Proche-Orient
La saisie des biens palestiniens de Jérusalem illégale
(Photo : Manu Pochez/RFI)
La décision prise le 8 juillet par le gouvernement Sharon –soit la veille de l’annonce par la Cour internationale de justice de La Haye de la condamnation d’Israël pour le tracé de sa barrière de sécurité sur des terres palestiniennes– est loin d’être anodine dans la mesure où elle concerne plusieurs centaines d’hectares. L’ancien adjoint au maire de Jérusalem, Meron Benvenisti, évoque ni plus ni moins que «la moitié des domaines» de la partie orientale de la ville sainte qui seront confisqués sans qu’aucune compensation, comme le prévoit «la loi des absents», ne soit reversée à leurs propriétaires. Ces propriétaires, qui disposent de titres fonciers tout ce qu’il y a de plus légal, sont pourtant bien présents, souvent séparés de quelques centaines de mètres à peine de leurs terres par un mur de béton de plusieurs mètres. Officiellement construit pour protéger Israël de l’infiltration des kamikazes, cet édifice est dénoncé depuis des mois par les Palestiniens qui le qualifient de «mur de l’apartheid» destiné à les spolier de leurs terres.
L’application de la «loi des absents» à Jérusalem-Est ne fait donc que donner du crédit à la thèse palestinienne. Et cela d’autant plus que le quotidien Haaretz croit savoir que des projets immobiliers concernant ces terres confisquées seraient déjà dans les tiroirs n’attendant que le feu vert du gouvernement pour être mis en œuvre. Si ces allégations venaient à se confirmer, elles pourraient signifier que malgré ses déclarations en faveur de la création d’un Etat palestinien viable, Ariel Sharon n’a pas du tout abandonné l’ancien projet israélien de ceinturer la partie orientale de la ville sainte de colonies israéliennes dans le but de la couper de la Cisjordanie.
Mazouz affirme n’avoir pas été mis au courant
Depuis l’annexion en 1967 de Jérusalem-Est, l’Etat hébreu cherche en effet par tous les moyens à faire diminuer la population arabe de l’agglomération dans le but de rendre sa rétrocession aux Palestiniens extrêmement difficile, voire impossible. Une de ses initiatives –jugée illégale par la communauté internationale– a été de changer la physionomie de la partie orientale de la ville sainte qui jusqu’à la guerre des Six jours ne s’étendait que sur 38 km². Israël y a depuis inclus des dizaines de villages palestiniens et dans le «grand Jérusalem», la partie arabe s’étend désormais sur 108 km² que «la barrière de sécurité» devrait englober dans sa quasi-totalité.
Empêchés d’accéder à leurs propriétés par cet édifice –pour pouvoir entrer dans la municipalité du grand Jérusalem, les Palestiniens doivent en effet obtenir un permis spécial que les autorités israéliennes se sont mis jusqu’à présent un point d’honneur à leur refuser– des dizaines de villageois se sont déjà vus confisquer leur terres sans qu’aucune notification écrite ne leur soit jamais parvenue. Cette situation a bien sûr provoqué la colère des Palestiniens mais aussi l’indignation de nombreux Israéliens. Dans un éditorial particulièrement sévère, le quotidien Haaretz a notamment condamné une mesure «injuste» qu’il a assimilée à «un vol» et à «la pire des stupidités». L’affaire est même remontée jusqu’à l’administration américaine auprès de qui l’Autorité palestinienne a officiellement protesté la semaine dernière. La question aurait même été abordée lundi au cours d’une entretien entre la nouvelle secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, et le plus proche conseiller d’Ariel Sharon, Dov Weisglass en visite aux Etats-Unis pour préparer le voyage dans la région du chef de la diplomatie américaine.
Cette situation, particulièrement embarrassante pour le gouvernement israélien à un moment où les Etats-Unis semblent enfin décidés à s’engager dans la relance du processus de paix, a toutefois trouvé une issue heureuse mercredi. Le conseiller juridique du gouvernement Menahem Mazouz, qui affirme n’avoir jamais été consulté lors de la réactivation l’été dernier de la «loi des absents», a demandé au cabinet Sharon de mettre fin immédiatement à la confiscation des terres palestiniennes de Jérusalem-Est. Pour justifier sa demande, M. Mazouz, qui fait également office de procureur général, a fait valoir que la décision prise en juillet dernier «risquait d’avoir de très sérieuses répercussions sur le plan international». D’un point de vue purement juridique, il a également mis en doute sa légalité.
par Mounia Daoudi
Article publié le 03/02/2005 Dernière mise à jour le 03/02/2005 à 17:07 TU