Centrafrique
Présidentielle : les recalés rejoignent les repêchés
(Photo : AFP)
Les « recalés » et les « repêchés » de la présidentielle du 13 février 2005, ont multiplié les initiatives tant sur le plan national qu’international pour s’opposer aux décisions de la Cour constitutionnelle jugée « partiale ». Cette dernière n’avait retenu que cinq candidatures sur la quinzaine qui lui avait été soumise. A la vive protestation des leaders politiques le président de la République, François Bozizé, avait alors tenté de calmer le jeu en faisant une intervention à la radio et à la télévision nationale, le 4 janvier, dans laquelle il annonçait solennellement le repêchage de trois autres candidats. Mais loin d’apaiser le débat politique cette initiative a provoqué un tolet d’indignation de la classe politique et de la société civile centrafricaine.
Pourquoi et comment le président de la République peut-il décider, tout seul de contredire la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays sans autre forme de procès et sans conséquences pour les institutions de la République ? L’exercice d’un tel pouvoir, ne démontre-t-il pas que l’appareil judiciaire est aux ordres de l’exécutif ? Dans quelle mesure le président de la République peut-il se substituer aux institutions de la République ? Appartient-il au président de la République de choisir ses adversaires ? Toutes ces questions restées sans réponses ont conforté « recalés » et « repêchés » dans leur intransigeance face au pouvoir. L’échéance électorale qui ponctuera la transition politique d’après le coup d’Etat de mars 2003, déterminera l’avenir politique de la Centrafrique.
Chat échaudé craint l’eau froide
Les partis politiques conscients de créer un précédent avec le risque de jouer, pendant longtemps, les seconds rôles si une opposition ferme n’est pas exercée contre les dérives du pouvoir, ont trouvé un appui auprès de la société civile, auprès d’associations de Centrafricains vivant à l’étranger dont l’Union des forces vives des Centrafricains en France (UFVCF) et auprès d'organisations de défense des droits de l’Homme. La France a officiellement exprimé son regret devant l’éviction de certains candidats et les représentants de l’ONU en Centrafrique ont aussi prêté une oreille attentive aux réclamations de l’opposition centrafricaine. Ce faisceau de protestations et de réserves a fini par fissurer le camp présidentiel et a y semé le doute.
François Bozizé s’est alors résolu à accepter l’invitation du président gabonais Omar Bongo, de se rendre à Libreville pour y rencontrer le collectif des candidats à l’élection présidentielle. L’initiative de cette rencontre a été prise par ce collectif qui dénonce la tentative de « hold-up électoral » que prépare le pouvoir de Bangui. Les discussions ont duré toute la journée du 22 janvier, pour enfin aboutir à un compromis signé par toutes les parties. Contrairement au souhait du collectif des partis d’opposition, la Cour constitutionnelle de transition n’est pas dissoute, mais elle est dépouillée de certaines prérogatives, notamment liées à l’organisation des scrutins, qui sont confiées à la Commission électorale mixte indépendante (CEMI). Par ailleurs, la plupart des candidats sont rétablis dans leur droit de participer à la compétition électorale présidentielle.
Un seul candidat, l’ancien président Ange-Félix Patassé, en exil au Togo et qui s’est fait représenter à Libreville n’a pas été admis à se présenter, du fait des « poursuites judiciaires devant les juridictions centrafricaines », dont il fait l’objet, précise l’accord de Libreville. Ange-Félix Patassé a tout de suite manifesté son rejet de l’accord de Libreville, mais le bureau politique de son parti, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) a publié le 26 janvier un communiqué dans lequel « il prend acte de la décision de Libreville » et entérine l’invalidation de la candidature de l’ancien président et soutient le candidat Martin Ziguélé. La candidature de Jean-Jacques Demafouth, ancien ministre de la Défense du président Patassé, est maintenue malgré les poursuites dont il fait l’objet, mais sous réserve de certaines dispositions de la constitution qui rendent inéligible toute personne « privée de ses droits par décision de justice ». Jean-Jacques Demafouth est sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui pour « crimes commis en 1999 » dans son pays et l’affaire est toujours en instruction. Il est actuellement en exil en France.
Une autre décision importante de l’accord de Libreville est le report au 13 mars du premier tour des consultations présidentielle et législatives. Pour la bonne tenue du scrutin, les Centrafricains réunis à Libreville ont décidé d’élaborer et d’adopter un code de bonne conduite devant régir la vie politique dans leur pays. « Chat échaudé craint l’eau froide ». Par ailleurs, la Cour constitutionnelle de transition, une première désavouée par le président de la République, va maintenant se dédire pour traduire en actes juridiques et officiels les décisions de l’accord de Libreville, notamment, la validation des candidatures qu’elle avait repoussées, et enfin elle devra publier la liste définitive des onze candidats : François Bozizé, André Kolingba, Abel Goumba, Henri Pouzère, Auguste Boukanga, Martin Ziguélé, Charles Massi, Jean-Paul Ngoupandé, José Binoua, Olivier Gabirault et Jean-Jacques Demafouth.
par Didier Samson
Article publié le 27/01/2005 Dernière mise à jour le 27/01/2005 à 17:33 TU