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Espagne

Six anciens chefs de l'ETA pour l'arrêt des attentats

Francisco Mugica Garmendia, «Pakito», ancien dirigeant de l' ETA, escorté par la police à l'aéroport de Madrid-Barajas, le 8 février 2000. Avec 5 autres militants, il appelle à l'abandon de la lutte armée. 

		(Photo: AFP)
Francisco Mugica Garmendia, «Pakito», ancien dirigeant de l' ETA, escorté par la police à l'aéroport de Madrid-Barajas, le 8 février 2000. Avec 5 autres militants, il appelle à l'abandon de la lutte armée.
(Photo: AFP)
Dans une lettre écrite de leur prison, six responsables de l’organisation indépendantiste ETA (Euzkadi Ta Askatasuna, «patrie basque et liberté») ont lancé un appel sans précédent à abandonner la lutte armée et à poursuivre le combat politique au sein des institutions.

C’est un message exceptionnel, par le nombre et la qualité des militants co-signataires de la lettre. Les six responsables basques, parmi lesquels d’anciens hauts dirigeants de l’organisation, sont des militants historiques d’ETA et des nationalistes convaincus. Leur constat n’en apparaît que plus sévère encore. Selon les extraits de la lettre publiée par le Diario de Noticias de Pampelune, les six hommes reconnaissent la défaite militaire de leur organisation.

«La lutte armée que nous développons aujourd’hui ne sert à rien», écrivent les militants dans une lettre adressée à leur direction. «Notre stratégie politico-militaire a été dépassée par la répression de l’ennemi», estiment les détenus qui totalisent une peine de plus de 6 000 ans de prison pour terrorisme. «Il ne s’agit plus de savoir si le rétroviseur de la voiture est défectueux ou si la roue est crevée, c’est le moteur qui est défaillant, c’est à dire la stratégie politico-militaire», disent-ils dans leur message. «Jamais dans l’histoire de cette organisation, nous ne nous sommes trouvés si mal et dans les dernières communications (de l’ETA) on n’ébauche pas la moindre réflexion à ce sujet», ajoutent ces militants selon lesquels c’est désormais à l’aile politique du mouvement «la gauche nationaliste (…) de définir la stratégie». «Si on ne prend pas le taureau par les cornes, nous allons vers une dégénérescence qui va affecter notre projet politique», estiment les rédacteurs de la lettre.

Le message a été bien accueilli au sein des milieux nationalistes basques modérés. Au pays basque espagnol, le gouvernement régional a considéré que l’abandon de la lutte armée «est une option qui commence à prendre force dans le monde de l’ETA». Le bras politique de l’organisation terroriste (ex-Batasuna) n’a pas encore réagi mais, dans un communiqué récent, l’ETA a annoncé sa disponibilité à participer à un «processus ouvert et concret de dialogue» sans «conditions préalables». Selon Batasuna, ce message traduisait une réelle «volonté d’en finir avec la guerre». Les six hommes sont des «grosses pointures» du mouvement. Parmi eux figure l’ancien dirigeant de l’organisation, Francisco Mugoca Garmendia (alias Pakito), arrêté en 1992 en France lors d’un précédent démantèlement de l’état-major d’ETA. Reconnu coupable d’être l’instigateur de 23 assassinats, il effectue une peine de 4 645 années de détention. Trois autres anciens dirigeants sont co-signataires: Inaki Arakama Mendia, Inaki Bilbao Beaskoetxea et Karlos Almorza Arrieta; ainsi que les militants Koldo Aparicio Benito et Kepa Solana.

«Un bon signe»

Le message est daté du mois d’août. En conséquence, le constat dressé par les six militants n’est pas inspiré par les derniers épisodes et notamment l’arrestation du n°1 politique de l’organisation, Mikel Albizu Iriarte (alias Antza), début octobre, et le coup de filet opéré par la police française, mi-octobre, au cours duquel un arsenal très impressionnant avait été saisi. Au cours de ces deux dernières années, la collaboration entre les polices française et espagnole a décimé les rangs de l’organisation en permettant quelque 200 arrestations. Lundi 1er novembre, une jeune militante présumée d’ETA a été mise en examen et écrouée à Paris. Elle avait été arrêtée la semaine dernière à l’issue d’une course-poursuite avec les gendarmes dans le département des Hautes-Pyrénées, principale base arrière de l’organisation clandestine. Sa passagère avait réussi à prendre la fuite après avoir tiré plusieurs coups de feu en direction des forces de l’ordre, sans faire de blessés.

A Madrid, côté officiel, on affiche un optimisme prudent après la déclaration des six indépendantistes basques. En effet, depuis le dernier coup de filet historique de 1992, au cours duquel l’ancienne direction d’ETA avait été décapitée, une jeune génération de militants a pris la relève à la tête du mouvement et les autorités s’interrogent sur la capacité de l’ex-direction emprisonnée à infléchir la stratégie de l’organisation. Toutefois le ministre espagnol de la Justice, Juan Fernando Lopez Aguilar, a déclaré que «toute indication montrant qu’il existe, au sein de la bande de terroristes et parmi ceux qui purgent des peines pour crimes terroristes ou appartenance à bande armée, non seulement une démoralisation, mais aussi l’expression claire que la soi-disant lutte armée n’a pas de sens est un bon signe». Son collègue de l’Intérieur, José Antonio Alonso, lui, trouve la proposition «intéressante». M. Alonso a également annoncé mardi l’interpellation de 6 personnes, à Bilbao, au pays basque espagnole, pour leurs liens présumés avec ETA. L’organisation est responsable de la mort de plus de 800 personnes, en 36 ans d’activité, en Espagne.



par Georges  Abou

Article publié le 03/11/2004 Dernière mise à jour le 04/11/2004 à 09:15 TU

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Jean Chalvidant

Spécialiste de l'ETA

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[04/11/2004]

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