Centrafrique
Bozizé recrute dans sa mouvance présidentielle
(Photo : AFP)
Les électeurs centrafricains seront appelés aux urnes le 13 février 2005 pour choisir en même temps un président de la République et des députés. Initialement prévus pour le 30 janvier prochain, ces scrutins ont été reportés le 13 décembre dernier par un décret de François Bozizé. Ce faisant, pour les législatives, il a reporté la date limite du dépôt des candidatures du 15 au 23 décembre 2004. La campagne électorale s’ouvrira donc «le lundi 31 janvier à 6h00 pour finir le vendredi 11 février à minuit». La Commission électorale mixte indépendante (Cémi) a justifié ce délai par la nécessité de corriger des irrégularités concernant les listes et les cartes électorales. Rien de nature à entamer la confiance du général Bozizé qui sonne la fin de sa «transition». Il l’a gérée étroitement depuis son coup d’Etat. Son décret du 13 décembre ne prévoit rien pour le deuxième tour de la joute présidentielle.
Bozize candidat «après mure réflexion»
«Après avoir mesuré le chemin parcouru et évalué ce qui reste à faire, le moment est venu de vous confier la décision que j'ai arrêtée après mûre réflexion», argumentait le général-président, le 11 décembre, en annonçant sa candidature à la magistrature suprême, «en tant que candidat du peuple tout entier». Chacun avait en effet compris qu’il ne serait le candidat ni «d'une faction, ni d'un parti politique», tant il a taillé la transition à sa propre mesure, de son putsch militaire au nouvel ordre constitutionnel. Il en attend visiblement une légitimité plus civile. A 58 ans, d’écoles militaires en coups d’Etat, prison, exil et retour en fanfare, ce fils de gendarme gbaya aura servi ou desservi feu l’empereur Jean-Bédel Bokassa ou le président André Kolingba et tenté sa chance une première fois aux urnes contre Ange-Félix Patassé, dont il a aussi été en 1996 le chef d'état-major. Les deux derniers s’incrustent dans la course présidentielle. Mais la dernière décennie, a vu des nouveaux venus se hisser sur l’avant scène politique centrafricaine.
«Je suis venu sauver le peuple centrafricain. Ma mission s'arrête là», déclarait le putschiste Bozizé en mars 2003. Nul doute aujourd’hui que le peuple centrafricain reste à sauver de la misère et de l’insécurité provoquée aussi bien par les partisans que par les adversaires du tombeur de Patassé. Si l’arbitrage militaire de François Bozizé n’a rien amélioré dans l’âpre quotidien des Centrafricains, le général-président est toutefois parvenu à poser les jalons utiles à la poursuite de sa course politique. A la présidentielle, il pourra sans doute compter sur quelques lièvres de son choix, face à la concurrence des éventuels historiques, Kolingba ou Patassé, ou pour contrer un adversaire d’audience internationale comme l'ancien Premier ministre et essayiste Jean-Paul Ngoupandé.
Après avoir accepté de jouer les seconds de Bozizé, comme vice-président, le socialiste Abel Goumba, par exemple, veut retenter sa chance, à 78 ans, à la tête du Front patriotique pour le progrès (FPP). Eternel opposant depuis son éphémère intérim (un mois) à la mort en 1959 du père de l'indépendance Barthélémy Boganda, le professeur Goumba reste sans doute très respecté. Mais si elle n’a pas sauvé Patasse de la banqueroute politique, son opération «Mains propres» s’est rapidement noyée au début de la décennie dans la stratégie dite de consensus, c’est-à-dire de récupération, du général Bozizé. Après l’avoir toléré en poupe de la barque gouvernementale, ce dernier lui a taillé dans ses dépendances un poste sur mesure, comme vice-président.
Quinze candidatures à valider
Jeudi soir, quinze candidats à la magistrature suprême avaient déposé leur dossier à la Cémi. Parmi eux, d’autres candidats aussi «indépendants» que Bozizé, comme l’ancien ministre Martin Ziguélé et même Jean-Jacques Demafouth qui sera jugé par contumace fin décembre à Bangui pour tentative de coup d’Etat. Dans le peloton des anciens ministres ou des ex-chefs de gouvernement, s’inscrivent par exemple Charles Massi, qui est également 2ème vice-président du Conseil national de transition, mais aussi l’actuel directeur national de la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC), Enoch Dérant-Lakoué, ou encore l'ancien maire de Bangui, Joseph Bendounga, ainsi que le directeur commercial de la Société centrafricaine des télécommunications (Socatel), Fidèle Gouandjika. Un avocat, Henri Pouzère et un pasteur, Josué Binoua, sont aussi de la partie.
La Cour constitutionnelle de transition va trancher, après avoir passé au peigne fin les dossiers des candidats à la présidentielle. Ceux qui seraient recalés auront peut être la possibilité de rabattre leurs ambitions sur un siège de député. En la matière, Bozizé recrute aujourd’hui encore dans les partis, les associations et autres comités de soutien à sa mouvance présidentielle. «Nous avons plus d'une centaine de candidats indépendants qui sont inscrits sur nos listes et s'il y en a d'autres qui veulent venir, nous allons discuter ensemble pour bâtir notre action», dit-il.
par Monique Mas
Article publié le 17/12/2004 Dernière mise à jour le 17/12/2004 à 15:34 TU