglione.



par Anne  Le Nir

Article publié le 28/10/2004 Dernière mise à jour le 28/10/2004 à 14:50 TU

* Belgique, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas.

** Plus trois des pays candidats, Bulgarie, Roumanie, Turquie.

Audio

Correspondante à Rome

[28/10/2004]

Florence Deloche-Gaudez

Maître de conférence à l'Institut d'Etudes politiques de Paris

«Dans ce texte pour la première fois il y a un droit de retrait. Cela accrédite l'idée qu'on n'est pas forcément dans l'Union européenne jusqu'à la fin des temps.»

[29/10/2004]

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