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Proche-Orient

Israël poursuit son enfermement

«Mur d’apartheid» pour les Palestiniens, «clôture de sécurité» pour l’Etat hébreu : le cabinet israélien a décidé de poursuivre les travaux d’extension de l’édifice sans toutefois inclure la colonie d’Ariel, au cœur de la Cisjordanie. Mais elle lui réserve un traitement distinct qui permettra aux autorités d’Israël de reconsidérer la question dès qu’elles le souhaiteront.
Vingt-trois voix «pour», quatre «contre» : à une écrasante majorité, les membres du cabinet israélien ont approuvé mercredi l’édification d’un nouveau segment du mur censé protéger leur pays des intrusions des kamikazes palestiniens. Ce mur épouse très imparfaitement, et largement au détriment de la partie palestinienne, la «ligne verte» symbolisant la ligne de cessez-le-feu de la guerre d’indépendance, frontière israélo-jordanienne jusqu’en 1967, et sur laquelle pourrait s’inscrire la future frontière israélo-palestinienne. Le premier tronçon achevé s’étend sur une distance de 140 kilomètres, à partir du Nord de la Cisjordanie. En fait de mur, il s’agit d’une succession d’ouvrages défensifs, constitués d’un réseau de blocs de béton alignés, entrecoupés de clôtures électrifiés, et de rouleaux de fils de fer barbelés. L’édifice est complété par une route militaire parcourue par les forces de défense israéliennes.

Mais le débat du conseil des ministres de mercredi portait moins sur la relance des travaux que sur le tracé de ce que les Israéliens préfèrent appeler la «clôture de sécurité». En effet, depuis quelques jours, l’administration israélienne laissait planer la menace d’une intégration au sein du dispositif défensif d’un important bloc de colonies, dont celle d’Ariel, implanté au cœur de la Cisjordanie. La menace était prise d’autant plus au sérieux que, jusqu’à présent, les Israéliens ont pris de très larges libertés dans la construction de leur clôture par rapport au tracé de la «ligne verte», enfermant dans le périmètre de l’ouvrage des dizaines de milliers de Palestiniens, finalement réduits à l’état de semi-captivité sur des isolats de leurs propres terres, entre mur et frontière.

Bien que l’armée israélienne multiplie les déclarations apaisantes affirmant que ce tracé n’a rien de «politique», dans le climat d’hostilité qui caractérise actuellement les relations entre les deux peuples, cette affaire est volontiers interprétée comme une provocation, autant par les Palestiniens que par la communauté internationale. L’administration américaine elle-même, qui comptent pourtant parmi les plus fidèles soutiens d’Israël, désapprouve le tracé de la clôture israélienne, craignant une annexion de facto des zones palestiniennes passées sous administration israélienne. Washington a même menacé son allié de retrancher du montant de son aide financière le coût de l’ouvrage. Cette position a certainement pesé de tout son poids sur la décision du cabinet israélien qui, en dépit des récentes promesses du Premier ministre Ariel Sharon, a renoncé à englober le groupe de colonie, et notamment celle d’Ariel, au sein du dispositif, lui réservant un traitement distinct. Pour l’heure, le cabinet a décidé qu’Ariel sera protégé par une clôture spéciale qui ne sera pas intégrée dans le tracé global du mur érigé le long de la «ligne verte». Par la suite, de l’évolution du contexte international dépendra la décision d’inclure, ou pas, ces colonies cisjordaniennes au sein du dispositif. En tout cas la menace continuera de peser comme une épée de Damoclès.

Charte de l’ONU et Convention de Genève

Les Américains ne sont pas les seuls interlocuteurs d’Israël à manifester leur inquiétude sur cette conception sécuritaire d’Israël. Dans un rapport rendu public mardi, l’ONU estime que «les faits suggèrent fortement qu’Israël est déterminé à créer une situation sur le terrain qui équivaut à une annexion de facto». Le texte ajoute qu’une «annexion de ce genre, considérée comme une conquête en droit international est interdite par la Charte des Nations unies et par la 4ème Convention de Genève» sur la protection des civils en temps de guerre. De son côté, l’ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU à Genève a immédiatement réagi à la publication du rapport en accusant l’organisation internationale «d’avoir produit un rapport partial et hautement politisé». «Le rapport ne tient aucun compte de la violence persistante contre les civils israéliens depuis le 28 septembre (date du début de la reprise de l’Intifada, ndlr), qui a fait 900 morts Israéliens», précise Yaakov Levy.

En Israël également la construction de la clôture ne fait pas l’unanimité. Si l’opinion publique israélienne est choquée par la vague d’attentats suicide dont le pays est massivement la cible, des voix, telles que celle de l’organisation de défense des droits de l’Homme B’Tselem, commencent à s’élever pour dénoncer les dommages collatéraux créés par les conséquences du quasi enfermement de dizaines de milliers de Palestiniens soumis à l’arbitraire militaire pour cultiver leurs champs, se rendre à leur travail, aller à l’école ou bénéficier d’un traitement médical.



par Georges  Abou

Article publié le 01/10/2003