Croatie
Stipe Mesic réélu à la présidence
(Photo : AFP)
Né en 1934, juriste, Stjepan Mesic a épousé toutes les évolutions de la Croatie au cours des dernières décennies. Jeune cadre du Parti communiste, il devient député au Parlement croate dès 1966, quand le pays faisait partie de la Fédération socialiste de Yougoslavie. En 1971, il se rallie cependant à la contestation nationaliste du «printemps croate», sévèrement réprimée par le pouvoir central. Stipe Mesic est condamné à un an de prison.
En 1991, la Croatie devient indépendante, et Stipe Mesic est l’un des principaux alliés de Franjo Tudjman, le très nationaliste Président de la République. Il a été le dernier président désigné de la Fédération socialiste de Yougoslavie, mais il fut empêché de prendre ses fonctions, alors que l’armée fédérale bombardait déjà la Croatie. À l’époque, Stipe Mesic militait dans les rangs de la Communauté démocratique croate (HDZ), la formation nationaliste du président Franjo Tudjman. Trois ans plus tard, toutefois, dénonçant l’immixtion des forces croates en Bosnie, Stipe Mesic démissionne du HDZ, le parti au pouvoir, et devient vite une figure de référence de l’opposition démocratique, même s’il ne s’est jamais appuyé sur l’appareil d’un parti politique puissant. Il est élu président de la République en janvier 2000, quelques semaines après la mort de Franjo Tudjman.
Stipe Mesic est chez lui partout dans les Balkans et sait trouver les mots justes à Sarajevo comme à Belgrade pour engager tous les pays de la région à tourner la page de la guerre. Le président croate a échangé des excuses avec ses homologues des autres Républiques de l’ancienne Yougoslavie, au grand dam des nationalistes de tous les camps.
Relations tendues avec le Premier ministreStipe Mesic est vite devenu la bête noire de l’extrême droite nationaliste et des milieux d’anciens combattants, mais une large part de l’opinion semble apprécier son rôle de «conscience morale de la nation», rappelant la nécessité de la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye et le besoin pour la Croatie d’assumer tous les aspects de son passé récent, notamment les crimes de guerre commis par les forces régulières ou les milices croates.
Après une parenthèse sociale-démocrate, le HDZ est revenu au pouvoir en novembre 2003. L’ancien parti nationaliste se présente désormais comme une formation de droite européenne et modérée, mais Stipe Mesic entretient des relations parfois tendues avec le Premier ministre Ivo Sanader. À l’automne dernier, un scandale avait ainsi éclaté, les services secrets ayant placé le Président de la République sous surveillance…
L’objectif politique numéro 1 de Stipe Mesic demeure l’intégration européenne de la Croatie, et il ne cesse d’expliquer depuis sa première élection le prix que le pays doit payer pour atteindre cet objectif : réintégration des minorités nationales, notamment des Serbes chassés de Croatie dans les années 1990, pleine coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye. C’est sur ce dernier point que les choses pourraient achopper : l’ouverture des négociations d’adhésion de la Croatie, prévue le 17 mars prochain, demeure suspendue à l’arrestation du général Ante Gotovina, inculpé de crimes de guerre. À l’unisson du gouvernement, Stipe Mesic explique que l’accusé a quitté le territoire croate depuis longtemps. Durant la campagne, le Président avait assuré que «la Croatie est le dernier pays où Ante Gotovina pourrait essayer de se cacher, car ici, tout le monde est intéressé à sa capture».
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 17/01/2005 Dernière mise à jour le 17/01/2005 à 11:09 TU