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Centrafrique

Bozizé porte plainte contre Patassé

Un mandat d’arrêt international vient d’être lancé à Bangui contre l’ancien président. Ange-Félix Patassé est poursuivi notamment pour «assassinats» et «détournement de fonds publics». Quasi-simultanément était publié le décret fixant les dates du dialogue national. Il aura lieu début septembre.
Après la plainte déposée devant la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes de guerre», la situation de l’ancien chef d’Etat centrafricain vient de se détériorer un peu plus avec l’annonce de la justice de son pays de lancer contre lui un mandat d’arrêt international. Le procureur de Bangui a précisé que M. Patassé est poursuivi pour «assassinats, viols, coups et blessures, intelligence avec une puissance étrangère et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat», ainsi que pour «détournement de deniers publics» estimés «provisoirement à 70 milliards de francs CFA», selon le magistrat. Le gouvernement a également annoncé son intention de «saisir la CPI d’une plainte contre tous ceux qui ont été à l’origine des atrocités et exactions commises contre le peuple centrafricain», a publiquement déclaré le ministre de la Justice, Faustin M’Bodou.

Ange-Félix Patassé vit en exil au Togo depuis son renversement, le 15 mars, par son ancien chef d’état-major entré en rébellion, le général François Bozizé. Depuis cette date, ce dernier s’est installé à la tête d’un gouvernement de transition et tente de rompre avec le climat d’instabilité chronique dont souffre la République centrafricaine qui, depuis 1996, a connu trois mutineries et sort exsangue d’une longue et épouvantable guerre civile aux nombreuses implications étrangères (tchadienne et congolaise). Le général Bozizé travaille notamment à réhabiliter le processus de réconciliation nationale que son prédécesseur avait initié, sous la pression de la communauté internationale et des bailleurs de fonds, en décembre 2002. Le projet, qui prévoit de réunir l’ensemble des forces politiques centrafricaines afin de dégager une position de consensus sur l’avenir politique de la RCA, prend forme. Le nouveau chef de l’Etat vient de fixer les dates du dialogue national. Il «se déroulera du 11 au 20 septembre. Les participants, dont le nombre ne saurait être supérieur à 350, sont désignés et convoqués par le comité préparatoire», indique le décret présidentiel.

Mais à l’évidence le nouvel exécutif ne souhaite pas la participation du président déchu à cette nouvelle «Conf’nat». Ni le législatif, d’ailleurs : l’organe législatif provisoire, le Conseil national de Transition (CNT) mis en place après la dissolution de l’assemblée nationale au lendemain de la prise du pouvoir par François Bozizé, a estimé que la participation d’Ange-Félix Patassé au dialogue national n’était pas judicieuse en raison des charges qui pèsent contre lui, contrairement à celle de l’ancien président André Kolingba bénéficiaire, lui, d’une loi d’amnistie adoptée le 23 avril.

«Minables»

«Il est de notoriété publique que le président Patassé fait l’objet d’une plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) pour ‘crimes de guerre’, et de ce fait, rien ne peut être envisagé en ce qui le concerne avant l’issue de cette procédure», a indiqué début août le président du CNT, président également de la ligue centrafricaine des droits de l’Homme, l’avocat Nicolas Tiangaye. M. Patassé est en effet accusé de crimes de guerre et contre l’humanité pour les exactions commises par ses troupes et les alliés auxquels il a fait appel (notamment le Congolais Jean-Pierre Bemba) lors des dernières batailles livrées pour protéger son régime, peu avant sa chute.

«C’est une fuite en avant qui obéit à des calculs politiciens minables afin d’empêcher le président Patassé de rentrer au pays et prennent des dispositions pour l’en empêcher», a déclaré à l’AFP le porte-parole du président déchu à l’annonce de la nouvelle. Selon Prosper N’Douba, qui a fait part de la surprise de l’ex-chef d’Etat, les nouvelles autorités centrafricaines «ont peur que M. Patassé ne revienne au pays et prennent des dispositions pour l’en empêcher». Il ajoute que «c’est un acte illégal puisque ceux qui l’ont émis ne sont pas dépositaires de la légitimité et de la confiance du peuple centrafricain». De fait, quel que fut le climat d’affairisme, de corruption et de brutalité qui marqua sa présidence, cet ancien chef de l’Etat chassé par les armes était bien arrivé là par les urnes.



par Georges  Abou

Article publié le 27/08/2003