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Nations unies

Bush demande de l'aide, sans grande conviction

En ouverture de l'assemblée générale annuelle des Nations unies, le président Bush a appelé la communauté internationale à participer à la reconstruction de l'Irak. Il a également rencontré le président français Jacques Chirac, avec qui il reste en désaccord. Kofi Annan a pour sa part sérieusement critiqué l'unilatéralisme américain.
New York (Nations unies), de notre correspondant.

Dans l'entourage de Jacques Chirac, on assure que l'entretien de 45 minutes fut «cordial». Les présidents Bush et Chirac se connaissent bien, dit-on, et «n'hésitent pas à se parler franchement». On évoque non pas des désaccords, mais seulement «des divergences de vues assumées sur le dossier irakien». Mais sous le vernis diplomatique, il apparaît clairement que les deux hommes n'ont pas pu surmonter leurs désaccords, principalement dans deux domaines. La France voudrait très rapidement un passage de souveraineté symbolique entre l'administration américaine et un gouvernement irakien élargi. Face aux 191 délégations diplomatiques de l'assemblée générale, Jacques Chirac à affirmé que «c'est à l'ONU qu'il revient d'accompagner le transfert progressif des responsabilités administratives et économiques aux institutions irakiennes actuelles selon un calendrier réaliste». Mais dans une claire allusion aux idées françaises, le président Bush a affirmé que «ce processus doit se dérouler en fonction des besoins des Irakiens, sans être accéléré ou ralenti par les souhaits d'autres acteurs». Les Etats-Unis veulent donc poursuivre les opérations à leur propre rythme.

Paris voudrait aussi que l'ONU joue un rôle central en Irak, dans la reconstruction et dans le domaine politique. Sur ce point, le président Bush a fait deux concessions. L'ONU pourra participer à l'organisation des élections et à la rédaction d'une constitution pour l'Irak, a-t-il affirmé. Pour le président Chirac, c'est insuffisant. La réconciliation entre les deux pays n'est donc pas pour demain. Mais dans le camp français, on assure que cette fois la discorde ne va pas tourner au pugilat. Au pire, si les amendements suggérés par Paris ne sont pas pris en compte, la France s'abstiendra sur le dernier projet de résolution américain sur l'Irak. Mais il n'est plus question de brandir le droit de veto français. Malgré cette certitude, le président Bush n'a pas délivré le vibrant appel à l'aide que certains annonçaient. Il s'est contenté de s'en remettre aux «pays de bonne volonté», sans demander explicitement l'envoi de troupes étrangères en Irak.

Pendant que les grandes puissances se déchirent sur le rôle de l'ONU, l'organisation se pose de graves questions sur sa sécurité en Irak. Après l'attentat contre le siège des Nations-unies, qui a fait 22 morts à Bagdad le 19 août dernier, Kofi Annan avait rapatrié presque tous ses employés sur place, ne laissant derrière qu'une mission d'une centaine de personnes. Mais lundi, le siège de l'ONU à Bagdad a de nouveau été visé par un attentat suicide, qui a fait deux morts et 19 blessés. Cette fois, seulement deux employés de l'ONU ont été touchés, mais le bilan aurait pu être beaucoup plus grave. Plusieurs hauts fonctionnaires réalisent que l'ONU est désormais une cible de choix, et que de nouvelles attaques se produiront. Ils recommandent donc à Kofi Annan d'évacuer tout son personnel en Irak, en faisant valoir qu’ailleurs dans le monde, avec un tel niveau d'insécurité, l'ONU serait partie depuis longtemps. Mais cette décision est lourde de conséquences. Le départ de l'ONU pourrait entraîner celui des organisations humanitaires. Politiquement il risque d'embarrasser les Etats-Unis et de disqualifier l'ONU de tout rôle dans l'Irak d'après guerre. Kofi Annan va donc soigneusement peser toutes ces données, avant de rendre sa décision.

«Réforme», le mot le plus populaire de cette session

Outre le débat irakien, l'assemblée générale de l'ONU a été marquée par le discours d'ouverture de Kofi Annan. «Nous sommes à la croisée des chemins», a expliqué le secrétaire général. «Ceci est peut-être un moment tout aussi important qu'en 1945 , l'année de la fondation des Nations unies». Pour lui, la décision américaine d'entrer en guerre contre l'Irak de manière préventive remet en question tout le système de sécurité collective des 58 dernières années. «Cela pourrait servir de précédent», a prévenu Kofi Annan, «et provoquer une prolifération de l'usage de la force, de manière illégale et unilatérale, avec ou sans justification». Les mots du secrétaire général étaient graves, durs à l'égard des Etats-Unis. Mais Kofi Annan se veut constructif. «Il ne suffit pas de dénoncer l'unilatéralisme», a-t-il poursuivi, «encore faut-il faire face aux problèmes qui font que certains Etats se sentent particulièrement vulnérables». Parmi ces problèmes, le secrétaire général a évoqué le terrorisme et les armes de destruction massives. Mais il a également attiré l'attention du monde sur des menaces rampantes, comme la pauvreté, le sida, ou le réchauffement climatique.

Pour faire face aux dangers du XXIème siècle, l'ONU doit, selon Kofi Annan, se réformer en profondeur. «L'histoire est un juge intraitable», a-t-il prévenu. «Elle ne nous pardonnera pas si nous laissons passer cette chance». Sera-t-il entendu ? Rien n'est moins sûr. Le mot réforme est sans doute un des mots les plus populaires de cette assemblée générale de l'ONU. Le projet de réforme le plus couramment évoqué est celui de l'élargissement du Conseil de sécurité, limité à 15 membres, dont 5 permanents dotés du droit de veto. Cette composition reflète le rapport de force né de la seconde guerre mondiale. Mais aujourd'hui, de grands pays sont sous-représenté au Conseil de sécurité. C'est le cas de l'Allemagne, du Japon, du Brésil ou de l'Inde, qui tous briguent des sièges de permanents. Périodiquement, le sujet revient sur la table de l'ONU. Mais en dépit des discours enflammés, cette réforme est bloquée depuis plus de dix ans, pour cause de rivalités régionales. Le Pakistan s'oppose au siège de l'Inde. L'Espagne et l'Italie convoitent celui de l'Allemagne. La Chine est méfiante envers le Japon. L'Argentine et le Mexique se liguent contre le Brésil, et les Africains se disputent autour d'un siège tournant. Tant que ces rivalités régionales ne seront pas résolues, la réforme restera un sujet de conversation, réservé aux salons de l'ONU.

A écouter également :
Les temps forts de l'assemblée générale annuelle des Nations unies dans RFI-Soir .

Première partie (23/09/2003, 20')
Deuxième partie (23/09/2003, 20')

Avec les interventions de Kofi Annan, George Bush et Jacques Chirac.
Et les experts de RFI :
Anne Toulouse, envoyée spéciale permanente de RFI à Washington
Franck Weil-Rabaud, spécialiste du Proche-Orient
Pierre-Edouard Deldique, journaliste et auteur de «Faut-il supprimer l’ONU» (Hachette)



par Philippe  Bolopion

Article publié le 24/09/2003