Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Centrafrique

Au-delà du dialogue, les présidentielles

Le général-président François Bozizé ne voulait surtout pas d’une «conférence nationale souveraine». Déjà programmé par son prédécesseur, Ange-Félix Patassé, le «Dialogue national» aura été effectivement aussi consensuel que possible, avec la litanie des pardons au peuple centrafricain et le catalogue des maux dont il souffre. Quarante jours durant, les 350 délégués ont planché dans quatre commissions de travail (vérité et réconciliation, politique et diplomatie, défense et sécurité, éducation et affaires socio-culturelles). Ils se sont séparés au soir du 27 octobre sur une déclaration en dix points. Celle-ci préconise le dialogue, la paix, la sécurité et autres très classiques commandements de bonne gouvernance. Ces principes pourraient se concrétiser au moins par un remaniement ministériel mais aussi par la préparation d’élections générales «crédibles» en 2004-2005, une échéance cruciale pour le président Bozizé qui sera candidat.
Le dialogue national a identifié la mauvaise gouvernance comme la mère de tous les maux qui ont affligé la Centrafrique de crises politico-militaires à répétition, tout au long de ses quatre premières décennies d’indépendance. En guise de remède, les artisans du dialogue recommandent en particulier au gouvernement de transition de refléter, au mieux et au plus vite, le plus large spectre politique. Dans cette perspective, somme toute assez simple à réaliser, le Premier ministre Abel Goumba devrait donc assez rapidement procéder à un remaniement gouvernemental. La commission politique et démocratie a, pour sa part, suggéré un calendrier électoral programmant des municipales avant les législatives et les présidentielles dans la seconde moitié de 2004, mais aussi une révision de la constitution organisant un nouveau partage des pouvoirs entre le président et le Premier ministre. Outre des efforts anti-corruption, la commission économique préconise la modernisation de l'agriculture dont dépend la majeure partie des Centrafricains. Une Commission vérité et réconciliation pourrait poursuivre le dialogue, sur le modèle sud-africain. Enfin, toutes ces bonnes résolutions de principe supposent le rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Aucune d’entre elles n’est contraire aux aspirations du général Bozizé qui entend se voir confirmer à la présidence de la République, par les urnes cette fois.

Venus, en voisins et alliés, donner quelque lustre solennel à la clôture de «son» dialogue national, les présidents Omar Bongo et Denis Sassou Nguesso ont renchéri sur l’importance de la bonne gouvernance, désormais au menu centrafricain comme garante de la paix, de la sécurité et, par voie de conséquence, de la prospérité économique. «Nos pays ont souvent marqué le pas, davantage à cause des crises politiques que des crises économiques», a déclaré le président gabonais, en concluant: «Il faut donc savoir en finir à un moment ou un autre avec les crises politiques et les ravages qu’elles causent». Un clin d’œil, peut-être, à son pair congolais, lui-même tombeur en son temps du président Lissouba. Une remarque qui confirme en tout cas la position de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac). Elle avait très rapidement changé son fusil d’épaule le 15 mars 2003, au profit de François Bozizé à peine installé à Bangui.

Calendrier électoral et référendum constitutionnel

Répondant à RFI, Omar Bongo renvoie Ange-Félix Patassé à ses anciennes amours agronomiques. Il estime avoir la conscience tranquille à son égard. D’ailleurs, il lui avait déjà versé cent millions de francs CFA (150 000 euros) en novembre 2002 lorsque le président déchu avait pris l’initiative du forum de concertation, finalement tenu sous Bozizé. Au total, avec la République populaire de Chine, le Gabon aura été l’un des deux principaux contributeurs du dialogue national qui a coûté quelque 350 000 euros. Omar Bongo a d’autre part multiplié les efforts de médiation et reste donc dans son rôle de parrain de la Centrafrique lorsqu’au micro de RFI, il juge impertinente et saumâtre toute remise en question de la candidature de Bozizé aux présidentielles. Le général Bozizé ne cache pas qu’il attend légitimation de ces élections. La date du scrutin n’est pas encore fixée. Mais elle lui appartient, comme lui appartient en fin de compte la transition dont il a programmé le terme en janvier 2005. Pour leur part, les délégués de la commission chargée de réfléchir au calendrier électoral recommandent de tenir en saison sèche et dans l’ordre : les municipales, les législatives et les présidentielles. Ils suggèrent que le code électoral soit révisé entre novembre 2003 et janvier 2004, les électeurs recensés entre décembre 2003 et avril 2004 et une nouvelle constitution rédigée à partir de novembre 2003. Selon cet agenda, un référendum constitutionnel pourrait être envisagé autour de septembre 2004 et des élections générales entre novembre 2004 et avril 2005.

Le président Bozizé a bien précisé qu’il s’efforcerait d’appliquer les recommandations du dialogue national «sous les formes appropriées prévues par les lois de la République». Le «Comité de suivi des actes du dialogue national (CSADN), qui sera mis en place, contrôlera leur exécution», explique le chef de l’Etat. Mais au préalable, le Conseil national de transition (CNT) devra étudier ces propositions et, conformément à sa mission première, «assister le président de la République dans sa fonction législative» et le gouvernement dans la rédaction du projet de constitution. C’est aussi le CNT qui sera chargé de préparer les scrutins à venir. Créé au lendemain du coup d’Etat et de la dissolution de l’Assemblée nationale, il est acquis au général Bozizé qui vient de proroger sa «session extraordinaire» jusqu’au 7 novembre prochain, pour lui donner le temps justement d’examiner les recommandations du dialogue national, à commencer par celles qui concernent le programme politique du gouvernement et un projet d’ordonnance réprimant la détention et l’usage illégaux d’armes de guerre.

En vigueur depuis sept longs mois, le couvre-feu a été levé ce 25 octobre, par décret présidentiel. Quelques jours plus tôt, Paris avait annoncé une aide d’urgence de 700 millions de francs CFA (un peu plus d’un million d’euros) pour aider Bangui à payer les salaires de ses fonctionnaires. Cette modeste enveloppe est quand même «extraordinaire» -selon le mot de l’ambassadeur de France à Bangui- puisqu’elle intervient en dehors du Fonds monétaire international (FMI), qui continue de bouder les convulsions centrafricaines. Cette aide bienvenue peut contribuer à apaiser quelque peu les anciens combattants du général Bozizé. Ces derniers temps, ils ont multiplié les sit-in menaçants à la sortie nord de la capitale, exigeant d’être payés. Un espoir de retour sur investissement qui agace l’ambassadeur français. «Ils ne faut pas qu’ils s’imaginent que parce qu’ils ont contribué, ils doivent tirer des bénéfices éternels de leur combat», avertit le diplomate. Mais sans doute certains d’entre eux trouveront-ils quand même une place dans la future armée nationale pour laquelle Paris s’est déjà engagé à financer l’équipement et la formation de trois bataillons, d’ici fin 2004.

François Bozizé se réjouit de la coopération de Paris. Il espère plus largement le concours de l’Union européenne, dans le cadre de son programme de micro-projets en milieu rural l’année prochaine notamment. Enfin, outre Pékin, entré en Centrafrique par la porte du dialogue national, le chef de l’Etat croit pouvoir compter, au plan bilatéral, sur l’appui des Etats-Unis, du Japon et de l’Allemagne. Quant aux quelque 3,7 millions de citoyens centrafricains, ils veulent espérer de véritables changements dans leur vie quotidienne. En la matière, la Commission vérité et réconciliation est remontée jusqu’au père de l’indépendance, Barthélémy Boganda, pour fustiger tour à tour ses successeurs. Elle les juge coupables d’avoir trahi ses idéaux au profit d’une «absence de programme politique et une gestion clanique de la chose publique. Ce qui se traduit par une volonté affichée de ne pas rendre compte au peuple» et reproche prudemment au général Bozizé une «prise du pouvoir mal gérée, occasionnant ainsi de nombreuses pertes en vies humaines, des destructions des biens meubles et immeubles publics et privés aussi bien à Bangui qu'à l'intérieur du pays, de graves manquements aux droits de l'Homme. Il est par ailleurs noté dans l'exercice du pouvoir: un déséquilibre géopolitique, une fragilisation du consensus au niveau de l'exécutif». Dont acte, à suivre par le comité ad hoc, le CSADN, qui, à l’instar du dialogue national, sera sans doute présidé par le pasteur Isaac Zokoué.



par Monique  Mas

Article publié le 29/10/2003