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Etats-Unis

Powell remplacé par Rice

Le secrétaire d'Etat Colin Powell a créé la surprise en appelant à l'organisation d'une conférence internationale sur l'Irak. 

		(Photo : AFP)
Le secrétaire d'Etat Colin Powell a créé la surprise en appelant à l'organisation d'une conférence internationale sur l'Irak.
(Photo : AFP)
Le secrétaire d’État américain a remis sa démission à George Bush. Isolé face aux néo-conservateurs, usé par quatre années intenses, Colin Powell n’a pas souhaité re-signer pour quatre ans. Avec lui, c’est une des voix les plus modérées de l’administration qui s’en va. La conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, le remplacera.
De notre correspondant à New York

Depuis plusieurs mois, les rumeurs étaient contradictoires. Mais cette fois, Colin Powell s’en va. Après quatre ans de service, le secrétaire d’Etat américain a démissionné, d’un commun accord avec le président Bush qui n’a semble-t-il pas cherché à le retenir. « Ce fut un grand honneur et un privilège d’avoir une fois encore eu l’opportunité de servir ma nation, et je garderai toujours un souvenir précieux des quatre ans que j’ai passés avec le président Bush (…). Je pense que nous avons accompli de grandes choses » a-t-il déclaré, sans trace d’amertume. « Au cours des derniers mois et des dernières semaines, le président Bush et moi avons parlé de politique étrangère, et nous avons parlé de ce que nous ferions à la fin de ce premier mandat. Mon intention a toujours été de servir un seul mandat. Et après avoir eu de bonnes discussions, complètes, nous avons mutuellement conclu qu’il serait souhaitable pour moi de démissionner maintenant » a-t-il ajouté.

Selon la presse américaine, il devait être remplacé par la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice, qu’on disait pourtant plus intéressée par le Pentagone, auquel Donald Rumsfeld s’accroche. Si Colin Powell était une colombe, sa remplaçante se range plutôt dans la catégorie des faucons. Car même sans être une néo-conservatrice pur sucre, elle fut l’une des plus ferventes avocates de la guerre en Irak. Avec elle, le président Bush a surtout choisi une personne de confiance. Condoleeza Rice est une de ses plus proches collaboratrice et conseillère.

Spécialiste de la Russie, universitaire de carrière, noir américaine issue d’une famille pauvre, elle s’est imposée dans l’administration, malgré les critiques qui l’accusent d’avoir sous-estimé la menace terroriste. Ces quatre dernières années, elle a servi de médiateur entre Colin Powell et le ministre de la défense Donald Rumsfeld. Elle s’est également imprégnée de plusieurs dossiers importants, de l’Iran à la Corée du Nord, en passant par le Proche-Orient. Elle sera remplacée à son poste par son second, Stephen Adley, qui devient donc conseiller à la sécurité nationale. Une fois officiellement nommée, la première mission de Condoleezza Rice sera sans doute de convaincre le monde que sa sélection à ce poste, ne marque pas un virage à droite de l’administration Bush.

Pourquoi ce départ de Colin Powell ? Les raisons sont sans doute tant politiques que personnelles. Politiques, car depuis le début de son mandat, dans les moments importants, le président Bush a toujours privilégié les néo-conservateurs de son administration au détriment de Colin Powell. Lorsque le ministre de la défense Donald Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney plaidaient pour la guerre en Irak, ils ont été entendus, alors que les appels du secrétaire d’Etat pour donner plus de temps au processus diplomatique restaient sans réponse. A de nombreuses reprises, les déclarations intempestives de Donald Rumsfeld ont même sapé les efforts du secrétaire d’Etat, qui cherchait à rassurer ses alliés européens et à constituer une coalition présentable.

Sa crédibilité à souffert de la présentation à l’Onu

Colin Powell a également été marqué par sa présentation au Conseil de sécurité de l’ONU des preuves américaines de la prétendue existence d’armes de destruction massives en Irak. Après avoir brandi une fiole vide pour illustrer ce que l’anthrax pourrait faire à une ville américaine, après avoir présenté des images satellites de soi-disant installations chimiques, Colin Powell, qui agissait sans doute de bonne foi, s’est senti floué lorsque les inspecteurs américains ont conclu à l’inexistence de ces armes de destruction de masse. Sa crédibilité en a aussi profondément souffert. En bon soldat qu’il était, l’ancien général est toutefois resté fidèle au président. « Je suis content d’avoir fait partie d’une équipe qui a lancé la guerre globale contre la terreur, libéré les peuples afghan et irakien, attiré l’attention du monde sur le problème de la prolifération, réaffirmé nos alliances, ajusté le monde d’après-guerre froide (…). Votre leadership fut la force qui a guidé notre succès » a-t-il écrit dans sa lettre de démission. Mais sa patience a peut-être fini par s’émousser.

Colin Powell a aussi des raisons personnelles. Ont le dit fatigué par quatre années de travail intense. Son épouse, qui n’a jamais aimé les contraintes de la vie publique, se réjouissait probablement de la fin de son mandat. Colin Powell pourrait aussi aisément retourner à l’écriture de livres ou, comme le président Clinton, se faire payer grassement pour donner des discours à travers le pays. C’est ce qu’il faisait, avec succès, avant d’être appelé à prendre ses fonctions de secrétaire d’État. Son nom a également un temps été évoqué pour la direction de la banque mondiale. Certains évoquent aussi un possible rôle pour relancer le processus de paix au Proche-Orient, en profitant de la nouvelle dynamique enclenchée par la mort de Yasser Arafat.


Avec le départ de Colin Powell, c’est donc une des voix les plus modérées de l’administration qui s’éteint. C’est aussi un partenaire apprécié en Europe qui s’en va, même si certains doutaient de son influence réelle sur la présidence. La nomination pour le remplacer d’une proche du président montre que George Bush se méfie du département d’Etat, au sein duquel le soutien pour sa politique étrangère et la guerre en Irak a toujours été timide. Le nom de John Danforth, l’actuel ambassadeur des États-Unis à l’ONU circulait également. L’ancien sénateur républicain du Missouri est un pasteur protestant, mais c’est aussi un pragmatique connu pour sa rectitude et utilisé par l’administration Clinton avant d’être envoyé du président Bush pour le processus de paix nord-sud au Soudan. Il représentait un choix plus consensuel, qui a été rejeté par le Président.

Les ministres de l’agriculture, de l’énergie et de l’éducation partent également, ce qui porte à six (sur quinze postes ministériels) les démissionnaires.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 16/11/2004 Dernière mise à jour le 17/11/2004 à 09:19 TU

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Vincent Michelot

Maître de conférence d'études américaines à Lyon II et à Sciences Po, auteur de <I>L'empereur de la Maison Blanche</I>

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«Condoleeza Rice est la première femme noire à prendre la direction du Département d'Etat.»

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