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Al-Manar : les Libanais menacent de représailles ciblées

Manifestation des étudiants libanais contre la décision du CSA devant l'ambassade de France à Beyrouth, le 16 décembre 2004. 

		(Photo : AFP)
Manifestation des étudiants libanais contre la décision du CSA devant l'ambassade de France à Beyrouth, le 16 décembre 2004.
(Photo : AFP)
La chaîne de télévision du Hezbollah chiite libanais, al-Manar, est au cœur d’une polémique qui dépasse le secteur des médias. Accusée d’incitation à la violence raciale, sa diffusion a été interdite par la France et les Etats-Unis. Ces décisions ont provoqué la colère du gouvernement libanais qui a menacé de prendre des mesures de rétorsion du même ordre. Des opérateurs privés libanais ont, d’autre part, annoncé le 20 décembre leur décision d’interrompre la diffusion sur le câble de la chaîne satellitaire francophone TV5, en signe de solidarité avec al-Manar.

L’affaire al-Manar n’en finit pas de rebondir. Dernier épisode en date : TV5 a été privée de diffusion sur le câble dans certains quartiers de Beyrouth, la capitale libanaise. Un groupement d’une cinquantaine d’opérateurs télévisuels privés a décidé d’apporter son soutien à la chaîne du Hezbollah chiite libanais al-Manar, elle-même interdite de diffusion en France depuis le 13 décembre, en coupant l’accès à la chaîne multilatérale francophone. Il ne s’agit certes pas d’une mesure de la même ampleur que celle qui a été appliquée contre al-Manar dans l’Hexagone, dont la diffusion par le satellite Hotbird 4 d’Eutelsat a été totalement interrompue. Ce qui empêche l’accès à ses programmes dans la plupart des pays de la Communauté européenne, même si al-Manar reste diffusée dans certains d’entre eux desservis par d’autres satellites comme celui de l’opérateur Arabsat. La coupure de TV5 ne concerne pour le moment ni l’ensemble de la ville, ni la totalité des opérateurs libanais. La télévision multilatérale francophone est d’ailleurs, par exemple, toujours accessible sur la chaîne officielle libanaise, Télé-Liban. Mais cette décision pourrait être suivie par d’autres distributeurs de services. Et surtout, elle est significative de l’indignation provoquée au Liban par les mesures adoptées récemment pour empêcher la diffusion de la chaîne du Hezbollah.

Plusieurs manifestations de protestation ont notamment été organisées autour de l’ambassade de France et du centre culturel français à Beyrouth pour dénoncer l’interdiction d’al-Manar, assimilée à une remise en cause de la liberté d’information. Les autorités libanaises ont elles-mêmes fait part de leur désapprobation. Le Premier ministre Omar Karamé a, dès le début de cette affaire, manifesté son intention de rétorquer à toute interdiction de diffusion d’al-Manar qui serait prise par la France. «Si la décision  est mise en application, nous appliquerons le principe de réciprocité». Cette détermination a été renforcée par le fait que l’interdiction d’al-Manar en France a été suivie par la même mesure aux Etats-Unis.

Washington place al-Manar sur la liste des organisations terroristes

Washington a, en effet, annoncé le 17 décembre sa décision de placer la chaîne du Hezbollah chiite libanais sur la liste des organisations terroristes. Du coup, l’opérateur satellitaire GlobeCast qui proposait l’accès à al-Manar au sein d’un bouquet de télévisions du Moyen-Orient, l’a retiré de son offre et la chaîne n’est plus diffusée aux Etats-Unis. La décision américaine ne concerne pas uniquement l’interdiction d’al-Manar. Elle s’applique aussi à toute personne susceptible d’avoir des liens avec cette chaîne qui pourrait désormais se voir refuser un visa d’entrée aux Etats-Unis ou faire l’objet d’une procédure d’expulsion.

Comme les autorités françaises qui avaient réagi après la diffusion par al-Manar d’un feuilleton comportant des propos antisémites, le département d’Etat américain a justifié sa décision d’interdire la chaîne par la présence dans son offre de programmes incitant à la «violence» et répandant des «propos haineux». Le porte-parole du Département d’Etat, Richard Boucher, a nié toute pression des Israéliens et a expliqué : «Nous ne voyons pas pourquoi une organisation terroriste, ici ou ailleurs, serait autorisée à répandre des propos haineux…via une diffusion télévisée aérienne».

Pour les Libanais, les choses ne sont pas si simples. Cette interdiction est interprétée comme une sorte de dégât collatéral du conflit au Proche-Orient. Al-Manar serait, selon eux, victime d’une opération visant à empêcher l’expression de tout point de vue opposé à celui d’Israël. Salim Hoss, l’ancien Premier ministre libanais, a ainsi estimé que «Washington qualifie de terrorisme le ‘droit à la résistance contre l’occupation israélienne’ et de ‘légitime défense’ le terrorisme israélien et l’usurpation par Israël d’une terre qui appartient à un autre peuple». L’ambassadeur du Liban à Washington, Farid Abboud, a directement accusé les Etats-Unis de chercher «à liquider un média en l’accusant d’être la voix de Satan», ajoutant : «Il est inacceptable de censurer un média juste parce qu’il défend des thèses auxquelles il croit en prenant partie dans le conflit israélo-arabe». Du coup, le gouvernement libanais a annoncé qu’à la suite d’une recommandation de la commission parlementaire des Affaires étrangères, il étudiait «avec minutie la possibilité de prendre des mesures de rétorsion envers des médias américains et français».



par Valérie  Gas

Article publié le 20/12/2004 Dernière mise à jour le 20/12/2004 à 15:40 TU