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« Annus horribilis » pour Kofi Annan

Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan (D) et le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohammed el-Baradeï (G) sont dans la ligne de mire des Etats-Unis. 

		(Photos : AFP)
Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan (D) et le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohammed el-Baradeï (G) sont dans la ligne de mire des Etats-Unis.
(Photos : AFP)
Employant l’expression latine « annus horribilis » (année horrible), le secrétaire général des Nations unies a reconnu que les accusations de corruption formulées à l’encontre du programme « pétrole contre nourriture » avaient entaché la réputation de l’organisation internationale qu’il dirige. Kofi Annan a toutefois répété qu’il ne démissionnerait pas alors que d’autres affaires entament une fois encore le renom des Nations unies.

Kofi Annan, le secrétaire général de l’Onu, a reconnu que les accusations de corruption formulées à l’encontre du programme « pétrole contre nourriture » avaient entaché la réputation des Nations unies. Toutefois, il a répété qu’il ne démissionnerait pas. Comme la reine Elisabeth d’Angleterre en 1992, Kofi Annan a parlé de son année 2004 comme d’une « annus horribilis », une année horrible, selon l’expression latine consacrée. « Il ne fait aucun doute que cette année a été particulièrement difficile, et je suis content qu’elle touche à sa fin », a déclaré le secrétaire général de l’organisation onusienne. «Les allégations planant sur le programme pétrole contre nourriture ont jeté une ombre sur une initiative qui a apporté du réconfort à des millions d’Irakiens », a souligné Kofi Annan, « nous devons découvrir la vérité rapidement ».

Ce programme a donné lieu à des détournements financiers

En 1996, le programme pétrole contre nourriture avait été mis en place pour permettre à l’Irak, à la fin de la guerre du Golfe, de vendre du pétrole pour acheter de la nourriture. Ce programme humanitaire s’élevant à 64 millions de dollars devait permettre d’alléger les conséquences de la défaite pour la population irakienne. Ce programme a atteint son but, mais a donné lieu à des détournements financiers : 10% environ des sommes en jeu étaient prélevés par des proches du chef de l’état irakien sur tous les marchés conclus dans le cadre de ce programme. Entre 1997 et le début 2003, des commissions de 4,5 milliards de dollars auraient ainsi été prélevées malgré les contrôles du Comité 661, une émanation du Conseil de sécurité (dans laquelle siégeaient des Américains et des Britanniques) chargée de vérifier que Bagdad ne commandait pas rentrer des produits susceptibles d’être utilisés pour de l’armement. Ce Comité avait reçu des informations montrant qu’il y avait corruption mais n’en avait pas tenu compte.

Début 2004, Kofi Annan est d’autant plus mis en cause dans cette affaire que son fils a eu des responsabilités dans ce programme stratégique et en a tiré des bénéfices financiers. Les parlementaires conservateurs américains s’en prennent alors au secrétaire général, lui reprochent de ne pas avoir dévoilé l’affaire, lui demandent de démissionner. Lui, de son côté, rejette la responsabilité sur le Comité 661 qui a reconduit plusieurs fois le programme pétrole contre nourriture sans faire de contrôle.

D’autres responsables onusiens mis en cause

Une commission d’enquête du Congrès américain est actuellement en cours pour faire l’état des lieux de l’utilisation des fonds de ce programme. Des parlementaires américains s’interrogent sur l’utilisation de l’argent des contribuables américains puisque les Etats Unis fournissent 20% du budget de l’organisation internationale.

Dans le même temps, plusieurs autres responsables onusiens sont mis en cause : le Chypriote Benon Sevan, proche du secrétaire général, qui aurait bénéficié du système parallèle mis au point à Bagdad. Et Ruud Lubbers, ancien Premier ministre néerlandais et responsable du Haut Commissariat aux Réfugiés, qui fait l’objet d’une plainte pour harcèlement sexuel de la part de l’une de ses collaboratrices et qui aurait été blanchi par Kofi Annan. Ce dernier aurait également fermé les yeux sur une autre affaire du même genre concenant le singapourien Dileep Nair, patron du Service de contrôle interne de l’ONU.

Le discrédit autour de l’Irak et les affaires de moralité ne sont pas venus à bout du secrétaire général des Nations unies. Il a l’intention de finir son mandat (de dix ans) en restant encore deux ans à la tête de l’organisation internationale. Côté américain, la seule personne qui lui apporte du soutien est le secrétaire d’Etat Colin Powell, lorsque son départ de l’équipe Bush est annoncé. Aux Nations unies, une motion de défiance conteste la manière de faire du secrétaire général. Attaqué de l’intérieur comme à l’extérieur, Kofi Annan est alors défendu par d’anciens prix Nobel de la paix comme Nelson Mandela ou Desmond Tutu, ou encore par le personnel de l’organisation internationale qui lui fait une « standing ovation ». Une commission indépendante est installée. Dirigée par Paul Volker, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, elle doit faire un rapport d’ici mi-janvier 2005 sur l’opération pétrole contre nourriture.

Des cas de violence sexuelle en RDC

L’annus horibilis de  Kofi Annan n’est cependant pas terminée. Selon une enquête du Washington Post, des soldats des Nations unies basés en République démocratique du Congo auraient tenté d’empêcher le travail d’enquête, mené par des civils de l’Onu, sur des cas de violences sexuelles. Le quotidien américain se base sur un rapport confidentiel dans lequel des soldats marocains, pakistanais, et népalais, ont fait obstacle à des témoignages concernant des cas de prostitution ou de viols d’enfants commis par les militaires onusiens. Sur place, une représentante de l’ONU aurait été menacée. Mi-novembre, le secrétaire général s’était déclaré «scandalisé » après la publication d’un premier rapport sur ces cas d’abus sexuels. Ces informations concernant des violences sexuelles en RDC s’ajoutent aux critiques répétées depuis de longs mois contre le secrétaire général.

El-Baradei soupçonné de complaisance à l’égard des Iraniens

Un autre haut responsable de l’Onu n’est pas lui non plus en grâce auprès des Américains. Il s’agit de Mohammed el-Baradei, dirigeant d’une autre agence des Nations unies, l’Agence internationale de l’énergie atomique. Pour commencer, cet Egyptien de 62 ans n’a jamais soutenu l’idée que les Irakiens possédaient des armes de destruction massive. Mais en plus, Mohammed el-Baradei est soupçonné par les Américains de complaisance à l’égard des Iraniens dans sa manière se surperviser le programme nucléaire iranien. Des informations récentes révélées une fois encore par le Washington Post qui affirment que le chef de l’AIEA a été placé sur écoutes, dans son bureau de Vienne. Le but aurait été de tenter de le discréditer alors qu’il compte poser sa candidature en juin 2005 pour un troisième mandat à la tête de l’AIEA, une candidature à laquelle s’opposent ouvertement les Etats-Unis.       



par Colette  Thomas

Article publié le 22/12/2004 Dernière mise à jour le 22/12/2004 à 16:36 TU