Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Allemagne

Régionales : les électeurs sanctionnent le gouvernement

La présence de l’extrême-droite dans les parlements régionaux a suscité des manifestations.
 

		(Photo : AFP)
La présence de l’extrême-droite dans les parlements régionaux a suscité des manifestations.
(Photo : AFP)
Les élections régionales dans deux länder de l’ex-Allemagne de l’Est, la Saxe et le Brandebourg, ont affaibli le Parti social démocrate (SPD) du chancelier Gerhard Schröder qui paie le prix d’une politique sociale largement désapprouvée par la population. Au contraire, les partis d’extrême-droite enregistrent des progrès et atteignent, dans les deux Etats, la barre des 5 % nécessaire pour envoyer des représentants dans les parlements régionaux. De la même manière, le Parti du socialisme démocratique (PDS), héritier de l’ex-Parti communiste, améliore ses scores et se positionne comme la deuxième force politique dans ces régions.

L’annonce de la poussée de l’extrême-droite lors des élections régionales en Saxe et Brandebourg a provoqué de vives réactions. Dès dimanche soir, des manifestations ont eu lieu pour protester contre la présence d’élus de ces partis clairement xénophobes dans les parlements régionaux. Cette avancée était pourtant attendue. Car le Parti national-démocrate (NPD) en Saxe, comme l’Union du peuple allemand (DVU), son alter ego du Brandebourg, ont largement exploité le mécontentement provoqué dans ces régions de l’ex-Allemagne de l’Est par le train de réformes sociales engagé en 2003 par le chancelier Gerhard Schröder et la persistance d’un taux de chômage particulièrement élevé (20 %). Du coup, le NPD réussit pour la première fois depuis 1968 à dépasser le cap des 5 % des voix nécessaires pour être représenté au Parlement de Saxe. Il devrait y obtenir une dizaine de sièges. Et la DVU, qui bénéficiait déjà d’une représentation, améliore quant à elle son score et devrait compter un député supplémentaire (6) par rapport aux dernières élections en Brandebourg.

Dans la classe politique traditionnelle, la présence de l’extrême-droite dans les parlements régionaux est particulièrement mal vécue. Gerhard Schröder a lui-même tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences d’une telle situation, notamment en terme d’image : «L’Allemagne est une nation libre, démocratique. Et tout ce qui nous lie au cloaque brun [nazi] nous porte atteinte, porte atteinte à l’Allemagne et porte atteinte à notre réputation aux yeux des investisseurs étrangers». Ces mises en garde adressées aux électeurs n’ont pas eu l’effet escompté. Néanmoins, les résultats des deux scrutins du week-end, s’ils permettent aux partis d’extrême-droite de disposer désormais de députés dans trois länder allemands (Saxe, Brandebourg, Brême), ne sont pas, selon les analystes politiques, le signe d’une dérive globale au niveau fédéral et restent limités.

D’autant que les progrès enregistrés par le Parti du socialisme démocratique (PDS), héritier du Parti communiste d’avant la réunification de l’Allemagne, situé à l’autre extrémité de l’échiquier politique, indiquent qu’il s’agit surtout d’un vote protestataire. Le PDS profite, en effet, lui aussi du contexte social tendu. En Saxe, il améliore son score d’environ un point (23,6 % des voix) par rapport aux dernières élections. Mais en Brandebourg, il effectue un bond plus important en passant 23,3 % à 28 %. Ce qui lui permet d’obtenir six mandats de plus que dans la précédente assemblée. Ces résultats font du PDS la deuxième force politique aussi bien en Saxe qu’en Brandebourg.

Schröder veut continuer les réformes

Malgré les efforts des représentants locaux du SPD pour rappeler les enjeux régionaux des scrutins, le parti de Gerhard Schröder a donc subi les conséquences du mécontentement populaire. S’il réussit à sauver les meubles dans le Brandebourg en restant en tête devant le PDS (23,6 %) et la CDU (19,4%), il enregistre tout de même un recul d’environ 8 points par rapport au dernier scrutin régional (31,9 % des voix contre 39,3 % en 1999). En Saxe, par contre, c’est la débâcle qui continue. Le SPD perd encore deux points par rapport à 1999 (9,8 %) et fait à peine jeu égal avec le NPD d’extrême-droite (9,2 %), loin derrière le PDS (23,6 %) et la CDU (41,1 %). La victoire sans panache du SPD dans le Brandebourg n’a qu’un seul avantage presque «psychologique» : elle met fin à une série de plusieurs défaites électorales d’affilée enregistrées par ce parti depuis la réélection de Schröder en 2002.

Du côté de la CDU, l’autre grand parti allemand de gouvernement, il n’y a pas de quoi pavoiser non plus. Le scrutin de dimanche marque un recul important. Elle perd près de 7 points (19,4 %) dans le Brandebourg et passe du coup derrière le PDS (28 %). Et surtout, le parti conservateur ne réussit pas à conserver en Saxe la majorité absolue qu’il détenait depuis 1990. Des résultats qui «font mal», selon la dirigeante du parti chrétien-démocrate, Angela Merkel.

Malgré ces mauvais résultats électoraux, Gerhard Schröder n’entend pas, quant à lui, infléchir la politique engagée. Il a annoncé, dès avant le scrutin, qu’il ne renoncerait pas à ses réformes, au premier rang desquelles se situe la modification du régime d’indemnisation des chômeurs. Le plan «Hartz IV» du nom du président de la firme automobile Volskwagen qui a dirigé une commission gouvernementale sur la réforme, doit entrer en application en janvier 2005. Il prévoit de réduire les allocations chômage et d’évaluer les besoins des bénéficiaires notamment en tenant compte des revenus de leurs conjoints. Ces mesures, particulièrement impopulaires, devraient frapper un tiers des quelque 4,4 millions de demandeurs d’emploi allemands. Notamment dans les régions de l’ex-Allemagne de l’Est où le taux de chômage est deux fois plus élevé que dans le reste du pays.



par Valérie  Gas

Article publié le 20/09/2004 Dernière mise à jour le 20/09/2004 à 15:08 TU

Audio

Patrick Moreau

Chercheur au CNRS, professeur à l'université de Leipzig

«Dans la population de l'Est, il y a de plus en plus un rejet des principes de la démocratie de l'ouest de l'Allemagne.»

[20/09/2004]

Articles