Proche-Orient
Le «mur» israélien devant la justice internationale
(Manu Pochez/RFI)
Fortes du soutien inconditionnel que continuent à leur apporter les Etats-Unis, les autorités israéliennes ont longtemps été indifférentes aux résolutions votées par l’Assemblée générale des Nations unies. Elles estimaient en effet que ces résolutions, dont l’avis n’est pas contraignant comme c’est le cas pour celles adoptées par le Conseil de sécurité, n’ont aucune valeur dans la mesure où les Palestiniens disposent d’une majorité automatique au sein de cette instance grâce notamment aux voix des pays arabes. Cette indifférence affichée par l’Etat hébreu a toutefois trouvé ses limites lorsque l’Assemblée générale de l’Onu a demandé en décembre dernier à la Cour internationale de justice de rendre un avis sur «les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé». Cette demande soutenue par 90 pays sur les 191 siégeant aux Nations unies –les pays européens, qui avaient pourtant voté une résolution condamnant l’édification du mur, se sont abstenus estimant qu’une saisine de la CIJ nuirait à la reprise des négociations de paix au point mort depuis des mois– a visiblement constitué un tournant dans l’attitude israélienne.
Bien qu’ayant jugé le tribunal de La Haye incompétent pour juger une question qu’elles considèrent avant tout comme politique et non pas juridique, les autorités israéliennes ont tenu à défendre leur point de vue. Elles ont certes refusé de participer aux audiences publiques qui se sont déroulées en février dernier aux Pays-Bas mais elles ont cependant transmis à la cour un mémoire écrit et tenté, à travers des expositions et des témoignages, de démontrer que la construction de la «clôture anti-terroriste» obéissait uniquement à des besoins sécuritaires. Mais visiblement peu optimiste quant à l’issue des délibérations des quinze juges de la CIJ, l’Etat hébreu a cherché ces dernières semaines le soutien auprès de son allié traditionnel américain. Le chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, s’est en effet rendu à Washington pour défendre «la barrière de sécurité» au sujet de laquelle l’administration Bush n’a jamais caché sa réticence –même si elle reconnaît à Israël le droit de se défendre– et surtout pour s’assurer du veto américain au Conseil de sécurité. Le gouvernement d’Ariel Sharon craint en effet qu’un avis négatif du tribunal de La Haye n’entraîne le dépôt d’une nouvelle résolution devant cette instance exigeant le démantèlement de l’édifice.
L’espoir des PalestiniensL’arrêt de la Cour internationale de justice revêt donc à ce titre une importance capitale pour les Palestiniens qui qualifient l’ouvrage israélien de «mur de l’apartheid» dont le seul objectif est de les spolier de leurs terres et de compromettre la mise en place d’un futur Etat palestinien. Cette «barrière de sécurité», qui s’enfonce par endroits profondément en Cisjordanie –un rapport de l’ONU révèle que seul 11% de son tracé suit la Ligne verte– fixe selon eux de facto les frontières et permet à l’Etat hébreu d’annexer des parcelles territoriales. Ils savent en outre que, bien que l’avis de la CIJ ne soit pas contraignant –Ariel Sharon a d’ores et déjà fait savoir qu’il poursuivrait la construction de l’édifice– il pourrait avoir des conséquences importantes auprès de l’opinion publique et contribuer à isoler un peu plus le gouvernement israélien sur la scène internationale.
Les Palestiniens ont d’ores et déjà remporté une première victoire la semaine dernière à travers un arrêt rendu par la Cour suprême israélienne. La plus haute instance juridique du pays a en effet exigé une modification du tracé de la «barrière de sécurité» sur une trentaine de kilomètres au nord de Jérusalem afin de préserver les droits de quelque 35 000 Palestiniens vivant dans cette zone. La force de cette décision sans précédent –elle pourrait faire jurisprudence pour une vingtaine d’autres plaintes– est d’être contraignante pour le gouvernement d’Ariel Sharon qui s’est immédiatement engagé à répondre aux exigences de la cour. Elle a en outre provoqué un séisme au sein de la classe politique israélienne, satisfaisant le clan de la paix qui s’est vu conforter dans son combat mais radicalisant les positions de la droite dure qui a même évoqué un moment la promulgation d’une loi d’urgence qui rendrait caduque l’arrêt de la Cour suprême.
Contraint et forcé, le gouvernement d’Ariel Sharon a tenté de tirer profit de la décision de la Cour suprême israélienne. «Le fait qu’Israël change le tracé à la suite d’une décision interne montre que nous n’avons pas besoin d’intervention externe», a notamment plaidé le chef de la diplomatie Sylvan Shalom. Un argument qui ne satisfait que partiellement les Palestiniens dans la mesure où la plus haute juridiction israélienne ne s’est pas prononcée sur la légalité d’un tel édifice.
par Mounia Daoudi
Article publié le 08/07/2004 Dernière mise à jour le 09/07/2004 à 13:27 TU