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Israël

La justice ordonne de modifier le tracé du «mur»

La «<EM>barrière de&nbsp;sécurité</EM>» porte un grave préjudice à quelque 35 000 Palestiniens. 

		(Photo : Manu Pochez/RFI)
La «barrière de sécurité» porte un grave préjudice à quelque 35 000 Palestiniens.
(Photo : Manu Pochez/RFI)
La Cour suprême d’Israël a ordonné mercredi que soient introduites des modifications dans le tracé de la «barrière de sécurité» que l’Etat hébreu érige en Cisjordanie afin d’alléger les difficultés que cet édifice impose aux Palestiniens qui vivent dans les zones qu’il traverse. Cet arrêt répond à une plainte déposée par les habitants de plusieurs villages palestiniens situés au nord de Jérusalem. Il pourrait faire jurisprudence pour une vingtaine d’autres plaintes introduites contre ce que les Palestiniens qualifient de «mur de l’apartheid». La décision de la Cour suprême constitue à cet égard un camouflet pour la politique sécuritaire du Premier ministre Ariel Sharon déjà en grande difficulté depuis la défection de plusieurs membres de son cabinet hostiles à son plan de retrait de la bande de Gaza.

La plus haute juridiction d’Israël ne s’est pas prononcée sur la légalité ou non de la construction de la «barrière de sécurité» mais sur les atteintes aux droits des Palestiniens lésés par la mise en place de cet édifice mi-mur mi-clôture qui s’étire déjà sur 190 kilomètres en Cisjordanie. Elle a ainsi estimé que le tracé retenu par le gouvernement «a créé de telles difficultés pour la population locale que l’Etat se doit de trouver une alternative, peut-être moins efficace en terme de sécurité, mais qui affecterait moins la population». En conséquence la Cour suprême a ordonné que le parcours de cette barrière soit modifié sur près d’une trentaine de kilomètres au nord de Jérusalem car, selon elle, il porte un grave préjudice à quelque 45 000 Palestiniens qui vivent dans cette zone. Une partie de l’édifice déjà construite devra d’ailleurs être démantelée. L’arrêt de la Cour précise en outre que «les critères sécuritaires pris en considération sont disproportionnés par rapport aux nécessités humanitaires» et que «la marge supplémentaire de sécurité obtenue par le tracé actuel n’est pas égale aux atteintes aux droits et intérêts des habitants». La juridiction avait déjà ordonné, dans un arrêt provisoire, l’interruption des travaux de construction, répondant aux plaintes introduites par les conseils municipaux de huit villages palestiniens affectés par la barrière au nord de Jérusalem. Et fait sans précédent, une trentaine d’habitants d’un village israélien voisin s’étaient associés à cette plainte.

Cette décision de la plus haute juridiction d’Israël, qui intervient une dizaine de jour avant celle de la Cour de justice internationale de La Haye qui doit rendre un avis consultatif sur la légalité de la «barrière de sécurité», a été saluée par la partie palestinienne. «Il s’agit d’une décision très courageuse et très importante», s’est félicité l’avocat des plaignants Mohamed Dahleh. Selon lui, cette décision est bien plus importante que celle de La Haye dans la mesure où elle sera suivie d’effets. «Elle reprend ce que nous disons depuis le début, a-t-il souligné, à savoir que le mur tel qu’il est construit est illégal et qu’il existe un autre moyen de le bâtir de façon à assurer la sécurité d’Israël sans violer le droit des Palestiniens». Cette satisfaction est également partagée par le camp de la paix israélien. L’ancien député Uri Avnery a ainsi estimé qu’en rendant son arrêt la Cour suprême avait «mis un terme à l’inhumanité d’un gouvernement aveugle et obtus et à celle d’une armée qui croyait pouvoir envoyer, dans le plus grand mépris, des bulldozers détruire la vie de centainez de milliers de Palestiniens». Selon lui, si une telle barrière devait s’avérer réellement indispensable à la sécurité d’Israël, son tracé devrait suivre la Ligne verte –ligne d’armistice de 1949– et ne pas en dévier d’un kilomètre.      

Le ministère de la Défense se soumet

Maître d’œuvre de «la barrière de sécurité» dont il est le plus ardent défenseur, le ministère israélien de la Défense, a très vite réagi en affirmant qu’il se conformerait à la décision de la Cour. «Les responsables de la sécurité en Israël appliqueront la décision de la Cour suprême et définiront un tracé de la barrière tenant compte des principes établis par elles», a notamment précisé un communiqué diffusé mercredi matin. Cette attitude est toutefois loin d’être partagée par la droite israélienne qui a violemment dénoncé la décision de la cour. Le ministre de la Santé Dany Naveh –un faucon du Likoud– a ainsi affirmé que «le meurtre de femmes et d’enfants  en Israël était plus important à ses yeux qu’une certaine atteinte à la qualité de vie des Palestiniens». Se rebellant contre l’avis de la Cour suprême, pourtant plus haute juridiction du pays, il a invité le gouvernement à «promulguer une loi d’urgence», seule façon de contourner cette décision et donc de poursuivre la construction de la «barrière de sécurité». Cette éventualité reste toutefois des plus improbables.

Toujours est-il que l’arrêt rendu par la Cour suprême constitue un désaveu cinglant pour la politique sécuritaire menée par le Premier ministre Ariel Sharon. Sans compter qu’il pourrait faire jurisprudence pour une vingtaine d’autres plaintes déposées par des Palestiniens qui s’estiment lésés par le tracé de l’édifice qui à certains endroits s’enfonce profondément en Cisjordanie pour englober certaines colonies juives. Le quotidien israélien Haaretz estime notamment que pour la seule zone située au nord de Jérusalem, la «barrière de sécurité» dans son parcours actuel ampute la Cisjordanie de quelque 150 kilomètres carrés.

«Clôture anti-terroriste» pour Israël destinée à protéger son territoire contre l’infiltration des kamikazes, l’édifice est qualifié par les Palestiniens de «mur raciste» dont la finalité, estiment-ils, est d’enfermer les populations dans des bantoustans. Ils accusent en outre l’Etat hébreu de chercher à amputer par son biais une partie du futur Etat palestinien. Réagissant à l’arrêt de la Cour suprême israélienne, le Premier ministre Ahmed Qoreï l’a donc en toute logique jugé insuffisant. «La question n’est pas de savoir quel doit être le tracé du mur», a-t-il affirmé. «C’est un mur, un mur de séparation qui est construit dans les territoires palestiniens. Il s'agit d'un mur de séparation raciste, qui doit être détruit pour cette raison. Il n'y a pas d'autre alternative», a-t-il insisté.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/06/2004 Dernière mise à jour le 01/07/2004 à 12:01 TU