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Congo Démocratique

La guerre menace

Les rebelles de Kanyabayonga ont chassé l'armée régulière de la ville. 

		(Photo : AFP)
Les rebelles de Kanyabayonga ont chassé l'armée régulière de la ville.
(Photo : AFP)
Les combats se sont poursuivis lundi entre les forces gouvernementales dépêchées depuis Béni dans le Nord Kivu pour se déployer jusqu’à la région de Goma et les militaires issus de l’ancienne rébellion du RCD Goma qui tiennent le verrou de Kanyabayonga, à mi-chemin entre Béni et Goma.

De notre envoyé spécial à Kanyabayunga

Les combats se sont poursuivis lundi entre les forces gouvernementales dépêchées depuis Béni dans le Nord Kivu pour se déployer jusqu’à la région de Goma et les militaires issus de l’ancienne rébellion du RCD Goma qui tiennent le verrou de Kanyabayonga, à mi-chemin entre Béni et Goma.

Les forces gouvernementales arrivent par camions entiers à Kanyabayonga dans l’Est de la République Démocratique du Congo depuis mercredi dernier. Face à eux, des anciens rebelles du RCD-Goma, qui refusent de les laisser aller plus au sud, où adossée au Rwanda, se trouve, enfouie dans la lave, la ville de Goma. Un face-à-face dangereux s’installe. Dimanche, les premiers coups de feu. Courbés sous leurs matelas et leurs casseroles, parfois une poule dans les bras, des milliers de famille fuient à pas rapides cette localité de 40 000 habitants.

Tout le monde craint désormais une reprise de la guerre qui a déjà fait plus de quatre millions de morts depuis 1996. Dans les montagnes, au nord de Kanyabayonga, la population se prépare à cette éventualité et  assure, avec désespoir, qu’elle se défendra même les mains nues contre les anciens rebelles soutenus par le Rwanda.

Cependant la République Démocratique du Congo accueille la plus importante mission de la paix dans le monde avec bientôt  plus de 16 000 Casques bleus. Mais tous ne sont pas encore déployés. Ainsi, aucun observateur militaire de la Mission d’observation des Nations unies n’était présent à Kanyabayonga où « la tension est à son comble depuis des jours », souligne le chef d’une localité voisine, Jean-Emmanuel Mumbere.

Un affrontement entre ces deux groupes, l’un envoyé à la demande du gouvernement congolais et l’autre soutenu par le Rwanda voisin, était devenu inévitable. Il s’agissait pour les troupes gouvernementales envoyées depuis Béni, plus au nord, de parvenir à Goma, la capitale administrative du Nord Kivu, passée depuis 1996 sous l’influence du Rwanda voisin. Une tâche ardue. Le Rwanda ne peut quitter qu’à contre-cœur les vastes territoires riches en pâturages, en bois, en diamants et en or qui s’étendent au-delà de sa frontière dans le Nord Kivu. Au Rwanda, par contre, les terres sont fatiguées, l’espace insuffisant et les minerais absents.

Jusqu’à présent, la guerre a permis à Kigali d’entretenir une large armée. Elle est la fondation du régime de Kigali. Dès lors, si l’armée gouvernementale congolaise parvenait à se déployer à Goma, mettant ainsi fin à l’influence de Kigali dans cette région, le président Rwandais Paul Kagamé devra se trouver de nouveaux moyens – hypothétiques – de diriger son pays et sortir d’un isolement étouffant.

Une ville désertée de ses habitants

Le contexte politique est tel en effet au Rwanda que le régime tutsi de Kigali risque l’asphyxie si la porte du Congo lui était subitement fermée. Depuis sa prise de pouvoir en 1994, à l’issue de quatre ans de guerre et d’un génocide qui a tué plus de 800 000 Tutsis et Hutus modérés, le Front Patriotique Rwandais (FPR) du président Kagamé a forcé à l’exil ou à la prison tous ceux qui prétendaient discuter, même timidement, son pouvoir. Dix ans plus tard, le président Kagame se retrouve seul, sans soutien intérieur et confronté à une rébellion qui continue de recevoir des armes en République Démocratique du Congo.

Par ici, à Butembo, au cœur des montagnes, la population espère ardemment que les troupes gouvernementales parviennent à Goma. « Ce sera la fin de la guerre, enfin ! », remarque un responsable de la ville. « Par contre, assure-t-il, si l’armée gouvernementale devait battre en retraite, c’est tout le Nord Kivu qui risque de sombrer dans la guerre, et cela, pour des années encore ».

De sources concordantes, les combats ont repris lundi matin. Une journaliste de l’agence France Presse qui s’est rendue sur les lieux lundi décrit une ville désertée de ses habitants et dont le centre est tenu par des militaires de l’ancienne rébellion soutenue par le Rwanda. Cependant l’armée gouvernementale était toujours présente lundi soir dans les faubourgs nord de la ville. Selon un responsable militaire dans le Nord Kivu, les combats se seraient  arrêtés vers quatre heures de l’après-midi sur un relatif statu quo. Les deux belligérants reconnaissent qu’il y a eu des morts de part et d’autre. En théorie, ils appartenaient à une même armée.

par Gabriel  Kahn

Article publié le 15/12/2004 Dernière mise à jour le 15/12/2004 à 09:53 TU