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101 propositions pour réformer l’ONU

Le Conseil de sécurité des Nations unies. 

		(Photo : AFP)
Le Conseil de sécurité des Nations unies.
(Photo : AFP)
Les Nations unies ont dévoilé 101 propositions pour se réformer. Le rapport, très attendu, a été élaboré par un comité de sages dont faisait partie le Français Robert Badinter. Il pourrait s’agir de la plus ambitieuse réforme de l’ONU depuis sa création en 1945. Le plus dur sera de faire accepter un élargissement du conseil de sécurité, de 15 à 24 membres.

De notre correspondant aux Nations unies, à New York.

 Le projet de réforme est multi facettes, mais sa proposition la plus spectaculaire touche la réforme du Conseil de sécurité. Le poids lourd de l’ONU est actuellement composé de 15 membres, dont cinq permanents, dotés d’un droit de veto : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande Bretagne et la France. Les autres membres sont élus pour deux ans. Parce que cette composition, qui reflétait plus ou moins le rapport des forces au lendemain de la seconde guerre mondiale, laisse de côté des pays de premier rang sur la scène internationale, il existe un consensus sur la nécessité d’une refonte. Les sages proposent d’inclure neuf nouveaux membres, mais le sujet est tellement controversé qu’ils ont préféré faire deux propositions. La première prévoit la création de huit nouveaux sièges « semi permanents » attribués pour 4 ans renouvelables, ainsi que la création d’un nouveau siège de non permanent. Ce cas de figure déplaît fortement au G4, qui regroupe l’Allemagne, le Japon, le Brésil et l’Inde, quatre pays unis depuis quelques mois pour réclamer chacun une place à la table du conseil de sécurité, en tant que membres permanents dotés du droit de veto.

Ils favorisent la seconde proposition des sages : la création de 3 sièges tournants et de six sièges permanents, deux pour l’Asie, deux pour l’Afrique, un pour l’Europe, et un pour les Amériques. Le G4 serait servi, et il ne resterait au Nigeria, à l’Egypte et à l’Afrique du sud qu’à se disputer les deux sièges africains. Aucun de ces nouveaux membres permanents ne serait toutefois doté d’un droit de veto, mais le compromis devrait être acceptable. Car trop de pouvoirs pour les nouveaux couronnés risquerait d’attiser la jalousie de leurs voisins régionaux, comme l’Italie, l’Espagne, le Pakistan ou l’Argentine qui, avec d’autres, ont uni leurs forces depuis plusieurs années pour bloquer, avec succès, tout projet de réforme du Conseil qui favorise leurs rivaux. Il reste aussi deux gros points d’interrogation : comment réagira la Chine, hostile à une entrée du Japon. Et que feront les Etats-Unis, curieusement silencieux sur ces projets. Pour faire passer une telle réforme, il faut les deux-tiers des 191 Etats membres de l’assemblée générale, et l’accord des cinq permanents. Jusqu’à maintenant, pour cette raison, tous les efforts de réforme ont échoué.

Identifier les menaces

Le rapport, intitulé « Un monde plus sûr : une responsabilité partagée », a été rédigé par 16 personnalités reconnues, dont le Français Robert Badinter, sous la direction de l’ancien premier ministre thaïlandais Anand Panyarachun. Les attentats du 11 septembre et les divisions nées de la guerre en Irak ont poussé Kofi Annan à constituer ce panel pour étudier les réformes nécessaires pour faire face aux menaces du 21ème siècle. Dans le rapport, ces menaces sont clairement identifiées : les problèmes économiques et sociaux (pauvreté, Sida, environnement), les guerres entre pays, les conflits internes à chaque pays, les armes de destruction massive, le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Kofi Annan veut progresser sur tous ces fronts, et il a fait de la réforme de l’ONU une affaire personnelle. Il rédigera en mars un rapport regroupant une dizaine de propositions clés qui seront soumises à l’assemblée générale de l’ONU de septembre prochain, qui marquera les 60 ans de l’organisation et sera l’occasion d’un point sur les progrès en vue des objectifs que s’est fixée l’ONU pour le nouveau millénaire. Kofi Annan espère faire de cette réforme, qui piétine depuis des années, la pièce angulaire de son mandat, qui expire fin 2006.

Le rapport, touffu, rappelle que la guerre mondiale contre la terreur ne se gagnera pas uniquement sur le terrain militaire. Pour la première fois, les experts proposent une définition du terrorisme, comme étant « toute agression délibérée contre des civils ou des non combattants pour intimider une population ou forcer un gouvernement ou une organisation internationale à faire quelque chose ». Jusqu’à présent, l’assemblée générale de l’ONU n’était pas parvenue à fournir une définition du terrorisme, principalement par souci de ne pas condamner la résistance palestinienne. Mais « il n’y a rien dans l’existence d’une occupation qui justifie de tuer ou de cibler des innocents » estiment les éminentes personnalités.

Pour préserver la paix internationale, les actions préemptives (« autodéfense par anticipation ») ne sont pas exclues. Elles sont toutefois encadrées de nombreux garde-fous, dont le principal est l’accord du conseil de sécurité (que les Etats-Unis n’ont pas obtenu en Irak), mais aussi une évaluation rigoureuse de l’aspect sérieux du danger, une certaine proportionnalité de la réponse, l’épuisement de toute autre alternative, et l’assurance que les conséquences d’une intervention armée ne seront pas pires que le mal. Les rapporteurs semblent adresser un message direct à Washington : « Pour ceux qui sont impatients face à un tel mode de fonctionnement, la réponse est que dans un monde rempli de menaces potentielles perçues, le risque pour l’ordre global et la norme de non-intervention sur laquelle il continue à être fondé est trop grand pour qu’on accepte une action préventive unilatérale, distincte d’une action approuvée de manière collective. Autoriser l’un à agir ainsi revient à autoriser tout le monde ».

Le droit d’ingérence codifié

Le panel estime toutefois qu’il faut agir de manière plus volontaire pour intervenir dans les Etats qui ne protègent pas leurs citoyens, soit parce qu’ils ne le veulent pas, soit parce qu’ils ne le peuvent pas. Ce droit d’ingérence est codifié. « Il existe une responsabilité collective internationale de protéger, que peut exercer le conseil de sécurité en autorisant une intervention militaire armée en dernier ressort, dans l’hypothèse d’une génocide ou de massacres de grande ampleur, de nettoyage ethnique ou de violations graves du droit international humanitaire que les gouvernements souverains se sont avérés impuissants à prévenir », estiment les experts.

La commission des droits de l’homme, où sont présents 53 pays, est sévèrement épinglée, accusée d’une « érosion de sa crédibilité et de son professionnalisme » qui entache l’ONU toute entière. Des pays comme le Zimbabwe, le Soudan ou Cuba y ont une place confortable, qui leur permet de se protéger mutuellement de toute condamnation. Le panel d’experts propose d’élargir la commission aux 191 membres de l’ONU et de la renforcer d’une quinzaine d’experts indépendants, dans l’espoir, peut-être vain, de redorer son blason. Par ailleurs, de plus en plus souvent, du Kosovo au Timor, l’ONU est amenée à assumer les responsabilités traditionnelles d’un Etat – c’est ce qu’on appelle le Nation building. Le panel propose la création d’un nouvel organisme spécialisé dans ce domaine, composé d’experts onusiens, mais aussi de fonctionnaires de la Banque mondiale, du FMI, et d’autres organismes internationaux.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 02/12/2004 Dernière mise à jour le 02/12/2004 à 11:16 TU

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Correspondant de RFI à New York

«Les deux événements fondateurs de ce projet de réforme sont : les attentats de 11 septembre et la guerre en Irak.»

[02/12/2004]

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