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Thaïlande

Victoire du Premier ministre Thaksin aux élections législatives

Le parti du Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra (photo), aurait obtenu plus de 350 des 500 sièges à la Chambre des représentants.(Photo : AFP)
Le parti du Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra (photo), aurait obtenu plus de 350 des 500 sièges à la Chambre des représentants.
(Photo : AFP)
«Je remercie les électeurs pour avoir soutenu massivement mon parti», a déclaré le Premier ministre sortant Thaksin Shinawatra qui a tendu la main aux opposants : « puisque la course électorale est finie, j’invite tout le monde à me rencontrer ». Certains s’inquiètent pourtant pour les libertés en Thaïlande.

De notre correspondant à Bangkok 

Assailli par des centaines de journalistes dimanche soir au quartier général de son parti Thai Rak Thai (Les Thaïs aiment les Thaïs), le Premier ministre Thaksin Shinawatra a eu le triomphe modeste.
« C’est plus que ce que j’espérais», a-t-il déclaré en faisant allusion à la très large victoire remportée par son parti aux élections législatives. « Je ne travaille pas pour moi, je travaille pour les Thaïlandais. Ce n’est pas ma victoire, c’est leur victoire ». Selon des résultats encore officieux, le parti Thai Rak Thai obtient plus de 350 des 500 sièges à la Chambre de représentants, ce qui lui permet de former un gouvernement sans s’allier à d’autres formations.

Pour la principale formation d’opposition, le Parti démocrate, la défaite est sévère. Il ne devrait pas atteindre les 100 sièges, ce qui est le minimum pour avoir la possibilité de lever des motions de censure contre des ministres. Beau joueur, Abhisit Vejjajiva, vice-leader et figure montante de ce parti, concédait que « si la population a voté si massivement pour Thaksin, c’est parce qu’elle veut qu’il continue à administrer le pays ». Le politicien a toutefois mis en garde contre les dangers d’une dérive autocratique : « avec un si grand nombre de sièges, le Premier ministre doit ouvrir des espaces de liberté pour la presse, pour la population. Ceux qui sortaient des bureaux de vote et n’avaient pas voté pour le parti au pouvoir n’ont pas osé répondre aux questions des instituts de sondage. Il y a une atmosphère de peur ».

« La démocratie n’est pas le but ultime »

Premier chef de gouvernement à avoir effectué jusqu’au but son mandat de quatre ans, Thaksin Shinawatra est un homme d’affaires qui a fait fortune dans la téléphonie mobile. Il est aussi le premier politicien élu du royaume à exercer une telle domination sur le système politique. Ne supportant pas les critiques à son égard, il a parfois considéré que les attaques de l’opposition contre son gouvernement étaient « anti-patriotiques ». Fin 2003, il déclarait aux journalistes : « la démocratie est une bonne et belle chose, mais elle n’est pas le but ultime en ce qui concerne l’administration du pays ». Certains s’inquiètent déjà d’une restriction des libertés. Pendant le mandat de Thaksin, l’Association Thaïlandaise des Journalistes a constaté que Thaksin « avait effectivement réduit les médias au silence en bloquant les revenus publicitaires des entreprises d’Etat et des firmes liées au gouvernement ».

« Nous allons devenir un régime type Malaisie »

Dimanche soir, les lieutenants de Thaksin étaient prompts à nier toute velléité d’instaurer un régime autoritaire, expliquant que l’absence d’opposition politique n’obérait pas le système démocratique. « Avant, il fallait une opposition parce que la société civile était faible. Maintenant, ce n’est plus le cas. Il y a beaucoup de mécanismes de contrôle : les journalistes, les agences officielles indépendantes, le sentiment de responsabilité des membres du gouvernement. Il n’y a pas besoin de s’inquiéter de ce que le gouvernement va devenir une dictature », indiquait Suwat Liptapanlop, vice-leader du Thai Rak Thai. Cela ne suffit toutefois pas à convaincre tout le monde. « Nous allons devenir un régime du type de celui de la Malaisie, avec un seul parti dominant doté d’une aile politique et d’une aile affairiste », considère Kavi Chongkittavorn, rédacteur en chef du quotidien The Nation.

Connivence avec les milieux d’affaires

Thaksin a fait fortune grâce à l’obtention de concessions gouvernementales dans le domaine des télécommunications. Son entrée en politique en a été une conséquence logique. Il a choisi plusieurs de ses ministres parmi des chefs d’entreprises qui lui sont proches et ont souvent suivi un parcours similaire au sien. Dès lors, les conflits d’intérêt abondent : ces capitaines d’industries interviennent dans les politiques concernant leur propre secteur d’affaires. « Délit d’initié, utilisation de l’influence gouvernementale, corruption indirecte abondent », affirme le sénateur Somkiat Onwimol. L’économiste Chris Baker, auteur d’une étude sur Thaksin, estime que si le parti Thai Rak Thai domine de façon durable le paysage politique, il pourrait « devenir quelque chose d’équivalent au Parti Révolutionnaire Institutionnel au Mexique, puis pourrir de la corruption interne ». La richesse familiale de la famille Thaksin a augmenté de 70 % entre 2003 et 2004 pour atteindre près de 650 milions d’euros (en partie du fait de la hausse de la bourse). La seconde fille de Thaksin est la plus grosse fortune de Thaïlande et son fils, la quatrième. Mais dimanche soir, Thaksin a voulu rassurer les inquiets : « nous ne tirerons pas avantage du mandat que nous donnent les Thaïlandais ».


par Arnaud  Dubus

Article publié le 06/02/2005 Dernière mise à jour le 07/02/2005 à 08:20 TU