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Allemagne

Le chômage atteint un niveau record

Le gouvernement de Gerhard Schröder doit faire face à une hausse sans précédent du taux de chômage.(Photo : AFP)
Le gouvernement de Gerhard Schröder doit faire face à une hausse sans précédent du taux de chômage.
(Photo : AFP)
Contrastant fortement avec la bonne santé des entreprises allemandes à l’exportation, le marché intérieur continue de se détériorer. Les conséquences sont terribles en matières d’emploi, le nombre de chômeurs ayant atteint un nouveau record historique en dépassant la barre des cinq millions. Pour les autorités gouvernementales, cette hausse est essentiellement due à des raisons techniques et à la réintégration de plusieurs centaines de milliers de personnes aux listes de sans-emploi.

La crainte des cinq millions hantait les gazettes économiques allemandes depuis plusieurs jours. Jamais le nombre de demandeurs d’emploi n’avait franchi cette limite depuis soixante-dix ans, aucune donnée précise n’existant sur l’état du marché de l’emploi au sortir de la deuxième guerre mondiale. Mercredi, la confirmation officielle est tombée: le chiffre de chômeurs en Allemagne a atteint, en données brutes, 5,037 millions au mois de janvier. En données corrigées des variations saisonnières (CVS), le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 227 000 personnes entre le mois de décembre 2004 et janvier 2005, ce qui donne un taux de chômage de 11,4 % pour le mois de janvier.

Cette forte hausse était pressentie en raison de deux facteurs. Le premier est d’ordre saisonnier puisqu’en période hivernale figurent traditionnellement sur les listes de demandeurs d’emploi de nombreux saisonniers travaillant dans le secteur agricole ou celui de la construction. L’autre découle d’une récente réforme du système des allocations chômage qui a débouché sur la réintégration dans les statistiques de l’Agence fédérale pour l’emploi de 200 à 300 000 personnes qui relevaient du régime de l’aide sociale. Imaginée par Peter Hartz, directeur des ressources humaines du groupe Volkswagen, elle a pour objectif d’inciter les personnes capables de travailler à revenir sur le marché de l’emploi.

Les autorités allemandes se sont logiquement appuyées sur ces deux éléments pour tenter de minimiser la portée des statistiques. Redoutant l’impact psychologique du franchissement de la barre des cinq millions, Wolfgang Clement, ministre de l’Economie et de l’Emploi, a anticipé une amélioration dès le printemps. Mais, même si ce chiffre retombe rapidement sous le seuil fatidique des cinq millions, il risque tout de même de se maintenir à un niveau historiquement élevé pour l’Allemagne, le précédent record remontant à 1988 avec 4,83 millions de sans-emploi. L’opposition conservatrice CDU/CSU n’a en tout cas pas tardé à rappeler la promesse du chancelier Gerhard Schroeder qui s’est engagé à ramener le nombre de chômeurs sous la barre des 3,5 millions. Pour tenter d’enrayer la hausse du chômage, son gouvernement social-démocrate a multiplié en vain les mesures ces dernières années, tels que différents dispositifs d’allègement des charges sociales pour les employeurs.

La compétitivité en question

L’examen des dernières statistiques met une nouvelle fois en exergue l’incroyable disparité sociale que connaît ce pays réunifié voilà une quinzaine d’années. Dans la zone orientale du pays, le taux de chômage se monte, en données CVS, à 19,2 %, contre 9,3 % dans la partie occidentale. Pour soutenir les cinq Länder de l’Est et Berlin, ceux de l’Ouest versent chaque année d’importantes aides financières, dans le cadre notamment du Pacte de Solidarité qui prévoit le transfert d’environ 156 milliards d’euros au cours des quinze prochaines années. Des sommes d’argent très élevées qui cristallisent l’ire de certaines formations politiques qui rendent l’ancien Allemagne de l’Est responsable des mauvais résultats économiques actuels.

L’Allemagne souffre en fait d’une modernisation accrue de son économie. Selon des chiffres encore provisoires publiées mi-janvier, son excédent commercial a atteint 155,6 milliards de dollars en 2004, soit une hausse de 17% par rapport à 2003. Leaders mondiaux de l’exportation, les groupes allemands brillent sur les marchés américains et chinois. Leur bonne santé est le résultat d’importantes restructurations opérées ces dernières années qui ont coûté leur emploi à nombre de salariés, beaucoup d’entreprises n’hésitant notamment pas à faire fabriquer leurs produits dans des pays où la main d’œuvre est moins chère. Contrastant avec leurs résultats florissants, les chiffres de l’économie intérieure sont particulièrement moroses. Les ventes de détails ont ainsi connu une troisième année noire consécutive en 2004, avec un recul des 1,7% en prix constants. Et cette baisse de la consommation se répercute logiquement sur le taux de croissance estimé à 1,6% pour l’année 2005.

Face à la dégradation de l’économie allemande et de la situation de l’emploi de façon plus générale en Europe, la Commission européenne a adopté mercredi sa stratégie révisée sur la compétitivité, une initiative qui, selon elle, pourrait permettre la création de six millions d’emplois en Europe d’ici à 2010. Voilà cinq ans, les Quinze s’étaient fixés comme objectif de faire de l’Union européenne la «zone la plus compétitive du monde». La priorité de l’UE est désormais de favoriser l’emploi dans les pays de la zone euro où le taux de chômage, selon des données publiées mardi, atteint 8,9%. Un chiffre qui place l’Allemagne parmi les plus mauvais élèves de l’UE en matière d’emploi.


par Olivier  Bras

Article publié le 02/02/2005 Dernière mise à jour le 02/02/2005 à 17:58 TU

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Marc Leroy-Beaulieu

Correspondant de RFI en Allemagne

«Cinq millions de chômeurs, c'est du jamais vu dans l'Allemagne d'après-guerre...»

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