Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Centrafrique

Les repêchés de la présidentielle

Jean-Paul Ngoupandé (à gauche) et Martin Ziguélé rejettent le repêchage du président de la République en signant un texte commun avec les cinq autres candidats repoussés par la Cour constitutionnelle.(Photos : RFI et AFP)
Jean-Paul Ngoupandé (à gauche) et Martin Ziguélé rejettent le repêchage du président de la République en signant un texte commun avec les cinq autres candidats repoussés par la Cour constitutionnelle.
(Photos : RFI et AFP)
Le président François Bozizé, candidat à sa propre succession, repêche trois candidatures rejetées par la Cour constitutionnelle. Il coupe court à la contestation naissante pour éviter à son pays une autre crise politique majeure.

C’est à la radio nationale que le président François Bozizé s’est exprimé le 4 janvier pour donner son avis sur la polémique qui secoue l’opinion nationale centrafricaine et internationale au sujet de l’élection présidentielle du 13 février prochain. Il a pris la décision d’infirmer les arrêts de la plus haute juridiction de son pays en autorisant les candidatures de deux anciens Premiers ministres, Martin Ziguélé et Jean-Paul Ngoupandé et d’un ancien ministre, Charles Massi. « Les candidatures des personnalités dont les pièces sont litigieuses peuvent bénéficier d’une indulgence et doivent être retenues », affirme le président de la République. En revanche, « j’estime que les candidatures des personnalités qui font l’objet de poursuites judiciaires, pour crimes de sang et crimes économiques doivent être définitivement rejetées », a-t-il conclu dans un exercice d’appréciation des décisions de la Cour constitutionnelle. 

Comme un enseignant relisant la copie d’un élève, il a énoncé ses corrections en approuvant par ailleurs « le rejet des dossiers dont la caution n’a pas été payée ». Le rejet de ces dossiers « doit être confirmé », dit-il comme si, une instance autre que le président de la République avait un pouvoir de recours. Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne font l’objet d’aucun recours, c’est aussi pourquoi les leaders des partis politiques ont réclamé au président de la République la dissolution pure et simple de cette institution, quitte à la renouveler en « nommant des magistrats intègres ».

François Bozizé n’a pas accédé à cette demande, mais s’est substitué à cette juridiction en se fondant sur ses prérogatives de premier magistrat du pays, de garant de l’unité nationale, de la continuité et de la pérennité de l’Etat. Le souci de « préserver la paix et l’intérêt supérieur de la nation », a-t-il affirmé ont participé à sa la décision de contredire et de rejeter en partie les mesures de la cour constitutionnelle. Mais il faut mettre dans la balance le souci de ménager les partenaires qui  soutiennent le processus électoral. En effet, de nombreuses chancelleries ont exprimé leurs regrets et inquiétudes en évoquant des ressemblances avec la Côte d’Ivoire. François Bozizé a alors vite réagi pour ne pas se couper des fonds à venir des pays riches (européens) qui soutiennent le processus électoral en République centrafricaine.

Crise politique

Le comité des recalés a très rapidement mobilisé une opinion internationale contre la décision qui les exclut de la compétition électorale. En réclamant « l’annulation de la décision de la cour et sa dissolution », le comité des recalés a trouvé un appui important auprès du Conseil national de transition (CNT, parlement) présidé par Nicolas Tiangaye. La réaction du président de la Cour constitutionnelle, Marcel Malonga, a été immédiate et menée sur le terrain juridique. « Il n’existe aucune disposition de la loi qui autorise cette institution (CNT) à apprécier la compétence des membres d’une autre institution de transition », a-t-il précisé en regrettant par ailleurs « la tentative des candidats déçus d’obtenir dans la rue et par la violence, ce qu’ils n’ont obtenu par voie de justice ». Il a conclu son intervention à la radio nationale le 3 janvier en confirmant la décision de la cour de ne retenir que cinq candidatures.

Cette fermeté n’autorisait plus la cour à « s’auto-saisir » des dossiers qui font débat, ses arrêts ne souffrent d’aucun recours. La sortie de crise ne pouvait donc venir que du président de la République qui, en ménageant ses dévoués, ôte toute autorité à l’institution qu’ils incarnent. François Bozizé en prenant la décision de contredire la Cour constitutionnelle et d’imposer son arbitrage cherche avant tout à éviter des troubles sociaux, mais déjà la crise politique se profile à l’horizon. Dans un communiqué commun, les « recalés » ou leurs représentants rejettent le repêchage du président de la République et continuent d’exiger l’annulation de la décision qui les frappe et la dissolution de la Cour constitutionnelle et la validation de toutes les candidatures agréées par la Commission électorale mixte indépendante (CEMI). Ils appellent également leurs militants à un rassemblement le 8 janvier, la première assemblée prévue le 5 janvier ayant été interdite par les autorités. Par ailleurs, selon le même comité des recalés,  le document de mise en disponibilité du général François Bozizé, militaire d’active, et qui l’autorise à participer à l’élection présidentielle ne serait arrivé à la Cour constitutionnelle que le 1er janvier, alors que la clôture des dossiers était fixée au 16 décembre 2004.  Pour le comité, la raison est suffisante pour réclamer l’invalidation de la candidature du président sortant François Bozizé.


par Didier  Samson

Article publié le 05/01/2005 Dernière mise à jour le 05/01/2005 à 17:09 TU