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Proche-Orient

Un mur d’incompréhension entre Israël et les Etats-Unis

Recevant en juillet à la Maison Blanche l’ancien Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, le président George Bush avait créé la surprise en critiquant ouvertement la «clôture de sécurité» érigée par Israël pour officiellement se protéger des infiltrations de kamikazes palestiniens. «Je pense que le mur qui serpente en Cisjordanie est un problème et j’en ai discuté avec Ariel Sharon», avait-il déclaré. Critique relayée par son chef de la diplomatie, Colin Powell, et sa conseillère pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice. Aujourd’hui, soucieuse de ne pas perdre le rôle de juge impartial qu’elle s’est arrogée dans le conflit du Proche-Orient, l’administration Bush, qui a brandi son veto mercredi pour éviter à l’Etat hébreu un vote sanction au conseil de sécurité, menace aujourd’hui le gouvernement Sharon de sanctions financières pour sa politique de colonisation. Des sanctions qui pourraient concerner «la clôture de sécurité».
Sans le reconnaître ouvertement, le gouvernement israélien est visiblement gêné par la menace de sanctions américaines. Et même si certains ministres, comme la très radicale Limor Livnat en charge de l’Education nationale qui n’hésite pas à affirmer qu’«en dépit des importants liens d’amitié d’Israël avec les Américains, l’Etat hébreu ne peut accepter de recevoir des ordres», Ariel Sharon ne veut surtout pas s’aliéner l’administration Bush. C’est ce qui explique sans doute que le Premier ministre ait reporté à la semaine prochaine la décision concernant le très controversé tracé du second tronçon de la «ligne de sécurité» qu’Israël érige pour officiellement se protéger des attaques kamikazes palestiniennes. Une réunion, qui a rassemblé les principaux ministres du Likoud, a certes eu lieu ce vendredi pour discuter de cet épineux dossier mais aucune décision n’a été arrêtée, Ariel Sharon préférant attendre le retour des Etats-Unis du directeur général du ministère de la Défense, Amos Yaron, qui doit se rendre en fin de semaine à Washington.

Mais malgré la menace américaine, les ministres israéliens réunis vendredi autour d’Ariel Sharon se sont prononcés pour que le tracé de la «clôture de sécurité» inclut les colonies israéliennes d’Ariel et de Kédoumin où vivent plus de 50 000 colons. Ce bloc d’implantations, communément nommé le «doigt d’Ariel», est situé à l’intérieur de la Cisjordanie, à une vingtaine de kilomètres de la «ligne verte» qui sépare ce territoire déjà réoccupé quasi-totalement par l’armée israélienne de l’Etat hébreu. Cette décision ne peut donc que conforter les craintes des Palestiniens qui qualifient l’édifice israélien de «mur de l’Apartheid». Ils estiment en effet que la construction de cette «ligne de défense» entraîne une annexion de facto d’une partie de la Cisjordanie et met en péril le tracé des frontières d’un futur Etat palestinien indépendant dans les limites de la ligne de cessez-le-feu de 1967. L’Etat hébreu a achevé le 31 juillet dernier les travaux de construction du premier tronçon long de 140 km et selon un rapport de la Banque mondiale, 12 000 Palestiniens se retrouvent déjà du côté ouest du «mur». Par ailleurs, d’après les estimations de l’Autorité palestinienne, la construction de l’ouvrage israélien va ronger un total de 1 328 km², soit environ 23% de la Cisjordanie.

[Querelle de chiffres
Cet article a provoqué la réaction d'internautes étonnés de voir que l'Autorité palestinienne évalue à 23% la part du territoire de la Cisjordanie sur laquelle empiètera à terme la "cloture" de sécurité qu'édifie Israël. L'ambassade israélienne en France se refuse à livrer une quelconque estimation de la portion de territoire de Cisjordanie qui sera, à terme, englobée par la "cloture" et se contente d'évaluer à 1,4% de la Cisjordanie la portion de territoire sur laquelle empiète actuellement la "barrière" de sécurité. (RFI 07/10/2003)]



Des sanctions financières dans un contexte de crise

La Maison Blanche, qui cherche malgré tout à préserver son rôle de parrain du processus de paix au Proche-Orient, a donc annoncé quelques heures avant de brandir son veto lundi au Conseil de sécurité pour protéger son allié israélien d’un vote sanction, que les Etats-Unis allaient très vraisemblablement pénaliser financièrement Israël pour ses activités de colonisation dans les territoires palestiniens. L’administration Bush a en effet annoncé qu’elle bloquerait une partie des fonds destinés à l’Etat hébreu en déduisant des 9 milliards de dollars de garanties bancaires accordées par le trésor américain le montant correspondant aux dépenses consacrées par l’Etat hébreu à la colonisation dans les territoires occupés. Ces déductions, dont le montant n’a toutefois pas encore été divulgué, pourraient être prélevées avant la fin du mois sur la première tranche de garanties qui doit être débloquée.

Même si Israël et ses partisans au Congrès n’ont eu de cesse de faire valoir que la «clôture de sécurité» ne devait à aucun moment être considérée comme le fruit d’une politique de colonisation, il se pourrait bien que le coût de la construction de l’édifice israélien soit déduit de l’enveloppe débloquée par Washington. Pour le moment aucune décision concernant le sujet n’a encore été prise et Ariel Sharon qui projette de dépêcher également son directeur de cabinet, Dov Weissglas, aux Etats-Unis espère convaincre l’administration américaine de ne pas mettre à exécution sa menace. L’Etat hébreu, qui traverse la crise économique la plus grave de son histoire, vient en effet d’adopter un budget d’austérité qui prévoit des coupes importantes à la défense et dans les dépenses sociales. Dans ce contexte, les pénalités financières américaines sont donc très malvenues.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 19/09/2003