Elargissement de l’Union européenne
Feu vert pour la Croatie
(Photo AFP)
Ivo Sanader a tout lieu de se réjouir. La décision de Bruxelles représente une grande victoire politique pour le nouveau Premier ministre croate. Vainqueur des élections de novembre dernier, Ivo Sanader a fait de l’intégration européenne son objectif prioritaire. Pour cela, le chef de file de la droite croate a pris des mesures symboliques fortes, en appelant les réfugiés serbes à revenir vivre en Croatie et en s’engageant à garantir les droits des minorités. Le commissaire européen Chris Patten a déclaré que la Croatie satisfaisait les «critères de Copenhague» touchant la démocratisation et les droits des minorités.
À en croire Ivo Sanader, la Communauté démocratique croate (HDZ) rénovée qu’il dirige n’a plus rien à voir avec la formation nationaliste des années 1990, mais serait devenue une force pro-européenne de centre droit. Le fait est qu’Ivo Sanader a réussi à mettre sur la touche la vieille garde nationaliste du parti, lequel a accepté dans les rangs du Parti populaire européenne, l’internationale des formations conservatrices européennes.
La coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye constitue toujours le dossier le plus sensible pour la candidature européenne de la Croatie. Depuis son entrée en fonction, Ivo Sanader a facilité la reddition de huit inculpés croates devant le TPI. «Nous avons consulté la procureure générale Carla del Ponte, qui nous a affirmé que la Croatie coopérait pleinement avec le Tribunal», a expliqué Chris Patten.
Ce satisfecit de La Haye risque d’être fort mal interprété dans les autres pays de la région, notamment en Serbie et en Bosnie-Herzégovine, alors que l’inculpé croate le plus célèbre, le général Ante Gotovina, est toujours en fuite.
Réécriture de l'histoire récente
Les officiers croates qui se sont récemment constitués prisonniers devant le TPI doivent cependant répondre de crimes de guerre contre les civils serbes de Croatie et contre les civils serbes et bosniaques de Bosnie. Les opérations militaires auxquelles ces officiers ont pris part sont qualifiées «d’entreprise criminelle» par le tribunal, alors que le discours officiel de Zagreb parle toujours d’une «guerre de libération». En engageant une pleine coopération avec le TPI, par souci de favoriser la candidature européenne de son pays, le Premier ministre Sanader a donc consciemment ouvert la voie à une réécriture de l’histoire récente de la Croatie.
La Croatie doit désormais s’atteler en priorité à une amélioration des fondamentaux de son économie. Le pays se débat toujours avec une dette extérieure de plus de 20 millions d’euros, mais la Croatie peut compter sur la manne que représente un tourisme en pleine expansion. Le commissaire à l'élargissement Guenter Verheugen a également souligné que la Croatie avait «une économie de marché fonctionnelle» et se trouvait dans une situation économique «beaucoup plus favorable» que la Roumanie et la Bulgarie.
L’avis favorable de la commission européenne doit encore être validé par les chefs d’État et de gouvernement, lors du prochain sommet européen de juin à Bruxelles. Ensuite, une véritable course contre la montre risque de s’engager pour la Croatie, si elle veut intégrer l’Union en même temps que la Roumanie et la Bulgarie, dont l’adhésion est prévue pour 2007. Selon certaines sources, les négociations d’adhésion pourraient être très rapides, et la Croatie avaient entamé les réformes structurelles capables de la rapprocher de l’Union depuis plusieurs années déjà. Le Premier ministre social-démocrate Ivica Racan, battu en novembre dernier, avait officiellement déposé la candidature de son pays en février 2003.
La perspective d’une prochaine adhésion de la Croatie constitue «un message très clair pour les autres pays de la région. Les efforts peuvent payer», a souligné M.
Verheugen. Erhard Busek, le coordinateur du Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est, parle également de «signal encourageant» pour les autres pays des Balkans. La Commission a ainsi proposé en mars d'établir des «partenariats européens» avec la Serbie-Monténégro, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et l'Albanie. La Macédoine a déjà présenté sa candidature le 22 mars. Cependant, aucun calendrier d’adhésion n’a encore été évoqué avec ces pays.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 21/04/2004 Dernière mise à jour le 21/04/2004 à 15:11 TU