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Nations unies

Les États-Unis réintègrent l’Unesco

Ce lundi 29 septembre 2003 marque le retour officiel des États-Unis dans l’organisation internationale que le président Reagan avait quittée en 1984.
Dix-neuf ans après avoir été retiré, le drapeau américain flotte à nouveau sur l’un des mats postés devant l’Unesco. En 1984, l’administration Reagan avait décidé de quitter l’organisation internationale basée à Paris, accusée de mauvaise gestion et de prêter son infrastructure aux «campagnes anti-impérialistes» dirigées contre les États-Unis, sous la conduite de son directeur général d’alors, le Sénégalais Amadou Mahtar M’Bow. Pour l’Unesco, dont le quart du budget était assuré par les États-Unis, le coup est rude. On craint même à l’époque qu’il s’avère mortel.

Mais le 12 septembre 2002, coup de théâtre : de la tribune des Nations unies où il s’adresse à l’Assemblée générale, George W. Bush annonce le prochain retour de son pays à l’Unesco. Dans un premier temps, personne ne réagit dans la salle. L’annonce est tout simplement trop stupéfiante pour être comprise instantanément : le chef de file de l’administration américaine la plus hostile au système des Nations unies de l’histoire contemporaine était en train d’annoncer le retour des États-Unis au sein de l’organisme international le plus vilipendé par les néo-conservateurs anciens de l’équipe Reagan qui peuplent l’entourage de l’actuel président américain. Au bout de quelques secondes, quelques applaudissement timides commencent à se faire entendre, puis c’est l’ensemble des délégués qui se joignent à l’ovation.

Pour être inattendue, l’initiative de Bush n’a rien de mystérieux. Tout à leurs préparatifs de guerre contre l’Irak, les Américains ont fait le choix de passer devant l’Onu pour obtenir la bénédiction du Conseil de sécurité. Bush l’unilatéraliste a, sur les conseils de Colin Powell, endossé l’habit d’un «multilatéraliste». La promesse de ré-adhérer à l’Unesco doit être comprise comme un élément de la campagne de séduction menée par le président américain en direction des nations réticentes, notamment en Europe et dans le tiers-monde.

Laura Bush, ambassadrice de son époux

La suite est connue. Pourtant, l’échec de la tentative américaine d’obtenir un consensus à l’Onu n’a pas entraîné de machine arrière de la part de l’administration Bush en ce qui concerne le retour à l’Unesco. Discrètement, mais efficacement, les pourparlers se sont poursuivis entre Washington et l’organisation internationale et, comme le révélait www.rfi.fr en mars 2003, tout était prêt pour un retour officiel au 1er octobre 2003.

Pour la cérémonie de réintégration, le président américain a délégué sa propre épouse, Laura Bush. Lorsque l’on sait l’importance que l’actuel locataire de la Maison Blanche attache aux relations personnelles, il est clair que sauf à se rendre lui-même sur place, il n’aurait pas pu envoyer personnalité plus importante, pas même le vice-président Dick Cheney. La France, pays-hôte de l’Unesco, ne s’y est pas trompée : Laura Bush a été reçue à l’Élysée ce lundi par le président Chirac pour un entretien qui n’était pas que protocolaire au cours duquel il a été question de «diversité culturelle», d’illettrisme et d’éducation, tous sujets qui relèvent au premier chef de la mission de l’Unesco. Le geste est d’autant plus significatif que, voici quelques mois, en pleine furie anti-française outre-Atlantique, la même Laura Bush s’était ostensiblement décommandée pour les cérémonies marquant à la Nouvelle-Orléans le bi-centenaire du rachat de la Louisiane à la France par les États-Unis.

L’Unesco que vont retrouver les États-Unis n’est toutefois plus la même que celle qu’ils ont quittée. Les critiques américaines sur la gestion de l’organisation à l’époque de Mahtar M’Bow étaient largement partagées par d’autres pays occidentaux, même s’ils n’en ont pas tiré de conséquences aussi extrêmes que les États-Unis. La perte de la contribution américaine (le quart du budget en 1984) a obligé l’Unesco a de gros efforts de rationalisation de ses dépenses. La nomination en 1999 au poste de directeur général du Japonais Koïchiro Matsuura a considérablement accéléré cette tendance. Réduction des postes, fermeture de directions sont les maîtres-mots de la nouvelle gestion en vigueur place Fontenoy, bousculant des habitudes anciennement ancrées dans l’institution. Cela convient à une administration toujours prompte à dénoncer la gabegie de ces organisations internationales. L’administration Bush a sans doute aussi une lecture plus politique de ce retour : la politique de la chaise vide a laissé le champ libre aux adversaires des États-Unis. Désormais, Washington est à nouveau dans la place et compte bien user de toute son influence pour peser sur la politique de l’Unesco.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 29/09/2003