Proche-Orient
Interdits de séjour sur leurs propres terres
Une nouvelle réglementation militaire israélienne oblige les Palestiniens qui habitent entre la barrière de sécurité et Israël a obtenir un permis pour vivre et travailler dans leurs villages.
De notre envoyé spécial Jubara
Depuis un mois, les Palestiniens de Jubara vivent en apnée. Personne ne rentre et personne ne sort. A l’est, le passage est barré par une clôture électrifiée, la fameuse barrière de sécurité dont le but affiché est de prévenir l’infiltration de kamikazes en Israël. Et à l’ouest, l’entrée dans la grande ville voisine de Tulkarem, est bloquée par un check point dont les habitants se font tous refouler. Du coup, le village dépérit. Dans les champs d’oliviers qui l’entourent, une décharge a été improvisée. Faute d’éboueurs, les sacs d’ordure pourrissent au soleil. Le long de la rue principale, des rangées de serres sont à l’abandon. Leurs propriétaires, interdits d’accès aux marchés de Tulkarem, ont renoncé à les entretenir. Seuls les enfants circulent encore librement. Parce que leurs écoles sont situées de l’autre côté de la clôture, l’armée israélienne consent à les laisser passer deux fois par jour. «C’est eux qui nous ramènent de la nourriture et de l’essence dans des bouteilles en plastique», soupire Ahmed Massoud, un fermier.
Les ennuis de Jubara ont commencé au début de l’année quand les ingénieurs du ministère de la Défense israélien ont modifié le tracé de la barrière. Initialement, le village devait être à l’est. Des travaux avaient même débuté le long de la ligne verte, la frontière virtuelle entre Israël et la Cisjordanie, dont Jubara est à deux kilomètres. Mais les bulldozers ont dévié. Au lieu d’être du côté palestinien de la barrière, les villageois se sont retrouvés du côté israélien. Obligés de faire la queue aux heures d’ouverture de la clôture pour espérer gagner le reste de la Cisjordanie où se trouve non seulement leur lieu de travail, mais aussi tous les services dont le village est dépourvu: écoles, hôpitaux, administrations, etc.
Un permis renouvelable délivré au cas par cas
La situation a empiré au début du mois dernier. La bureaucratie militaire israélienne jamais avare en règlements discriminants, a accouché d’un nouveau statut pour les seize villages pris comme Jubara, en tenaille entre la barrière et la ligne verte. Les 12 000 Palestiniens qui les habitent, sont désormais interdits de séjour sur leurs propres terres. Leur présence n’est tolérée que sous réserve de l’obtention d’un permis renouvelable, délivré au cas par cas par les autorités militaires. Précision éloquente, les colons qui habitent cette zone, et au delà, n’importe quel Israélien, ne sont pas soumis à ces restrictions.
Leur présence y est jugée légitime, alors que celle des Palestiniens qui y résident depuis des générations, tient désormais au bon vouloir d’un officier. A lui de décider qui peut continuer à vivre dans son village et qui ne le peut plus, qui peut se rendre dans une ville palestinienne de l’autre côté de la barrière, durant quels créneaux horaires et pour combien de temps, et qui ne le peut pas. Les paysans résidant à l’est de la clôture, mais dont les terres sont à l’ouest, doivent également postuler pour un permis. De même que tous ceux qui, pour des raisons professionnelles ou privées, doivent traverser la barrière.
Quand la nouvelle du permis s’est propagé à Jubara, le tollé a été immédiat. «Nous sommes réduits à l’état de touriste sur notre propre terre, s’exclame Fouad Jubara, le chef du village. C’est une honte. Les Israéliens avaient plein d’autres solutions possibles. Ils ont délibérément choisi la plus humiliante». Ihsan Awad, un habitant qui travaillait comme comptable à Tulkarem, renchérit: «C’est la première fois dans l’histoire, qu’un homme a besoin d’une autorisation pour vivre dans sa maison». A l’officier israélien venu distribuer les permis, le conseil de Jubara a opposé un refus catégorique. La menace d’un bouclage du village en cas d’entêtement, n’a rien changé.
«Accepter ce permis, c’est renoncer à nos droits sur notre terre, dit Fouad Jubara. Les Israéliens veulent nous forcer à partir. Ils veulent la terre sans ses habitants. Mais ils n’y arriveront pas. Ils ne recommenceront pas le coup de 1948 (quand à la faveur de la première guerre israélo-arabe, près de 700 000 Palestiniens ont été chassés de leur terres, ndlr)». La colère des locaux a été renforcée par le fait que sur les 200 adultes concernés par le permis, environ vingt noms ont été écartés par l’armée, dont ceux d’anciens détenus et de leaders locaux du Fatah, le parti de Yasser Arafat. «Ou vont-ils aller ? demande le chef du village. Leur vie est ici». L’officier israélien est donc reparti bredouille. Et le village a été bouclé.
Depuis un mois, les Palestiniens de Jubara vivent en apnée. Personne ne rentre et personne ne sort. A l’est, le passage est barré par une clôture électrifiée, la fameuse barrière de sécurité dont le but affiché est de prévenir l’infiltration de kamikazes en Israël. Et à l’ouest, l’entrée dans la grande ville voisine de Tulkarem, est bloquée par un check point dont les habitants se font tous refouler. Du coup, le village dépérit. Dans les champs d’oliviers qui l’entourent, une décharge a été improvisée. Faute d’éboueurs, les sacs d’ordure pourrissent au soleil. Le long de la rue principale, des rangées de serres sont à l’abandon. Leurs propriétaires, interdits d’accès aux marchés de Tulkarem, ont renoncé à les entretenir. Seuls les enfants circulent encore librement. Parce que leurs écoles sont situées de l’autre côté de la clôture, l’armée israélienne consent à les laisser passer deux fois par jour. «C’est eux qui nous ramènent de la nourriture et de l’essence dans des bouteilles en plastique», soupire Ahmed Massoud, un fermier.
Les ennuis de Jubara ont commencé au début de l’année quand les ingénieurs du ministère de la Défense israélien ont modifié le tracé de la barrière. Initialement, le village devait être à l’est. Des travaux avaient même débuté le long de la ligne verte, la frontière virtuelle entre Israël et la Cisjordanie, dont Jubara est à deux kilomètres. Mais les bulldozers ont dévié. Au lieu d’être du côté palestinien de la barrière, les villageois se sont retrouvés du côté israélien. Obligés de faire la queue aux heures d’ouverture de la clôture pour espérer gagner le reste de la Cisjordanie où se trouve non seulement leur lieu de travail, mais aussi tous les services dont le village est dépourvu: écoles, hôpitaux, administrations, etc.
Un permis renouvelable délivré au cas par cas
La situation a empiré au début du mois dernier. La bureaucratie militaire israélienne jamais avare en règlements discriminants, a accouché d’un nouveau statut pour les seize villages pris comme Jubara, en tenaille entre la barrière et la ligne verte. Les 12 000 Palestiniens qui les habitent, sont désormais interdits de séjour sur leurs propres terres. Leur présence n’est tolérée que sous réserve de l’obtention d’un permis renouvelable, délivré au cas par cas par les autorités militaires. Précision éloquente, les colons qui habitent cette zone, et au delà, n’importe quel Israélien, ne sont pas soumis à ces restrictions.
Leur présence y est jugée légitime, alors que celle des Palestiniens qui y résident depuis des générations, tient désormais au bon vouloir d’un officier. A lui de décider qui peut continuer à vivre dans son village et qui ne le peut plus, qui peut se rendre dans une ville palestinienne de l’autre côté de la barrière, durant quels créneaux horaires et pour combien de temps, et qui ne le peut pas. Les paysans résidant à l’est de la clôture, mais dont les terres sont à l’ouest, doivent également postuler pour un permis. De même que tous ceux qui, pour des raisons professionnelles ou privées, doivent traverser la barrière.
Quand la nouvelle du permis s’est propagé à Jubara, le tollé a été immédiat. «Nous sommes réduits à l’état de touriste sur notre propre terre, s’exclame Fouad Jubara, le chef du village. C’est une honte. Les Israéliens avaient plein d’autres solutions possibles. Ils ont délibérément choisi la plus humiliante». Ihsan Awad, un habitant qui travaillait comme comptable à Tulkarem, renchérit: «C’est la première fois dans l’histoire, qu’un homme a besoin d’une autorisation pour vivre dans sa maison». A l’officier israélien venu distribuer les permis, le conseil de Jubara a opposé un refus catégorique. La menace d’un bouclage du village en cas d’entêtement, n’a rien changé.
«Accepter ce permis, c’est renoncer à nos droits sur notre terre, dit Fouad Jubara. Les Israéliens veulent nous forcer à partir. Ils veulent la terre sans ses habitants. Mais ils n’y arriveront pas. Ils ne recommenceront pas le coup de 1948 (quand à la faveur de la première guerre israélo-arabe, près de 700 000 Palestiniens ont été chassés de leur terres, ndlr)». La colère des locaux a été renforcée par le fait que sur les 200 adultes concernés par le permis, environ vingt noms ont été écartés par l’armée, dont ceux d’anciens détenus et de leaders locaux du Fatah, le parti de Yasser Arafat. «Ou vont-ils aller ? demande le chef du village. Leur vie est ici». L’officier israélien est donc reparti bredouille. Et le village a été bouclé.
par Benjamin Barthe
Article publié le 05/11/2003