Nations unies
L’impossible réforme des Nations unies
L’assemblée générale annuelle de l’ONU vient de s’ouvrir à New York. Plusieurs chefs d’État doivent y prendre la parole. Pierre-Edouard Deldique, journaliste à RFI, vient de publier Faut-il supprimer l’ONU ? (Hachette). Entretien.
RFI: Ce vendredi, l’assemblée générale de l’ONU s’est réunie pour examiner le projet de résolution rejeté par le Conseil de sécurité en raison du veto américain. La différence, bien sûr, c’est qu’au sein de l’assemblée générale, chaque État, qu’il compte 40 000 habitants ou plusieurs centaines de millions pèse en théorie le même poids… Mais peut-on dire sérieusement que Saint Kitts et Nevis a autant d’importance que les États-Unis ?
Pierre-Edouard Deldique : Dans la mythologie onusienne, on met en avant cette égalité théorique des voix, 191 États aujourd’hui, donc 191 voix. Bien évidemment, c’est un mythe, compte tenu des rapports géopolitiques. Mais l’ONU aime mettre en avant cela, notamment lors de la réunion de l’assemblée générale. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que les États se sont finalement regroupés en régions (États arabes, groupe africain, etc. et qu’une sorte d’équilibre s’est établi entre tous ces groupes. Désormais, l’assemblée générale ce n’est plus seulement un pays une voix, c’est un ensemble de groupe de pays (Europe, Asie, Arabes…) qui voient et décident ensemble sur des sujets. Finalement, cette notion «un pays une voix» a un peu volé en éclats au fil du temps… Il est évidemment intéressant de voir que sur les 191 pays, ceux que l’on appelait naguère encore les pays sous-développés sont les plus nombreux.
RFI: Vous évoquez cette régionalisation des pays membres des Nations unies. Peut-on imaginer que la fameuse réforme du Conseil de sécurité dont on parle de plus en plus se traduise par une répartition régionale des sièges.
PED: Ce pourrait être une piste et elle est d’ailleurs évoquée dans quelques rapports, notamment pour ce qui nous concerne plus directement, nous les Européens, avec la création d’un siège pour l’Union européenne au Conseil de sécurité. Les décisions ne seraient plus prises par des pays mais par des groupes régionaux. Cela dit, pour l’instant, les membres de l’ONU tiennent trop à la notion «un pays, un vote».
RFI: Cela fait longtemps que l’on parle de réforme de l’ONU, mais en même temps, l’inertie et les difficultés font que beaucoup semblent s'être accommodés du statu quo. Aujourd’hui, le secrétaire général de l’ONU lui-même parle de réforme. Qui veut vraiment la réforme, et ceux qui l’évoquent parlent-ils tous de la même chose ?
PED: Ce qui me frappe, c’est que beaucoup de secrétaires généraux sont arrivés à la tête de l’ONU avec la volonté de réformer. C’était le cas de Boutros Boutros Ghali qui est parti à la conquête des Nations unies en disant «je vais tout réformer». Il avait même fait appel à un Américain pour réformer l’administration. Mais à la longue, il s’était mis tout le monde à dos et les États-membres avaient freiné sa volonté de réforme alors qu’il avait été nommé pour cela. Il y a un double langage des États par rapport à la réforme des Nations unies: ils disent la vouloir, mais on a l’impression qu’en réalité ils ne la souhaitent pas par ce que, confusément, ils semblent ne pas vouloir d’une ONU efficace et ils s’accommodent d’un statu quo qui permet de faire de l’ONU un bouc émissaire quand les choses ne vont pas.
RFI: en dehors de quelques néo-conservateurs ou fermiers du Middle West aux États-Unis, l’ONU a-t-elle vraiment des adversaires acharnés à obtenir sa disparition ?
PED: Un ancien maire de New York, Edward Koch, voulait en son temps bouter hors de New York les Nations unies, qui, entre parenthèses, sont un territoire international. Il y a encore aux États-Unis des gens pour voir l’ONU comme une organisation tiers-mondiste qui menace la sécurité et le mode de vie américains. Il y a même une petite ville qui interdit l’accès de son territoire aux membres de l’Onu! Ce sont les pays riches qui sont les plus sévères à l’égard des Nations unies. En revanche, pour les pays du Sud, qui constituent la majorité des États-membres, l’ONU est perçue comme leur avocat. Tous les secrétaires généraux de l’ONU disent que celle-ci est faite pour les pays du tiers-monde, notamment l’Afrique. Il faut cependant noter que parmi les pays riches, certains se font les ardents défenseurs des Nations unies: les pays scandinaves, notamment la Norvège et la Suède.
Pierre-Edouard Deldique : Dans la mythologie onusienne, on met en avant cette égalité théorique des voix, 191 États aujourd’hui, donc 191 voix. Bien évidemment, c’est un mythe, compte tenu des rapports géopolitiques. Mais l’ONU aime mettre en avant cela, notamment lors de la réunion de l’assemblée générale. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que les États se sont finalement regroupés en régions (États arabes, groupe africain, etc. et qu’une sorte d’équilibre s’est établi entre tous ces groupes. Désormais, l’assemblée générale ce n’est plus seulement un pays une voix, c’est un ensemble de groupe de pays (Europe, Asie, Arabes…) qui voient et décident ensemble sur des sujets. Finalement, cette notion «un pays une voix» a un peu volé en éclats au fil du temps… Il est évidemment intéressant de voir que sur les 191 pays, ceux que l’on appelait naguère encore les pays sous-développés sont les plus nombreux.
RFI: Vous évoquez cette régionalisation des pays membres des Nations unies. Peut-on imaginer que la fameuse réforme du Conseil de sécurité dont on parle de plus en plus se traduise par une répartition régionale des sièges.
PED: Ce pourrait être une piste et elle est d’ailleurs évoquée dans quelques rapports, notamment pour ce qui nous concerne plus directement, nous les Européens, avec la création d’un siège pour l’Union européenne au Conseil de sécurité. Les décisions ne seraient plus prises par des pays mais par des groupes régionaux. Cela dit, pour l’instant, les membres de l’ONU tiennent trop à la notion «un pays, un vote».
RFI: Cela fait longtemps que l’on parle de réforme de l’ONU, mais en même temps, l’inertie et les difficultés font que beaucoup semblent s'être accommodés du statu quo. Aujourd’hui, le secrétaire général de l’ONU lui-même parle de réforme. Qui veut vraiment la réforme, et ceux qui l’évoquent parlent-ils tous de la même chose ?
PED: Ce qui me frappe, c’est que beaucoup de secrétaires généraux sont arrivés à la tête de l’ONU avec la volonté de réformer. C’était le cas de Boutros Boutros Ghali qui est parti à la conquête des Nations unies en disant «je vais tout réformer». Il avait même fait appel à un Américain pour réformer l’administration. Mais à la longue, il s’était mis tout le monde à dos et les États-membres avaient freiné sa volonté de réforme alors qu’il avait été nommé pour cela. Il y a un double langage des États par rapport à la réforme des Nations unies: ils disent la vouloir, mais on a l’impression qu’en réalité ils ne la souhaitent pas par ce que, confusément, ils semblent ne pas vouloir d’une ONU efficace et ils s’accommodent d’un statu quo qui permet de faire de l’ONU un bouc émissaire quand les choses ne vont pas.
RFI: en dehors de quelques néo-conservateurs ou fermiers du Middle West aux États-Unis, l’ONU a-t-elle vraiment des adversaires acharnés à obtenir sa disparition ?
PED: Un ancien maire de New York, Edward Koch, voulait en son temps bouter hors de New York les Nations unies, qui, entre parenthèses, sont un territoire international. Il y a encore aux États-Unis des gens pour voir l’ONU comme une organisation tiers-mondiste qui menace la sécurité et le mode de vie américains. Il y a même une petite ville qui interdit l’accès de son territoire aux membres de l’Onu! Ce sont les pays riches qui sont les plus sévères à l’égard des Nations unies. En revanche, pour les pays du Sud, qui constituent la majorité des États-membres, l’ONU est perçue comme leur avocat. Tous les secrétaires généraux de l’ONU disent que celle-ci est faite pour les pays du tiers-monde, notamment l’Afrique. Il faut cependant noter que parmi les pays riches, certains se font les ardents défenseurs des Nations unies: les pays scandinaves, notamment la Norvège et la Suède.
par Propos recueillis par Olivier Da Lage
Article publié le 19/09/2003