Afghanistan
Les chasseurs de mines de l’Isaf
(Photo : Fabrice Revault/RFI)
De notre correspondant à Kaboul
«Ces tubes, juste à vos pieds, ce sont des propulseurs de roquettes. Un peu plus loin, vous avez des roquettes intactes, prêtes à l’emploi, des obus, des missiles et des boîtes de cartouches. C’est le legs de vingt-cinq ans de guerre. Ces munitions viennent de Russie, de Chine, du Pakistan, d’Iran ou d’ex-Yougoslavie. On retrouve même, évidemment beaucoup plus rarement, des munitions issues de la guerre contre les Britanniques, à la fin du XIXe siècle», décrit le capitaine Ralph Briend, chef du détachement du génie du bataillon français en mission en Afghanistan.
«Sur plusieurs kilomètres, à quelques encablures de l’aéroport international, on trouve des dizaines de dépôts sauvages comme celui-là. Souvent au milieu des habitations. Les Afghans vivent avec ce danger permanent à leur porte. Surtout les enfants. Les miliciens ont bien essayé de placer du grillage, mais les gens passent à travers. Certains d’entre eux se servent sûrement. C’est pour çà que nous dépolluons ces sites : nous trions les munitions dont peuvent encore se servir les soldats et détruisons le reste. Nous sommes là pour débarrasser Kaboul de ces zones extrêmement polluées», complète le capitaine, en marchant au milieu de caisses éventrées qui contiennent de petits obus prêts à l’emploi.
«Il faudra dix ans pour assainir les principaux sites»
En Afghanistan, la guerre est officiellement terminée. Un mission de paix, sous mandat des Nations unies, participe à la reconstruction du pays. Le spectre des combats, encore très présent, disparaît lentement. Pourtant, chaque mois, plus de cent-cinquante personnes sont grièvement blessées ou tuées par des mines ou des munitions non-explosées demeurées sur place. 92% d’entre elles sont des civils. Le conflit a laissé dans son sillage des engins dévastateurs, probablement plusieurs millions. L’Afghanistan est l’un des cinq pays les plus pollués au monde. Entre 75% et 100% des habitations de Hérat, Mazar-e-Charif et Kaboul, trois des principales villes, se trouvent à moins de cinq kilomètres d’un champ de mines ou d’un dépôt sauvage de munitions.
«Il faudra dix ans pour assainir les principaux sites, c’est à dire les abords des villages et des villes et les terres arables», confie un expert de l’Onu. «Si toutefois la guerre ne reprend pas», ajoute-t-il. Pas faux. Dans ses opérations contre le terrorisme, l’armée américaine a utilisé des bombes de type cluster, qui disséminent autour de la zone d’impact des centaines de mini-bombes qui n’explosent pas toutes. La capitale afghane, mais également la plupart des villes tenues en 2001 par les Taliban, ont reçu de tels engins de mort. «La dépollution avait commencé dès 1989, avec le départ des Soviétiques. Mais la guerre civile, les Taliban et les bombardements américains ont multiplié la présence de munitions non-explosées sur le sol. Elles représentent désormais 60% des accidents», explique le lieutenant Roland Perfetta, membre du génie français, qui supervise ce jour-là la mise en place de près d’une tonne d’engins non-explosés destinés à sauter.
Chaque semaine, les unités spécialisées de l’Isaf, la force internationale de paix en Afghanistan, récupèrent des munitions dans les dépôts à ciel ouvert, mais également dans des caches. Quatorze organisations non-gouvernementales, sous l’égide du Centre d’action contre les mines en Afghanistan, dépolluent également le pays. «On trouve de tout ici, dit encore Roland Perfetta, en montrant un vieux missile rouillé, aux inscriptions en russe et en chinois. Je tombe même parfois sur des engins que je n’ai jamais rencontrés auparavant».
Selon les Nations unies, il y aurait en Afghanistan près de 2 000 km² de terres contaminées par des munitions non-explosées et par des mines. Des terres dispersées au gré des lignes de front, surtout dans le nord et le centre. Lisa (Landmine Impact Survey of Afghanistan), association mandatée par l’Onu, vient de terminer le recensement de tous les terrains pollués connus à ce jour. Avec des estimations précises sur la densité de mines et de munitions non-explosées. Un précieux soutien pour engager les phases les plus urgentes de dépollution, notamment dans les provinces habitées.par Eric de Lavarène
Article publié le 06/01/2005 Dernière mise à jour le 06/01/2005 à 11:16 TU