Proche-Orient
Les relations Europe-Israël embarrassées par un sondage
59% des Européens estiment que l’Etat hébreu est la plus grave menace pour la paix dans le monde. Ce sondage publié lundi par la Commission européenne provoque un grand trouble parmi les cercles dirigeants, tant en Israël qu’au sein de l’Union.
C’est un sondage dont l’Union européenne se serait certainement passé en raison de la tempête qu’il soulève et du préjudice qu’il pourrait occasionner dans les relations déjà conflictuelles qu’entretiennent Européens et Israéliens. Dans une enquête d’opinion intitulée «L’Irak et la paix dans le monde», publiée lundi 3 novembre par la Commission de Bruxelles, a été glissée la question de savoir lequel, parmi 15 pays cités, constituait une menace pour la paix mondiale. A 59% les 7515 sondés des 15 pays de l’Union ont placé Israël en tête de liste. La deuxième place de ce terrible palmarès échoit ex æquo aux Etats-Unis, à la Corée du Nord et à l’Iran (53%), devant l’Irak (52%). C’est un classement relativement inattendu compte tenu des relations d’amitié que veulent entretenir les capitales européennes avec Israël et qui place en porte-à-faux opinions publiques et dirigeants. La surprise est de taille lorsqu’on observe les chiffres dans le détail. On constate par exemple que les taux de défiance à l’égard d’Israël concernent 74% des sondés aux Pays-Bas et 69% en Autriche, alors que des pays présentés de longue date, par Washington notamment, comme des repaires du terrorisme international (la Syrie, la Libye, la Somalie) n’enregistrent que des score marginaux (respectivement 37%, 36% et 16%).
Certains observateurs font valoir que la méthode prête le flanc à la critique. Seule la situation au sein de l’Europe des Quinze a été examinée alors que l’Union comptera bientôt 25 pays et que la prise en compte des 10 nouveaux aurait peut-être substantiellement modifié le résultat. D’autre part, ce sondage (Eurobaromètre Flash) repose sur des critères particuliers qui l’exonèrent de la rigueur des Eurobaromètres ordinaires. Ainsi, sur quelque 380 millions d’habitants que compte l’Europe des Quinze l’échantillon n’en retient que 7515, interrogés par téléphone. Par ailleurs la liste est loin d’être exhaustive et certains commentateurs se plaignent de n’y voir pas figurer des pays comme le Soudan, l’Egypte, l’Algérie… Voire les Palestiniens qui, s’ils ne disposent pas d’un pays, n’en contribuent pas moins à détériorer la situation en se livrant à des actes de terrorisme.
Les réactions européennes traduisent l’embarras et soulignent le décalage entre la perception des citoyens et celle de leurs dirigeants. Les relations institutionnelles du «vieux continent» avec Israël sont en effet profondément marquées par l’histoire du XXe siècle et l’extermination des juifs d’Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans cette affaire, Bruxelles et la Commission européenne se retrouvent héritiers malgré eux d’un passé dont les comptes ne sont pas soldés, comme en témoignent le souci de mémoire des communautés juives d’Europe et les incidents qui émaillent périodiquement les relations entre les Etats européens et Israël.
L’opinion publique n’en fait qu’à sa tête
«Il n’y aura pas de réaction politique spécifique», a déclaré le porte-parole de la Commission lors de la présentation du rapport, à Bruxelles. «Le sondage est ce qu’il est. Il est transparent et on le publie, un point c’est tout», a déclaré Gerassimos Thomas en réponse à un flot de questions. L’embarras était également perceptible en Italie, siège de la présidence tournante européenne jusqu’à la fin de l’année. Le ministre italien des Affaires étrangères a fait part de sa «surprise et (sa) contrariété pour le signal faussé qui sort du sondage d’opinion commandé par la Commission européenne», tandis que le chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, téléphonait à son homologue israélien pour lui exprimer «sa surprise et son indignation», l’assurant que «ce sondage n’affecterait pas la position des Européens à l’égard d’Israël».
«Nous sommes non seulement tristes mais outrés», affirme dans un communiqué la mission israélienne auprès de l’UE. Interrogé lundi soir sur RFI, l’ambassadeur d’Israël en France a estimé, avec d’autres, que ce sondage était le résultat d’une présentation injuste, déséquilibrée et déformée des événements par la presse. L’ambassadeur d’Israël en Italie a, pour sa part, affirmé que ce sondage avait été réalisé «dans le seul but de dénigrer Israël», tandis que le ministre israélien en charge des relations avec la diaspora lançait une mise en garde «avant que l’Europe ne retombe une fois encore dans les périodes les plus sombres de son passé».
Toute cette affaire survient enfin dans un contexte européen déjà passablement encombré par les débats émergents sur les communautarismes arabo-musulman et juif, sur l’assimilation à l’antisémitisme de la critique du sionisme, sur la question de savoir où passe la frontière entre «résistance» et «terrorisme», si les Israéliens construisent une «barrière» ou un «mur», des «implantations» ou des «colonies» en Cisjordanie, etc. Les mots de la guerre sont piégés et renvoient impitoyablement ceux qui les utilisent dans le camp des «amis» ou des «ennemis». Or, comme on le constate, contrairement à leurs dirigeants les citoyens de l’Union ne s’embarrassent d’aucun préjugé ni d’aucune complexité pour exprimer ce qui leur semble pertinent au risque, sur le plan diplomatique, de mettre l’UE en difficulté dans son rôle d’arbitre et de négociateur en jetant le soupçon sur son impartialité. Marraine de la fameuse «feuille de route», avec l’ONU, la Russie et les Etats-Unis, cette épisode va conforter ceux qui doutent de sa crédibilité.
En tout cas, cet incident apporte quelques indications sur le fait que la diplomatie n’est plus le seul domaine réservé des diplomates. Pour juger d’une situation internationale, les citoyens disposent en effet de leurs propres critères. En matière d’information et de communication, malgré les moyens investis par certaines administrations, on constate notamment que la stigmatisation de présumés-terroristes ou Etats voyous est inopérante tant que la démonstration n’apparaît pas comme incontestable et que, finalement, l’opinion publique n’en fait qu’à sa tête.
Certains observateurs font valoir que la méthode prête le flanc à la critique. Seule la situation au sein de l’Europe des Quinze a été examinée alors que l’Union comptera bientôt 25 pays et que la prise en compte des 10 nouveaux aurait peut-être substantiellement modifié le résultat. D’autre part, ce sondage (Eurobaromètre Flash) repose sur des critères particuliers qui l’exonèrent de la rigueur des Eurobaromètres ordinaires. Ainsi, sur quelque 380 millions d’habitants que compte l’Europe des Quinze l’échantillon n’en retient que 7515, interrogés par téléphone. Par ailleurs la liste est loin d’être exhaustive et certains commentateurs se plaignent de n’y voir pas figurer des pays comme le Soudan, l’Egypte, l’Algérie… Voire les Palestiniens qui, s’ils ne disposent pas d’un pays, n’en contribuent pas moins à détériorer la situation en se livrant à des actes de terrorisme.
Les réactions européennes traduisent l’embarras et soulignent le décalage entre la perception des citoyens et celle de leurs dirigeants. Les relations institutionnelles du «vieux continent» avec Israël sont en effet profondément marquées par l’histoire du XXe siècle et l’extermination des juifs d’Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans cette affaire, Bruxelles et la Commission européenne se retrouvent héritiers malgré eux d’un passé dont les comptes ne sont pas soldés, comme en témoignent le souci de mémoire des communautés juives d’Europe et les incidents qui émaillent périodiquement les relations entre les Etats européens et Israël.
L’opinion publique n’en fait qu’à sa tête
«Il n’y aura pas de réaction politique spécifique», a déclaré le porte-parole de la Commission lors de la présentation du rapport, à Bruxelles. «Le sondage est ce qu’il est. Il est transparent et on le publie, un point c’est tout», a déclaré Gerassimos Thomas en réponse à un flot de questions. L’embarras était également perceptible en Italie, siège de la présidence tournante européenne jusqu’à la fin de l’année. Le ministre italien des Affaires étrangères a fait part de sa «surprise et (sa) contrariété pour le signal faussé qui sort du sondage d’opinion commandé par la Commission européenne», tandis que le chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, téléphonait à son homologue israélien pour lui exprimer «sa surprise et son indignation», l’assurant que «ce sondage n’affecterait pas la position des Européens à l’égard d’Israël».
«Nous sommes non seulement tristes mais outrés», affirme dans un communiqué la mission israélienne auprès de l’UE. Interrogé lundi soir sur RFI, l’ambassadeur d’Israël en France a estimé, avec d’autres, que ce sondage était le résultat d’une présentation injuste, déséquilibrée et déformée des événements par la presse. L’ambassadeur d’Israël en Italie a, pour sa part, affirmé que ce sondage avait été réalisé «dans le seul but de dénigrer Israël», tandis que le ministre israélien en charge des relations avec la diaspora lançait une mise en garde «avant que l’Europe ne retombe une fois encore dans les périodes les plus sombres de son passé».
Toute cette affaire survient enfin dans un contexte européen déjà passablement encombré par les débats émergents sur les communautarismes arabo-musulman et juif, sur l’assimilation à l’antisémitisme de la critique du sionisme, sur la question de savoir où passe la frontière entre «résistance» et «terrorisme», si les Israéliens construisent une «barrière» ou un «mur», des «implantations» ou des «colonies» en Cisjordanie, etc. Les mots de la guerre sont piégés et renvoient impitoyablement ceux qui les utilisent dans le camp des «amis» ou des «ennemis». Or, comme on le constate, contrairement à leurs dirigeants les citoyens de l’Union ne s’embarrassent d’aucun préjugé ni d’aucune complexité pour exprimer ce qui leur semble pertinent au risque, sur le plan diplomatique, de mettre l’UE en difficulté dans son rôle d’arbitre et de négociateur en jetant le soupçon sur son impartialité. Marraine de la fameuse «feuille de route», avec l’ONU, la Russie et les Etats-Unis, cette épisode va conforter ceux qui doutent de sa crédibilité.
En tout cas, cet incident apporte quelques indications sur le fait que la diplomatie n’est plus le seul domaine réservé des diplomates. Pour juger d’une situation internationale, les citoyens disposent en effet de leurs propres critères. En matière d’information et de communication, malgré les moyens investis par certaines administrations, on constate notamment que la stigmatisation de présumés-terroristes ou Etats voyous est inopérante tant que la démonstration n’apparaît pas comme incontestable et que, finalement, l’opinion publique n’en fait qu’à sa tête.
par Georges Abou
Article publié le 04/11/2003