Nations unies
L'Onu somme Bagdad de se désarmer
Au terme de huit semaines de débat marathon, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté un projet de résolution américano-britannique destiné à forcer l'Irak à se désarmer. Le régime de Saddam Hussein devra accepter des inspections particulièrement musclées, au risque de subir de «sérieuses conséquences». Dimanche 10 novembre, Bagdad semblait avoir accepté la résolution 1441 de l'Onu concernant le désarmement estimant que le nouveau texte a mis en échec un complot américain pour attaquer l'Irak.
De notre correspondant aux Nations unies
Le suspens a duré jusqu'à la dernière minute. Mais à l'heure du vote, les quinze membres du Conseil de sécurité ont levé la main, dans une parfaite unanimité, pour adopter le projet de résolution américano-britannique demandant à l'Irak de se désarmer. Même la Syrie est rentrée dans le rang. La résolution 1441 «décide que l'Irak est et demeure en violation patente des obligations» qui lui incombent. Le texte accorde toutefois à Bagdad «une dernière chance de s'acquitter de (ses) obligations en matière de désarmement». Si le régime de Saddam Hussein ne saisit pas cette chance, il s'expose à «de graves conséquences» prévient la résolution.
Contrairement à ce qu'auraient voulu les Etats-Unis, le texte final ne contient plus d'autorisation explicite et automatique de recourir à la force. Sous la pression conjuguée de la France et de la Russie, Washington a accepté de retirer un à un ces «feux verts cachés au recours à la force». Les juristes estiment que certains éléments particulièrement ambigus du texte pourraient être utilisés pour déclencher une attaque contre l'Irak, mais lors du vote, le représentant américain à l'Onu, John Negroponte, a affirmé que le texte américain ne contenait pas d'automaticité du recours à la force. Reste que si les Etats-Unis décident de partir en guerre contre l'Irak, ils le feront, avec ou sans l’aval du Conseil de sécurité de l'Onu. Le président Bush n'a de cesse de le rappeler.
La France s'est réjouie du vote de cette résolution qui consacre selon elle la démarche en deux temps prônée par Paris. «C'est incontestablement un excellent résultat» a déclaré à RFI le représentant de la France à l'Onu Jean-David Levitte. «La France s'est battue pour que les Nations unies puissent jouer tout leur rôle». Si Bagdad refuse de coopérer avec les inspecteurs en désarmement de l'Unmovic, le chef des inspecteurs, Hans Blix, viendra immédiatement en référer au Conseil de sécurité, qui se réunira pour «évaluer» la situation. Ce «deuxième temps» offrira une dernière chance diplomatique avant que les Etats-Unis puissent déclencher une attaque. Mais en aucun cas les Etats-Unis ne s'engagent à demander une deuxième résolution du Conseil de sécurité (ce que voulait la France) avant de déclencher les hostilités. «Si nous sommes divisés, les Etats-Unis tireront les conséquences de la paralysie du Conseil de sécurité» admet Jean-David Lévitte, mais «si l'Irak viole réellement ses engagements, je pense que le Conseil de sécurité qui était uni aujourd'hui restera uni au moment de décider des conséquences» ajoute-t-il.
Le compte à rebours commence
Au bout du compte, cette résolution est un vrai texte de compromis. Beaucoup de chemin a été parcouru par les deux camps. Les Etats-Unis ont renoncé à une autorisation explicite de recourir à la force et à des escortes armées pour accompagner les inspecteurs. Les Français ont renoncé à instituer une démarche en deux résolutions et ils ont accepté de durcir plus qu'ils ne l'auraient voulu le régime d'inspection. Le Conseil de sécurité de l'Onu reste dans le jeu et les Etats-Unis préservent une apparence de multilatéralisme. Le nouveau régime d'inspection institué par la résolution 1441 est toutefois beaucoup plus dur que les précédents. Les inspecteurs de l'Unmovic ont désormais un accès illimité à l'ensemble du territoire irakien. Par le passé, ils devaient respecter des délais dits de courtoisie, avant d'inspecter certains sites sensibles, comme les palais présidentiels de Saddam Hussein. Ces restrictions ont été levées. L'Unmovic a maintenant le pouvoir de «geler» les sites inspectés, en y interdisant toute circulation. L'objectif est d'empêcher les Irakiens d'évacuer des équipements compromettants par la porte de derrière, quand l'Unmovic sonne à l'entrée.
Les inspecteurs peuvent aussi demander à l'Irak les noms de toutes les personnes qui travaillent en lien avec des programmes d'armement. Si certaines de ces personnes sont prêtes à coopérer, les inspecteurs pourront les évacuer d'Irak, avec leurs familles, pour les protéger des représailles du régime. Le chef des inspecteurs de l'Onu, Hans Blix, est également doté d'un pouvoir considérable. Au moindre faux pas de l'Irak, il peut rendre compte au Conseil de sécurité qui se réunira immédiatement pour évaluer la situation. A partir de là, Washington sera libre de passer à l'action. Dans tous les cas, il sera beaucoup plus dur pour le régime irakien de jouer au chat et à la souris avec les inspecteurs.
La balle est maintenant dans le camp de Saddam Hussein, pour qui le compte à rebours a commencé à la minute où la résolution a été adoptée. Le texte donne sept jours, à Bagdad, pour confirmer son intention de coopérer. A compter d'aujourd'hui, l'Irak a exactement trente jours, pour remettre un rapport complet sur tous ses programmes d'armements biologiques, chimiques et nucléaires. Il devra inclure toutes les activités en lien avec l'industrie pétrochimique irakienne, ce qui est une tâche colossale, pour ne pas dire impossible. Dès maintenant, les inspecteurs de l'Onu doivent se préparer à partir. Les premières équipes de reconnaissance devraient arriver à Bagdad en moins de dix jours. Elles auront pour mission de mettre en place l'infrastructure : les hélicoptères, les avions, les voitures, les radios...etc. Elles devront également réintégrer les bâtiments de l'Onu, évacués en catastrophe en 1998. Quelle que soit la durée de cette période d'installation, les premières inspections de sites irakiens devront commencer d'ici 45 jours. A partir de là, les inspecteurs auront 60 jours supplémentaires pour rendre un rapport d'étape au Conseil de sécurité, avant fin février si tout va bien. Mais si au cours du processus, l'Irak commet le moindre faux pas, les Etats-Unis pourront saisir l'occasion pour déclencher les hostilités.
Ecouter aussi:
Reportage de Nicolas Hénin à Bagdad après l’annonce du vote de la résolution à l’ONU (9 novembre 2002, 1’20").
Interview du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin (TF1, 8 novembre 2002, 1’20").
Le suspens a duré jusqu'à la dernière minute. Mais à l'heure du vote, les quinze membres du Conseil de sécurité ont levé la main, dans une parfaite unanimité, pour adopter le projet de résolution américano-britannique demandant à l'Irak de se désarmer. Même la Syrie est rentrée dans le rang. La résolution 1441 «décide que l'Irak est et demeure en violation patente des obligations» qui lui incombent. Le texte accorde toutefois à Bagdad «une dernière chance de s'acquitter de (ses) obligations en matière de désarmement». Si le régime de Saddam Hussein ne saisit pas cette chance, il s'expose à «de graves conséquences» prévient la résolution.
Contrairement à ce qu'auraient voulu les Etats-Unis, le texte final ne contient plus d'autorisation explicite et automatique de recourir à la force. Sous la pression conjuguée de la France et de la Russie, Washington a accepté de retirer un à un ces «feux verts cachés au recours à la force». Les juristes estiment que certains éléments particulièrement ambigus du texte pourraient être utilisés pour déclencher une attaque contre l'Irak, mais lors du vote, le représentant américain à l'Onu, John Negroponte, a affirmé que le texte américain ne contenait pas d'automaticité du recours à la force. Reste que si les Etats-Unis décident de partir en guerre contre l'Irak, ils le feront, avec ou sans l’aval du Conseil de sécurité de l'Onu. Le président Bush n'a de cesse de le rappeler.
La France s'est réjouie du vote de cette résolution qui consacre selon elle la démarche en deux temps prônée par Paris. «C'est incontestablement un excellent résultat» a déclaré à RFI le représentant de la France à l'Onu Jean-David Levitte. «La France s'est battue pour que les Nations unies puissent jouer tout leur rôle». Si Bagdad refuse de coopérer avec les inspecteurs en désarmement de l'Unmovic, le chef des inspecteurs, Hans Blix, viendra immédiatement en référer au Conseil de sécurité, qui se réunira pour «évaluer» la situation. Ce «deuxième temps» offrira une dernière chance diplomatique avant que les Etats-Unis puissent déclencher une attaque. Mais en aucun cas les Etats-Unis ne s'engagent à demander une deuxième résolution du Conseil de sécurité (ce que voulait la France) avant de déclencher les hostilités. «Si nous sommes divisés, les Etats-Unis tireront les conséquences de la paralysie du Conseil de sécurité» admet Jean-David Lévitte, mais «si l'Irak viole réellement ses engagements, je pense que le Conseil de sécurité qui était uni aujourd'hui restera uni au moment de décider des conséquences» ajoute-t-il.
Le compte à rebours commence
Au bout du compte, cette résolution est un vrai texte de compromis. Beaucoup de chemin a été parcouru par les deux camps. Les Etats-Unis ont renoncé à une autorisation explicite de recourir à la force et à des escortes armées pour accompagner les inspecteurs. Les Français ont renoncé à instituer une démarche en deux résolutions et ils ont accepté de durcir plus qu'ils ne l'auraient voulu le régime d'inspection. Le Conseil de sécurité de l'Onu reste dans le jeu et les Etats-Unis préservent une apparence de multilatéralisme. Le nouveau régime d'inspection institué par la résolution 1441 est toutefois beaucoup plus dur que les précédents. Les inspecteurs de l'Unmovic ont désormais un accès illimité à l'ensemble du territoire irakien. Par le passé, ils devaient respecter des délais dits de courtoisie, avant d'inspecter certains sites sensibles, comme les palais présidentiels de Saddam Hussein. Ces restrictions ont été levées. L'Unmovic a maintenant le pouvoir de «geler» les sites inspectés, en y interdisant toute circulation. L'objectif est d'empêcher les Irakiens d'évacuer des équipements compromettants par la porte de derrière, quand l'Unmovic sonne à l'entrée.
Les inspecteurs peuvent aussi demander à l'Irak les noms de toutes les personnes qui travaillent en lien avec des programmes d'armement. Si certaines de ces personnes sont prêtes à coopérer, les inspecteurs pourront les évacuer d'Irak, avec leurs familles, pour les protéger des représailles du régime. Le chef des inspecteurs de l'Onu, Hans Blix, est également doté d'un pouvoir considérable. Au moindre faux pas de l'Irak, il peut rendre compte au Conseil de sécurité qui se réunira immédiatement pour évaluer la situation. A partir de là, Washington sera libre de passer à l'action. Dans tous les cas, il sera beaucoup plus dur pour le régime irakien de jouer au chat et à la souris avec les inspecteurs.
La balle est maintenant dans le camp de Saddam Hussein, pour qui le compte à rebours a commencé à la minute où la résolution a été adoptée. Le texte donne sept jours, à Bagdad, pour confirmer son intention de coopérer. A compter d'aujourd'hui, l'Irak a exactement trente jours, pour remettre un rapport complet sur tous ses programmes d'armements biologiques, chimiques et nucléaires. Il devra inclure toutes les activités en lien avec l'industrie pétrochimique irakienne, ce qui est une tâche colossale, pour ne pas dire impossible. Dès maintenant, les inspecteurs de l'Onu doivent se préparer à partir. Les premières équipes de reconnaissance devraient arriver à Bagdad en moins de dix jours. Elles auront pour mission de mettre en place l'infrastructure : les hélicoptères, les avions, les voitures, les radios...etc. Elles devront également réintégrer les bâtiments de l'Onu, évacués en catastrophe en 1998. Quelle que soit la durée de cette période d'installation, les premières inspections de sites irakiens devront commencer d'ici 45 jours. A partir de là, les inspecteurs auront 60 jours supplémentaires pour rendre un rapport d'étape au Conseil de sécurité, avant fin février si tout va bien. Mais si au cours du processus, l'Irak commet le moindre faux pas, les Etats-Unis pourront saisir l'occasion pour déclencher les hostilités.
Ecouter aussi:
Reportage de Nicolas Hénin à Bagdad après l’annonce du vote de la résolution à l’ONU (9 novembre 2002, 1’20").
Interview du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin (TF1, 8 novembre 2002, 1’20").
par Philippe Bolopion
Article publié le 10/11/2002